Jeudi 25 avril 2024

Editorial

Rumuri dans l’obscurité

18/02/2022 5

La situation dans les homes et auditoires des campus de l’Université du Burundi communément appelée « Rumuri » ou flambeau, est préoccupante. L’obscurité et le manque d’hygiène inquiètent les étudiants qui dénoncent déjà l’insécurité qui règne sur les campus. La représentation générale des étudiants de l’Université du Burundi tire la sonnette d’alarme, alerte les autorités.

Par Léandre Sikuyavuga

Dans une correspondance, dont Iwacu possède une copie, les étudiants demandent avec insistance à leur recteur « son intervention rapide en plomberie et en électricité ». Ils dénoncent entre autres les auditoires fermés par manque d’éclairage, des cas de vol de leurs biens suite à l’obscurité, l’eau qui se déverse au long de la journée faute de réparation des robinets. « Au lieu de procéder à la réparation des pannes, les techniciens décident de fermer complètement les robinets faute de pièces de rechange. Certaines douches et toilettes sont déjà fermées, ce qui pourrait causer des maladies liées au manque d’hygiène. » Les journalistes d’Iwacu qui ont visité différents campus confirment les faits. Pour un étudiant, les installations hygiéniques dans les homes sont d’une telle saleté que certains occupants préfèrent faire leurs besoins en dehors du site universitaire.

Il n’est pas opportun de revenir sur des défis surtout structurels qui hantent l’Université du Burundi. Mais tout de même, il y a des services habilités à trouver des solutions aux problèmes ponctuels. Avant de recourir au recteur, la représentation générale des étudiants de l’université du Burundi annonce qu’elle avait adressé plusieurs correspondances au directeur des Finances et du patrimoine, en vain. Quid de la direction des services sociaux ? Un enseignant à cette université du Burundi qui s’est confié à Iwacu, sous anonymat, décrit la situation en ces termes : « La gestion opaque, l’absence de bonne gouvernance et le manque de la culture de redevabilité gangrènent depuis des années cette institution qui se veut être le flambeau. En conséquence, la qualité de l’enseignement dégringole de jour en jour ».

Une prestigieuse institution comme l’université nationale doit avoir les moyens pour entretenir, rénover des infrastructures existantes. Ce n’est pas par décret présidentiel ou ordonnance ministérielle que l’on remplace un tube fluorescent, une ampoule, une prise ou une vanne. Toutefois, cela ne dédouane non plus les étudiants. Ils doivent montrer leur part dans la protection des infrastructures qu’ils ont trouvées. Par ailleurs une question qui me taraude : Est-ce que de tels griefs s’entendent dans des universités privées ?

L’Université du Burundi est un bien public, « la chose qui appartient à tous et à personne ». D’où une négligence dans certaines circonstances. Pourtant, la protection et l’entretien des biens publics est un devoir de tout citoyen. Cela débute par la prise de conscience de chaque citoyen et l’université devrait être un milieu privilégié pour accomplir cette obligation. Je fais mien le commentaire d’Emile Durkheim : « Nous avons besoin de civisme individuel et de conscience collective.»

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Maningo Jean claude

    « Ce n’est pas par décret présidentiel ou ordonnance ministérielle que l’on remplace un tube fluorescent, une ampoule, une prise ou une vanne ».
    Très bien dit M. l’éditorialiste. Mais les services habilités reprendront le slogan devenu »national »: « Nous attendons les ordres d’en haut. » Quelle bassesse!

  2. BarekeBavuge

    Monsieur l’Editorialiste.
    Vous direz que cela n’a pas de rapport.
    Lorsqu’on installe l’éclairage public. 5 mois plus tard toutes les lampes sont vandalisées. Mais c est un pays qui compte je crois 25 000 militaires. La nuit tout ce bon monde dort des 2 yeux.
    Je connais un pays ou le soir toute l armée est déployée pour faire regner la securité et protéger les biens publics et privés. Les fonctions régaliennes sont dévolues à l’Etat. Full stop.
    Ivyo vyose biba ababijejwe bari hehe?

  3. arsène

    L’Université du Burundi est un bien public, « la chose qui appartient à tous et à personne »

    J’aimerais commenter ce passage en me référant à la typologie des bien selon l’économie institutionnelle qui distingue quatre types de biens à savoir: publics, à péage, communs et privés (cf. Oran Young 2000, Elinor Ostrom 1990, Philippe Le Prestre 1997). Les biens publics se caractérisent par la non exclusion (accès libre) et une consommation conjointe (non-rivalité). Il y a non-rivalité lorsque l’usage par un acteur ne diminue pas la quantité disponible pour les autres; il y a rivalité lorsque l’usage par un acteur affecte le niveau de consommation pour les autres. Par exemple, l’éclairage public (à moins que les gens ne s’attroupent sous un lampadaire de façon que certains ne trouvent pas de place) ou simplement la voie public dans la mesure où celui qui passe n’use pas irrémédiablement la voie. On peut aussi citer les ondes: si une personne écoute la radio, elle n’en prive pas les autres.
    Concernant l’université, je dirais plutôt que concernant le type d’accès, c’est plutôt un bien à péage car l’accès est limité; certains en étant exclus. Quant au type de consommation, elle est plutôt rivale de type « bien commun ».

    « Pourtant, la protection et l’entretien des biens publics est un devoir de tout citoyen. »
    Si l’université était un bien public comme la voie publique, les marchés (qui ne cessent hélas de s’embraser), etc., on pourrait faire porter la responsabilité à tous les citoyens. Mais, en l’état actuel des choses, le citoyen pourrait surtout demander des comptes aux responsables de l’institution car, ceux-ci sont payés par le contribuable pour entre autre, veiller à ce que ce bien particulier ne dépérisse pas.

    Références:
    Le Prestre (1997), Écopolitique internationale; Ostrom (1990), Governing the commons. The evolution of Institutions for collective action; Young (2000), « Gérer les biens communs planétaires. Réflexion sur un changement d’échelle », Critique internationale, n°9.

  4. Mbariza

    … » « Nous avons besoin de civisme individuel et de conscience collective.» »
    Qu’est-ce qui est prôné et enseigné comme civisme chez nous ?
    Quelle est la conscience collective chez nous ?
    Le comportement des dirigeants et des instruits est-il exemplaire ?

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