Samedi 02 novembre 2024

Économie

PND 2018-2027 : des ambitions à la réalité

PND 2018-2027 : des ambitions à la réalité
Gabriel Rufyiri : « Le développement n'a pas d'ethnies, n'a pas de régions, n'a pas de partis. Il concerne tout le monde »

L’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (OLUCOME) a organisé, le 2 octobre 2024, un atelier de présentation du rapport alternatif sur la mise en œuvre du Plan National de Développement (PND) pour la période 2018-2022. Ce document évalue les progrès réalisés et souligne les défis persistants dans des secteurs clés.

L’atelier a réuni des cadres des différentes institutions étatiques, des représentants de la société civile burundaise, ainsi que des médias, offrant une plateforme d’échange sur les progrès réalisés et les défis rencontrés dans la mise en œuvre de ce plan. C’était Dans le cadre de la mise en œuvre du projet « Implication de la société civile dans la gestion des finances publiques ».

Le Plan national de développement (PND) a été conçu pour permettre au Burundi de réaliser des progrès socio-économiques substantiels sur une période de dix ans, de 2018 à 2027.

Aligné aux Objectifs de Développement Durable (ODD), il a pour ambition de réduire les vulnérabilités socioéconomiques, de renforcer la résilience face aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques, et de promouvoir la cohésion sociale.

Le PND se veut une réponse globale aux défis que le Burundi affronte dans des secteurs tels que l’agriculture, l’énergie, l’éducation, les infrastructures, …

Le rapport alternatif, élaboré par la Maison d’Appui aux Recherches et aux Consultations (MARC), qui a été présenté par Emmanuel Niyungeko, un professeur et enseignant-chercheur de l’Université du Lac Tanganyika, a pour objectif de compléter et de nuancer le suivi officiel du PND.

Ce document vise à fournir une évaluation critique et indépendante des progrès réalisés entre 2018 et 2022, en mettant en avant non seulement les résultats obtenus, mais aussi les défis persistants, notamment l’absence de données statistiques pour certains indicateurs et l’absence de situations de référence en 2017.

Performances macroéconomiques : des progrès mitigés

Extraction de coltan à Kivuvu en commune de Kabarore

Le rapport met en lumière une période de croissance économique ralentie entre 2018 et 2022. Le taux de croissance du PIB, qui s’élevait à 5,3 % en 2018, a chuté à 0,3 % en 2020, avant de remonter légèrement à 1,8 % en 2022. En moyenne, le taux de croissance du PIB réel a été de 3,6 % sur l’ensemble de la période, un résultat jugé insuffisant au regard des attentes initiales du PND.

La faible performance macroéconomique est attribuée à une série de facteurs, tels que la dépréciation de 38,5 % du franc burundais par rapport au dollar américain, une inflation élevée et une faible production agricole.

L’agriculture, qui demeure un secteur clé pour l’économie burundaise, a fait l’objet de plusieurs initiatives, notamment l’augmentation de la production à travers le développement des coopératives collinaires et la construction d’infrastructures agricoles.

Cependant, des défis importants persistent. Ces actions ont permis d’atteindre des résultats contrastés avec un accroissement de la production vivrière passant de 309,81 milliers de tonnes en 2017 à 683,62 milliers de tonnes en 2021 pour les céréales ; de 309,806 milliers de tonnes en 2017 à 683,62 milliers de tonnes en 2022.

Le rapport souligne l’insuffisance des semences sélectionnées, des fertilisants et des ressources budgétaires allouées au secteur agricole. Par ailleurs, l’acidité des sols et les aléas climatiques continuent de compromettre les efforts de modernisation agricole.

Malgré une augmentation notable de la production vivrière, ces résultats contrastés révèlent la nécessité de renforcer les capacités techniques et financières du secteur.

Énergie, eau et assainissement

Dans le domaine de l’énergie, le rapport note des avancées significatives, telles que l’augmentation du nombre de ménages électrifiés, qui est passé de 119 132 en 2017 à 288 592 en 2022.

Cependant, la couverture électrique globale reste inférieure à 50 % pour l’ensemble des centres urbains, ce qui limite considérablement le développement économique et social du pays.

Le taux de perte en énergie a diminué, passant de 28,14 % en 2017 à 19,03 % en 2021, mais des efforts restent à fournir pour améliorer l’accès à l’électricité.

En ce qui concerne l’eau potable, le taux de couverture au niveau national a progressé, atteignant 86,90 % en 2021, contre 82,8 % en 2017. Toutefois, moins de 44 % des Burundais ont accès à des toilettes améliorées non partagées, ce qui constitue un frein à l’atteinte des objectifs d’assainissement fixés par le PND.

Le rapport met en exergue les efforts déployés pour améliorer les infrastructures de transport. Les routes nationales bitumées sont passées de 1 655,8 km en 2017 à 1 944,8 km en 2022, soit une augmentation de 17,45 %.

Cependant, les routes intercommunales et provinciales restent dans un état précaire, en raison du manque de matériel de transport moderne et d’équipements adéquats.

Le transport portuaire, en particulier sur le lac Tanganyika, est encore sous-développé malgré son potentiel pour stimuler l’économie sous-régionale.

Le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) a connu une croissance importante entre 2017 et 2022. Le nombre d’abonnements à l’Internet mobile a augmenté de manière spectaculaire, passant de 748 089 en 2017 à 2 452 761 en 2021. Soit une progression moyenne annuelle de 31%.

Pour l’usage du téléphone mobile, le taux de pénétration de la téléphonie mobile est passé de 50,1 % à 62,21 % en 2022 ; soit une progression moyenne annuelle de 5,3%.

Le pourcentage de la population ayant accès à l’internet est passé de 7% en 2017 à 20 % en 2022, soit une progression moyenne annuelle de 65%. Le pourcentage de la population ayant accès au téléphone portable est passé de 50,1% en 2017 à 64.27% en 2021. Le grand défi des TIC reste l’augmentation d’accès aux TIC mobile et internet.

Dans le secteur des mines, les actions entreprises pour légaliser les activités minières et améliorer la production de minerais ont également porté leurs fruits.

L’exportation de minerais, tels que l’or et le niobium, a contribué à diversifier les recettes du pays. Toutefois, le défi reste d’intégrer pleinement les artisans miniers dans un cadre légal et formel, pour une meilleure régulation de ce secteur stratégique.

De 2017 à 2022, des quantités de minerais produites varient entre 953,0 kg et 439,9 kg pour l’or. De plus, 74 994,50 kg et 125 000 kg de terres rares ont été exportées respectivement en 2017 et 2021.

Le principal défi qui se pose est d’amener pleinement les artisans miniers vers le cadre légal et formel en instaurant un véritable climat d’assistance, de collaboration et de confiance.

Le commerce extérieur est dominé par les importations

La politique nationale d’industrialisation du Burundi, adoptée en 2019, vise à accélérer la transformation locale des matières premières et à diversifier les capacités de production pour augmenter les exportations. Malgré ces ambitions, le pays reste un importateur net avec un taux de couverture des importations de seulement 18 % en 2021.

Le commerce extérieur est dominé par les importations, tandis que les exportations restent centrées sur des produits primaires comme le café, le thé et l’or. Les principaux défis incluent le manque de moyens techniques, de conservation et d’infrastructures modernes pour soutenir l’industrialisation.

Le rapport alternatif souligne également les progrès réalisés dans les secteurs sociaux. Le taux brut de scolarisation dans l’enseignement fondamental est passé de 89 % en 2017 à 93,2 % en 2022, tandis que le taux d’achèvement de ce cycle reste faible, à 51,3 % en 2022. Le taux d’abandon scolaire, principalement chez les filles en raison des grossesses précoces, demeure un obstacle majeur.

Dans le secteur de la santé, bien que des progrès aient été réalisés dans la réduction de la mortalité maternelle et infantile, des défis subsistent, notamment en ce qui concerne l’accès aux services de santé pour les populations vulnérables.

Le rapport note que 82,4 % des Burundais n’ont aucune couverture d’assurance maladie, un chiffre alarmant qui compromet l’accès aux soins de santé pour une large partie de la population.
Le développement concerne tout le monde.

Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCOME, a exprimé des préoccupations majeures concernant le développement du Burundi et l’implication de tous les citoyens dans ce processus. « Le développement n’a pas d’ethnies, n’a pas de régions, n’a pas de partis, il concerne tout le monde », a-t-il souligné.

Il a également insisté sur le fait que le développement doit être vu comme un héritage pour les générations futures. Pour cela, il a recommandé que le gouvernement mette en place des mécanismes de sensibilisation efficaces pour permettre aux citoyens de s’approprier les politiques de développement.

« Le gouvernement doit faire des sensibilisations et des informations que le contenu de ces documents puisse être divulgué », a-t-il plaidé. Il a ajouté que les journalistes et la société civile ont un rôle crucial à jouer dans l’organisation de débats publics.

Cependant, le président de l’OLUCOME a souligné que de nombreux défis demeurent, entravant la mise en œuvre des plans de développement. Il a évoqué le manque de ressources financières et humaines, rendant difficile l’évaluation des indicateurs du Plan national de développement (PND).

« Il était très difficile d’évaluer les 20 indicateurs mis en place », a-t-il déploré. Il a rappelé que le Burundi connaît souvent des crises, un défi majeur qui doit être relever pour assurer un développement durable.

En ce qui concerne la gouvernance, Gabriel Rufyiri a affirmé que tous les aspects de la gouvernance, qu’ils soient politiques, économiques ou sociaux, doivent être pris en compte pour éviter de répéter les mêmes erreurs du passé.

Selon lui, il y a une nécessité de traiter les problèmes de crises récurrentes, car « sans une bonne gouvernance, le développement ne peut pas être durable ».

M. Rufyiri a mis aussi en lumière l’importance de lutter contre les inégalités sociales. Pour lui, « la richesse du pays ne doit pas être consacrée aux mêmes poignées d’individus ».

Il a appelé à la mise en place d’« outils techniques et opérationnels » qui permettront une répartition équitable des richesses et un développement qui profite à tous.

Les participants à l’atelier ont insisté sur la mise en place d’un mécanisme de suivi-évaluation des politiques, essentiel pour obtenir des financements.

L’amélioration de l’investissement, notamment à travers la promotion de produits innovants, et le renforcement des partenariats, ont également été soulignés.

D’autres suggestions incluent une meilleure régulation monétaire, le développement des industries de transformation, la promotion des coopératives et du tourisme, et l’augmentation de la consommation locale. Sur le plan social, ils ont mis l’accent sur l’éducation, l’égalité des genres et une meilleure répartition des richesses.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Stan Siyomana

    Moi je voudrais savoir si les tuyaux d’eau que l’on voit au haut de la mine font partie du systeme d’exploitation de cette mine (et quel est leur role?).

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