Jeudi 25 avril 2024

Editorial

L’Uprona, une tradition d’intrigues

20/08/2021 3

Ce passé qui ne passe pas ! L’exclusion définitive de trois figures très en vue de ce parti, dont l’ancien Vice-président de la République, Gaston Sindimwo, a suscité moult réactions.
Pourtant, cela ne devrait pas trop étonner ! L’histoire nous montre que l’idéologie et la vision du parti lors de la lutte contre la colonisation n’ont pas survécu avec la mort du héros de l’indépendance, le Prince Louis Rwagasore. Ses successeurs n’ont pas été à la hauteur de l’héritage.

Triste rappel : à peine un mois après l’indépendance, des troubles internes éclatent au sein du parti fracturé entre deux courants antagonistes dits « Monrovia » et « Casablanca ». Au cours d’une réunion du 26 août 1962, Paul Mirerekano, proche collaborateur de Rwagasore, s’en prend au gouvernement d’André Muhirwa qu’il accuse de népotisme et clientélisme. Entre les tendances « Monrovia » et « Casablanca », ce sera une lutte à mort qui va saigner à blanc le parti.
L’arrêté-loi No 001/34 du 23 novembre 1966 institutionnalise le parti à la dérive parti-Etat. Désormais, « l’Uprona inspire l’action des organes populaires de l’Etat afin que l’action se conforme aux aspirations profondes du peuple. Toute décision nationale en marge du programme gouvernemental est soumise d’abord au comité directeur du parti ». C’est le début du monopartisme de fait.

L’Uprona va servir de bouclier, de rempart et de leitmotiv aux différents régimes militaires qui se sont succédé pendant plus d’un quart de siècle. Dans sa déclaration du 2 novembre 1976, le Colonel Jean-Baptiste Bagaza, président du Conseil suprême révolutionnaire, a justifié le coup d’Etat en grande partie par le « chaos » qui régnait au sein du parti. « Le parti a été démobilisé, dénigré, violé… Le parti Uprona sans vie politique, sans programme et sans idéologie s’acheminait vers une mort certaine». Son projet est entre autres, de « remettre de l’ordre dans les organes du parti en les restructurant et en les débarrassant des éléments moralement incapables d’assurer la bonne marche des affaires publiques».

Le président du Comité militaire pour le salut national, le major Pierre Buyoya, fera de même dans sa déclaration du 5 septembre 1987 pour justifier le coup d’Etat opéré deux jours plus tôt : « Le refus systématique de la critique et de l’autocritique, fondement de notre parti Uprona, devait conduire à se méfier de ses rares collaborateurs valables… Dorénavant, le dialogue, la critique et l’autocritique au sein du parti Uprona devront guider la conduite du pays. »
De Charles Mukasi (1994-1998) à Abel Gashatsi (2016-2021), la succession à la tête du parti a été toujours suivi d’intrigues, d’exclusions des membres des organes dirigeants en vue de servir les intérêts d’« un club de copains qui s’est réuni en congrès », dixit Gaston Sindimwo.

La nouvelle équipe réussira-t-elle là où les autres ont échoué ? Le nouveau patron, Olivier Nkurunziza, a du pain sur la planche. Le fait d’entériner l’exclusion définitive du parti des trois personnalités ci-haut citées avec « effet immédiat » n’arrangera pas les choses. Par ailleurs, certains analystes estiment, à tort ou à raison, que la nouvelle direction est composée majoritairement de jeunes qui se cherchent encore et à qui il sera difficile de résister au couloir de la tentation…

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Maningo Jean claude

    Il n’y a pas que l’Uprona qui a cette tradition. Tout parti qui as dirigé le pays, pour des intérêts d’une poignée de certains dignitaires joue le même jeux. Personne ne me contradira.

    • Yan

      La différence avec les autres (MPR-Mobutu; MRND-Havyarimana, etc), vu leur gestion de la chose nationale, ils sont tombés dans les oubliettes de l’histoire de leurs pays respectifs. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, cela devrait mener à une certaine réflexion des acteurs politiques en activité (même si comparaison n’est raison).

      • Yan

        Comparaison n’est pas raison…

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