Mardi 15 juillet 2025

Économie

Taxes à la douane : Les déclarants, maîtres du jeu ?

Taxes à la douane : Les déclarants, maîtres du jeu ?
Un camion de marchandises sur la douane de Kobero à Muyinga

Lorsque le dédouanement devrait suivre un processus bien établi, certains importateurs se disent confrontés à des informations contradictoires et à un manque de transparence. En cause, des pratiques floues de la part de certains déclarants qui n’agissent pas toujours avec honnêteté.

Dans leurs démarches, certains importateurs cherchent à anticiper les coûts liés au dédouanement afin de mieux évaluer leur marge bénéficiaire. Mais sur le terrain, cette prévision se heurte souvent à des incertitudes.

« Je souhaitais déterminer à l’avance la marge bénéficiaire avant d’importer des marchandises. Je me suis donc tourné vers un déclarant. C’était le seul interlocuteur à ma disposition pour obtenir des renseignements sur les taxes à verser. Celui-ci m’a finalement expliqué que la valeur variait, qu’elle n’était pas figée », confie un importateur sous cou- vert d’anonymat. Il précise avoir échangé avec un déclarant œuvrant à la douane de Muyinga. L’homme d’affaires envisageait d’importer depuis la Tanzanie divers articles notamment de la vaisselle, des chaussures pour femmes et hommes ainsi que des lots de draps.

« J’ai insisté́ pour savoir si, une fois ces marchandises dédouanées, la valeur resterait la même pour une importation ultérieure. Il m’a répondu qu’aucune garantie ne pouvait être donnée non plus. J’ai finalement renoncé. Car je ne pouvais pas me lancer dans cette activité sans assurance de réaliser un profit. » Resté méfiant, l’importateur explique qu’après avoir rencontré un agent de l’Office burundais des Recettes (OBR), il en a profité ́ pour lui poser plusieurs questions concernant son dossier.

Des importateurs ignorants, une proie facile

Selon lui, cet agent de l’OBR bien qu’il ne joue pas le rôle d’un vérif- icateur lui a apporté des éclaircissements tout en l’avertissant sur certaines pratiques douteuses de la part des déclarants. « Il m’a révélé que les informations fournies par le déclarant étaient erronées. En réalité, l’unité chargée de fixer la valeur en douane ne consulte le labora- toire qui s’occupe de cet exercice que lorsqu’il s’agit d’un produit neuf dont la valeur n’est pas déjà enregistrée dans le système utilisé par les vérificateurs de l’OBR. » L’importateur fait alors remarquer que les produits qu’il voulait apporter sont déjà ven- dus au Burundi.

Ce fonctionnaire de l’OBR, également sous anonymat, lui a fait part des cas de manœuvres frauduleuses. Il lui a confié que certains déclarants vont jusqu’à falsifier les documents délivrés par l’OBR. « Il m’a expliqué que sachant que de nombreux importateurs n’entrent pas directement en contact avec les vérificateurs, ils en profitent pour les tromper. »

Dans un contexte où de nombreux importateurs disent faire face à des incertitudes quant aux montants à payer lors du dédouanement, certains déclarants affirment pourtant que les taxes à régler sont généralement connues à l’avance, avant l’importation.

« Avant d’importer, on te calcule déjà le montant des taxes à payer. Ce qui a changé, c’est le coefficient du taux d’application. Si c’est possible, tu peux même négocier.
Pour certaines marchandises comme les pagnes, les sandales, les téléphones, ils font un système de forfait. C’est, une fois arrivés à la douane que le montant exact à payer est fixé »
, témoigne un déclarant.

Les importateurs doivent venir à la source

Stany Ngendakumana : « Il ne faut pas que les importateurs restent prisonniers des déclarants »

Alors que de nombreux importateurs dénoncent des zones d’ombre dans le processus de dédouanement, l’OBR explique ce dernier tel qu’il est officiellement établi. Selon Stany Ngendakumana, porte-parole de l’office, les commerçants qui se lancent dans l’importation doivent d’abord se présenter à l’OBR avant l’importation afin de s’informer si les marchandises sont autorisées ou non pour l’importation. C’est aussi pour savoir si elles sont dans la catégorie des produits règle- mentés. Pour le cas des marchandises ordinaires, le commerçant doit faire une déclaration préalable aux services de dédouanement.

« La déclaration con- tient l’identification et les détails de toutes les marchandises, le nom du propriétaire ainsi que la destination de ces marchandises. Avant l’importation, il est difficile de savoir le montant exact des taxes à payer. Mais, l’importateur part avec l’idée du montant qu’il va payer » indique-t-il. Après l’importation, le commerçant doit présenter trois documents, à savoir la facture commerciale, un document de transport ainsi que le certificat d’origine de sa marchandise d’après M. Ngendakumana.

Il explique que c’est à̀ partir de ces docu- ments, surtout de la facture que l’impor- tateur présente, qu’ils peuvent calculer le montant des taxes à payer. Les calculs qu’ils font sont écrits et précis dans le document. « Il y a des pourcentages précis sur chaque valeur des marchandises. Les vérificateurs ont l’obligation d’expliquer et de montrer aux importateurs l’origine des calculs ». Il assure également qu’en cas d’incompréhension ou d’insatisfaction, il y a un centre d’appel où ils reçoivent des appels de tout contribuable qui veut une explication quelconque.

Consultation du fichier de valeur

Concernant la base sur laquelle le prix des taxes est fixé, il dit que l’OBR se base sur les trois documents que l’importateur présente. Il souligne qu’avec la digitalisation, l’OBR possède un module de gestion des factures présentées pour éviter la fraude que faisaient certains importateurs.
« Par exemple, si vous amenez une facture d’un véhicule v8 et que vous dites que vous l’avez acheté à 1 000$, c’est impossible. Dans le fichier valeur et dans le module de gestion des factures on a le prix de ces véhicules. C’est pour- quoi on vérifie d’abord si les factures présentées sont cohérentes avec les prix se trouvant dans le module ». Pour lui, la digitalisation des services de l’OBR est venue couper court avec les spéculations des importateurs car, avant, chacun amenait des factures qu’il vou- lait et souvent falsifiées.

Quant aux spéculations que feraient cer- tains déclarants nota- mment en donnant de fausses informations aux importateurs con- cernant les montants des taxes à payer ou en falsifiant les doc- uments de l’OBR, ce porte-parole dit que ce problème est connu et que des sanctions sont prévues.
« Les déclarants sont régis par la loi. Il y a des déclarants qui ne font pas correctement leur travail. Malgré toutes les sorties que les autorités de l’OBR ont faites à propos du travail que font les agences en douane, nous avons constaté qu’il y a toujours des déclarants qui ne font pas correctement leur travail. Mais, si on constate qu’un déclarant a fait des fautes professionnelles, il y a des sanctions allant même à la fermeture de son agence ».
L’OBR encourage les importateurs à s’in- former directement auprès des services compétents pour mieux comprendre les procédures en vigueur à suivre en évitant de se fier uniquement aux déclarants.

« Il ne faut pas que les importateurs soient pri- sonniers des déclarants. Nous leur demandons de toujours collaborer avec les services de l’OBR ainsi que de s’impliquer dans le processus de dédouanement afin de prendre connaissance des informations réelles. », insiste-t-il.

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