Jeudi 03 juillet 2025

Société

RDC/Lusenda : Les réfugiés burundais livrés à eux-mêmes

RDC/Lusenda : Les réfugiés burundais livrés à eux-mêmes
Des réfugiés burundais dans le camp de Lusenda

Selon un rapport récent du Haut-commissariat des Nations-unies pour les réfugiés (HCR), des milliers de Burundais demeurent réfugiés dans différents pays de la région des Grands lacs. Ces réfugiés, ainsi que des structures dédiées à la défense de leurs droits, dénoncent les conditions de vie extrêmement précaires dans lesquelles ils sont contraints de survivre.

D’après les chiffres contenus dans le rapport du 31 mai 2025 publié par le HCR, 257 893 Burundais sont actuellement réfugiés. On en compte 103 780 en Tanzanie, 51 595 en République démocratique du Congo (RDC), 50 136 au Rwanda, 42 433 en Ouganda et 9 949 au Kenya.

Un réfugié vivant dans le camp de Lusenda, en RDC, se dit indigné face à cette situation. « La condition humanitaire actuelle des réfugiés burundais en RDC est désastreuse. Bien plus, aucune assistance ne nous est parvenue depuis l’occupation de certaines provinces congolaises par les rebelles de l’AFC/M23. » S’exprimant sous couvert d’anonymat, il précise que la dernière aide humanitaire remonte au mois de novembre 2024. Selon lui, le HCR et le PAM sont absents sur le terrain depuis décembre 2024. « La seule chose encore accessible est l’eau potable » se désole-t-il.

Concernant l’accès aux soins de santé, il souligne que les structures sanitaires qui accueillent les réfugiés burundais notamment le poste et le centre de santé de Lusenda ainsi que l’hôpital général de référence de Nundu ne disposent plus de médicaments. « Les patients doivent se procurer eux-mêmes les médicaments dans des pharmacies privées. »

Une cohabitation devenue toxique

Le camp de réfugiés burundais de Lusenda accueille près de 27 000 personnes. On y recense environ 200 enfants souffrant de malnutrition ainsi que plus de 100 femmes enceintes ou allaitantes touchées elles aussi par ce fléau. « Depuis mars 2025, la zone de santé de Nundu ne dispose plus d’intrants nutritionnels destinés aux enfants et aux femmes malades. Les Plumpy Sup et Nut sont bloqués à l’ancienne capitale provinciale du Sud-Kivu », rapporte-t-il avec amertume.
Il ajoute que nombre de réfugiés vivent encore dans des abris faits de bâches. « Depuis 2018, la distribution générale de bâches a été suspendue. Environ 20 % des réfugiés logent dans des habitations en location car, leurs abris en bâches ont été détruits. »

Toujours selon lui, certains réfugiés envisagent un retour volontaire au Burundi, d’autres sont réticents pour diverses raisons. Ces derniers plaident plutôt pour une réinstallation. Il dénonce également la détérioration de la cohabitation avec les habitants du pays d’asile. « Les exactions commises par les éléments Wazalendo à l’encontre des réfugiés burundais sont indescriptibles. Torture, traitements inhumains, vols, intimidation, etc. »

Léopold Sharangabo, président de la Coalition burundaise des défenseurs des droits de l’Homme vivant dans les camps de réfugiés (CBDH/VICAR), confirme cette situation dans le camp de Lusenda .« Les réfugiés des camps de Lusenda et de Mulongwe en RDC se plaignent depuis longtemps. Et cela bien avant les offensives des rebelles du M23. Les organismes humanitaires opérant dans cette région se sont montrés de plus en plus défaillants dans leurs responsabilités », déplore-t-il.

Une précarité qui ne date pas d’hier

Selon lui, il arrivait déjà que les réfugiés passent deux à trois mois sans bénéficier de la moindre aide alimentaire ou médicale. « Aujourd’hui, la situation est dramatique. Cela fait six mois que les réfugiés sont totalement privés de cette aide pourtant vitale. »

M. Sharangabo précise que les réfugiés burundais installés dans différents camps font face à de multiples défis. « Le plus important est lié à l’insécurité. Dans certains camps, comme ceux de Nduta et Nyarugusu en Tanzanie, ou de Lusenda et Mulongwe en RDC, les réfugiés vivent dans une peur constante d’enlèvements, de violences ou de rapatriements forcés. » Il affirme que plusieurs témoignages font état d’intimidations ou de pressions exercées par les agents de sécurité de ces pays. « À Nduta par exemple, en avril et mai derniers, cinq réfugiés ont été interpellés par les services de renseignement tanzaniens. Ils demeurent introuvables à ce jour », rapporte-t-il avec inquiétude.

Il ajoute que dans d’autres pays, notamment en Ouganda et au Kenya, des attaques perpétrées par des individus non identifiés entraînant même la mort de certains réfugiés sont parfois signalées. « Sur le plan humanitaire, les conditions de vie sont extrêmement dégradées. L’accès à l’alimentation est limité, les rations sont souvent réduites ou suspendues faute de financement. » Ce qui engendre des cas graves de malnutrition, notamment chez les enfants.
Il souligne également que les soins de santé sont insuffisants ; que les structures médicales manquent de médicaments, de personnel qualifié et d’équipements essentiels.

Le non-respect des droits fondamentaux des réfugiés

Le président de la CBDH/VICAR évoque également les défis liés à l’éducation. « De nombreux enfants réfugiés ne vont pas à l’école soit parce qu’aucun établissement scolaire n’existe dans les camps, soit parce que leurs familles n’ont pas les moyens de couvrir les frais (uniformes, cahiers, etc.). »

Léopold Sharangabo : « Le silence ou l’inaction face à la détresse constitue une violation des principes humanitaires les plus fondamentaux »

M. Sharangabo regrette qu’en somme, les droits des réfugiés burundais sont bafoués. Certes, certains pays s’efforcent d’assurer un minimum de protection. Mais ailleurs, rien ne fonctionne. Pour lui, une évaluation objective du respect de ces droits nécessite une lecture attentive des articles de la Convention de Genève de 1951, modifiée par le Protocole de 1967, que plusieurs États, dont ceux de la région des Grands lacs, ont signée et ratifiée.

Il cite notamment l’article 33 (interdiction du refoulement), l’article 26 (liberté de circulation), les articles 27 et 28 (droit aux documents d’identité et de voyage) ainsi que les articles 17, 18 et 19 qui garantissent aux réfugiés le droit au travail, à l’exercice d’une profession libérale et à la création d’entreprises dans les conditions les plus favorables possibles.
« En réalité, ces droits sont trop souvent violés dans certains pays où des réfugiés sont traités comme des détenus. Sans papiers, privés de travail légal et confinés dans des camps, ils sont exposés à de nombreuses formes d’abus. Ce fossé entre les engagements juridiques et la réalité vécue appelle une réponse urgente », constate-t-il.

Concernant les réfugiés désireux de rentrer volontairement au Burundi, mais dont les dossiers n’avancent pas en « raison de l’inactivité du HCR », M. Sharangabo rappelle que chaque être humain a non seulement le droit de demander asile mais également celui de retourner librement dans son pays d’origine. « Cela révèle un abandon de responsabilité de la part des structures censées protéger les réfugiés, notamment le HCR qui est mandaté pour organiser et faciliter le rapatriement volontaire dans des conditions de sécurité, de dignité et de liberté de choix », déplore-t-il.

En tant qu’organisation de défense des droits des réfugiés, la CBDH/VICAR multiplie les alertes à travers des déclarations publiques, des courriers officiels et des interpellations adressées aux agences humanitaires et aux partenaires concernés. « Notre but est de faire pression pour que ces acteurs humanitaires reviennent sur le terrain et interviennent de toute urgence pour sauver des vies. Le silence ou l’inaction face à une telle détresse constitue une violation des principes humanitaires les plus fondamentaux. »

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