Aujourd’hui, certains jeunes de la province de Bujumbura tardent de plus en plus à se marier et d’autres préfèrent renoncer à cette idée malgré la pression. La manière dont ils perçoivent le mariage aujourd’hui diffère pour plusieurs raisons de celle de leurs parents.
J.M est un jeune de 33 ans. Pour lui, le mariage n’est pas une priorité. Il y a d’autres étapes à franchir avant de penser au mariage.
« Mon idéal de vie, c’est d’atteindre mes objectifs avec une stabilité financière et émotionnelle, trouver un équilibre personnel qui me permettra d’accueillir une relation durable. »
Il ajoute qu’il faut d’abord une base solide (indépendance, confiance en soi). Le mariage devient une union plus équilibrée et moins dépendante.
Pour E.I, une étudiante en 5ᵉ année de médecine, le mariage peut attendre. Sinon, cela risquerait autrement de freiner la réalisation de ses rêves.
« Me marier avant ma spécialisation compliquerait la réalisation de mes objectifs à cause des responsabilités familiales. »
Autres freins à l’engagement
Certains jeunes justifient leur réticence par des expériences douloureuses vécues dans leur foyer.
« Ayant grandi dans un foyer conflictuel, j’ai préféré rester célibataire plutôt que de revivre ce genre de souffrance. », explique une jeune fille de 30 ans.
D’autres évoquent le manque de moyens financiers comme un obstacle majeur à leur projet de mariage.
« Me marier sans avoir un minimum de sécurité financière, c’est exposer mon couple à des tensions inutiles. », affirme R.B., un jeune de 29ans.
Choisir le bon moment pour s’engager
F.N, un jeune qui s’est marié à l’âge de 36ans trouve qu’il était important de ne pas se précipiter et d’atteindre d’abord ses objectifs.
Il évoque l’absence de moyens financiers comme, un facteur qui ne devrait pas être négligé.
« Je voulais d’abord être prêt financièrement et trouver une personne qui partage ma vision et accepte ma situation, pour éviter des regrets futurs, et cela a contribué à la stabilité de mon foyer. » Il parle de la pression de la part de la famille qu’il faut défier.
« Ma famille voulait que je me marie comme les autres sans tenir compte de ce que je ressentais. Mais j’ai tenu bon et choisi de suivre mes objectifs avant de m’engager. »
Du côté des parents, certains reconnaissent que la précipitation n’est pas la solution.
« Je suis d’accord qu’il ne faut pas se marier juste pour faire plaisir aux autres. Mieux vaut attendre un peu que d’entrer dans un foyer sans être prêt et finir par tout gâcher. Néanmoins, avoir quelqu’un à ses côtés peut donner de la force et de la stabilité pour avancer. » Témoigne un parent.
Selon Msc Oswald NDACAYISABA, Psychologue clinicien Social, la pression sociale et familiale reste l’un des facteurs clés qui poussent certains jeunes à se marier précipitamment, avec des conséquences parfois néfastes.
« Au Burundi, la pression sociale reste forte, au point que dépasser la trentaine sans être marié est mal vu. Pour rassurer leurs familles, certains jeunes se précipitent dans le mariage, souvent sans préparation. Résultat : des séparations précoces, des dettes liées aux cérémonies, et des unions fragilisées dès le départ. »
Entre modernité, individualisme et influences extérieures
Selon Adrien Sibomana, membre de l’institution des Bashingantahe, l’évolution actuelle du mariage chez les jeunes ne constitue pas une véritable révolution.
« C‘est une conception quelque peu égoïste du mariage qui est une cohabitation responsable et exigeante. »
Il lie ce changement à l’évolution des modes de vie.
« Autrefois, le mariage permettait au nouveau couple d’accéder à leur propre maison et à la propriété foncière (gusohora umwana). Aujourd’hui, la réalité est différente : les jeunes doivent souvent louer un logement coûteux, tandis que les célibataires peuvent opter pour la colocation. Il est compréhensible que décider de payer plus cher qu’avant ne soit pas une priorité. »
L’Abbé Pierre NSENGIYUMVA, prêtre de l’Archidiocèse de Bujumbura, membre des responsables diocésains de la pastorale familiale, estime que le changement n’est pas aussi profond qu’on le pense.
Il affirme que les jeunes s’engagent encore dans le mariage, tout en reconnaissant que les conditions varient selon leurs moyens, convictions, éducation et valeurs.
Il souligne que les jeunes d’aujourd’hui évoluent dans un environnement complexe, exposés à de nombreuses influences extérieures.
« Les jeunes citadins prennent de plus en plus l’habitude d’adopter des comportements tous azimuts à cause de l’influence des radios, des journaux, de la télévision, des réseaux sociaux et des relations que nous tissons avec ceux que nous fréquentons ou qui nous rendent visite. »
D’où, selon lui, l’importance d’être vigilant et capable de discerner entre ce qui est bénéfique et ce qui ne l’est pas.
Une vision du mariage en pleine mutation

Oswald NDACAYISABA, explique que la situation économique difficile, marquée par le chômage et la pauvreté, freine l’organisation de cérémonies coûteuses et la création d’un foyer stable.
A cela s’ajoute les réalités sociales
« Les divorces fréquents et les blessures causées par des expériences douloureuses vécues dans leur foyer, ont fragilisé la confiance des jeunes envers le mariage. »
Il trouve que les jeunes sont plus exigeants, influencés par ces divorces et déceptions fréquentes.
Pour lui, à la différence d’aujourd’hui, le mariage était une étape évidente, soutenue par la tradition et la communauté.
« Il était perçu comme une étape naturelle, peu importe les conditions économiques. Imana ihezagira babiri (Dieu bénit les couples), disait-on pour encourager les candidats potentiels. Le respect des traditions et le poids de la communauté primaient sur les aspirations individuelles. »
Il souligne une évolution des mentalités marqué par un véritable tournant dans la manière dont les jeunes perçoivent l’engagement conjugal.
« Aujourd’hui, les jeunes, influencés par les crises économiques, le chômage, la mondialisation et les réseaux sociaux, repensent le mariage. Ils le voient moins comme une obligation et plus comme un engagement basé sur l’amour, la complicité et la stabilité. Pour eux, le mariage a toujours de la valeur, mais il doit répondre à une vision plus personnelle et réfléchie. »
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