Vendredi 11 octobre 2024

Politique

Carnage à Ruhagarika

12/05/2018 Commentaires fermés sur Carnage à Ruhagarika
Carnage à Ruhagarika
Cette femme pleure la mort des membres de sa famille

26 morts et 7 blessés. Bilan d’une attaque armée perpétrée par un groupe d’hommes armés non encore identifié. C’était dans la nuit de ce vendredi à samedi 12 mai sur la colline Ruhagarika, commune Buganda de la province Cibitoke au Nord-Ouest du pays. Le gouvernement burundais parle d’un groupe terroriste.

Par Fabrice Manirakiza & Rénovat Ndabashinze

10 h 30. Chef-lieu de la commune Buganda. Environ 50 km de la capitale Bujumbura. Militaires et policiers lourdement armés grouillent de partout. Des voitures gouvernementales, des véhicules de l’armée et de la police stationnent devant les bureaux de la commune.

Quelques hautes autorités du pays sont dans une réunion de crise. Des badauds se sont rassemblés tout le long de la route. Ils chuchotent entre eux. Personne n’ose élever la voix. Ils attendent l’issue de la réunion.
A quelques 2 kilomètres, la colline Ruhagarika. Le lieu du massacre.

C’est à environ 500m de la frontière burundo-congolaise. Les gens, surtout des hommes, forment de petits groupes tout le long de la route Bujumbura-Cibitoke. Ils discutent entre eux.

Dans certains groupes, des pleurs, des sanglots. «Il a perdu un membre de sa famille», confie un des hommes approchés. Ils essaient de le réconforter. En vain. La douleur est trop forte. Sur les visages des gens, plusieurs sentiments se succèdent : la douleur, la colère, l’incompréhension,…

Des cris s’élèvent en bas de la route. Les rescapés pleurent les leurs.  A l’intérieur des maisons, c’est la désolation. La souffrance se lit sur tous les visages. Difficile à voir. Femmes et enfants gémissent. D’autres se cachent le visage des mains. Un petit garçon d’au moins 8 ans dans les bras, une femme pousse des cris. « Toyi we, Toyi we, urazize ubusa Toyi we!» («Toyi, tu meurs pour rien!») Elle a perdu un neveu du nom de Toyi.

«Umuryango wa Papa wacu urashiriye rimwe !» («Notre famille est décimée!») Elle est inconsolable. A côté d’elle, une jeune fille dort sur un petit lit. C’est sa nièce. Elle est mal au point. Elle ne peut pas parler. Elle a été blessée par balle aux jambes.

Dans une maison à côté, une natte maculée de sang se trouve juste à l’entrée du salon. Dans la chambre, le lit est rempli de sang. La moustiquaire est éclaboussée également de sang. Toute la famille a été décimée. «Un homme, son épouse et ses trois enfants ont été exécutés», racontent les voisins.

Dans une autre maison qui se trouve à 100m, c’est le même scenario. Quatre membres d’une même famille ont succombé dans cette attaque. A quelques mètres de là, c’est l’horreur. Du sang jonche le sol d’une des trois chambres. Plusieurs douilles sont visibles. On voit aussi une partie d’un matelas calciné. «Un homme et ses deux enfants ont été brulés là-dedans», raconte un habitant, les larmes dans les yeux. «C’est aussi la même chose dans la maison d’à côté», indique un autre. D’après les informations recueillies à Ruhagarika, une seule famille de cette localité a perdu une dizaine de membres dans cette attaque.

La population très fâchée

D’après les informations recueillies, ces assaillants ont attaqué aux environs de 22 heures. «J’ai entendu beaucoup de coups de feu. Je me suis terré dans la maison. Je n’ai pas osé sortir», raconte Sylvane Ntakonkibigira. Selon les témoignages, ces assaillants ont passé porte par porte pour massacrer les gens. «Ils ont utilisé des fusils. Ils avaient aussi de l’essence qu’ils ont utilisé pour brûler certains cadavres.»

Les habitants assurent que ce groupe d’assaillants a traversé la rivière Rusizi, après ce carnage, pour s’enfuir en République démocratique du Congo (RDC). Le bilan est de 26 morts et 7 blessés. Parmi les victimes, on déplore 11 enfants de 3 mois à 14 ans (3 fillettes et 8 garçons), 5 femmes, 5 hommes ainsi que 5 jeunes filles de 19 ans à 23 ans.

D’après les témoignages, la population avait remarqué, aux environs de 18 heures, des hommes suspects qui rôdaient dans les environs. «Ils portaient les anciennes tenues militaires et se comportaient d’une manière bizarre», confie un habitant de Ruhagarika. Ces habitants affirment qu’ils ont alerté la position militaire qui se trouve à une centaine de mètres de la localité. «Ce qui nous fait très mal, c’est que nous n’avons pas été secouru.» D’après eux, l’intervention a été faite par des forces de l’ordre venues du chef-lieu de la province.  Certains demandent plus de positions militaires pour sécuriser la zone. D’autres l’autorisation de porter des armes artisanales (Mugobore) pour assurer eux-mêmes leur sécurité.

Bujumbura promet une réaction musclée

Alain-Guillaume Bunyoni: « Le gouvernement du Burundi ne peut pas rester les mains croisés quand son peuple est en train d’être tué sauvagement »

« Le gouvernement du Burundi ne peut pas rester les mains croisés quand son peuple est en train d’être tué sauvagement », a déclaré Alain-Guillaume Bunyoni, ministre de la Sécurité Publique et Gestion des Catastrophes.

D’après lui, ce groupe sera combattu comme tous les autres groupes terroristes. «Nous ne pouvons pas combattre ceux de la Somalie tout en laissant de côté ceux de chez de nous».

Et d’appeler à l’unité : «Dans des moments pareils, tous les Burundais doivent être solidaires, unis et compatissants».

Aux médias, M. Bunyoni leur a demandé de ne pas catalyser, de donner une information rassurante. Et de remercier la population de Ruhagarika et l’administration : «Si vous leur aviez laissé le terrain libre, ils auraient commis d’autres crimes».

Il a annoncé que le gouvernement se chargera de l’enterrement prévu ce mardi 15 mai, des soins de santé pour les blessés et l’assistance des familles éprouvées.

N’eut-été ce carnage, a indiqué Joseph Iteriteka, gouverneur de la province Cibitoke, la sécurité y est bonne. Ce qui résulte du travail des comités mixtes de sécurité et de la quadrilogie. «La population a déjà compris que la sécurité est indispensable. Elle veille sur elle jour et nuit».

Prime Niyongabo, Chef d’Etat-Major de l’armée, Silas Ntigurirwa, secrétaire du conseil national de la sécurité, Godefroid Bizimana, inspecteur général adjoint de la police nationale ainsi les députés natifs de Cibitoke étaient sur le lieu du drame.

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