Alors que de nombreuses écoles fondamentales peinent à disposer des livres nécessaires à l’apprentissage qui sont censés être distribués par la Régie des productions pédagogiques (RPP), ces mêmes livres se retrouvent en vente libre sur le marché, en toute illégalité. Une situation qui soulève des interrogations sur la chaine de distribution et les responsabilités des acteurs concernés.
Dans plusieurs écoles fondamentales du pays, le manque de manuels scolaires s’observe au quotidien. Des élèves doivent se partager un seul et même livre à plusieurs. Ce qui cause des problèmes sur leur apprentissage. Que ce soient les élèves ou les parents, tous parlent d’une situation difficile devenue un véritable souci.
« Pour avoir un livre, il faut arriver tôt à l’école afin de pouvoir le retirer à la bibliothèque avant les autres. Souvent, on est trois à devoir se le partager. Quand il faut le prendre à la maison pour réviser, on s’organise pour le prendre à tour de rôle. », raconte P.M, un élève d’une école fondamentale à Bujumbura.
Il ajoute que parfois, les enseignants les encouragent à acheter leurs propres livres pour combler ce manque. « Un enseignant peut même t’ajouter des points quand tu achètes ton propre livre. »
Un parent d’élève rencontré au centre-ville de Bujumbura a décrit lui aussi les difficultés qu’il rencontre pour se procurer les manuels exigés par les établissements.
« Nous vivons des situations compliquées quand il s’agit de trouver ce que les établissements scolaires nous demandent au début de l’année scolaire. Chaque parent est obligé de trouver les livres scolaires pour son enfant et cela sans aucune indication sur où les trouver ».
Ce parent, dont l’enfant fréquente une école privée, pointe également l’absence d’un encadrement correct dans la distribution des livres.
« Moi, comme parent qui a un enfant dans un établissement scolaire privé, je suis obligé de courir à gauche à droite pour trouver ce dont on nous oblige », explique-t-il.
Des réponses officielles qui ne reflètent la réalité du terrain
Cette situation a été abordée lors d’une séance plénière du 17 juin 2025 à l’Assemblée nationale sur le rapport définitif d’Audit de la gestion des productions pédagogiques. Un député avait interrogé le ministère ayant l’éducation dans ses attributions, sur la pénurie persistante de manuels scolaires dans les écoles alors que ces livres sont visibles sur plusieurs marchés.
En réponse, le ministère a expliqué que certains de ces livres seraient volés pour être revendus aux élèves des écoles privées. Il a également mis en cause l’âge avancé de certains veilleurs employés dans les écoles incapables d’assurer une bonne garde.
Parallèlement aux explications officielles, des vendeurs de ces livres décrivent une autre dynamique d’approvisionnement observée sur le terrain.
« On a déjà des exemplaires dans nos machines. Avec une imprimante, on arrive à multiplier nous-mêmes ces livres pour enfin les vendre », explique un vendeur rencontré au centre-ville.
Quant au prénommé Eric, un autre vendeur de manuels scolaires, il affirme que sa principale source d’approvisionnement provient directement de certaines écoles publiques.
« Je me ravitaille auprès des professeurs ou des directeurs d’école. Les professeurs ont faim. Ils cherchent à joindre les deux bouts du mois, parfois juste pour pouvoir s’acheter une bière. » Il souligne que ses principaux clients sont les élèves des établissements privés.
« Au début de l’année scolaire, je m’arrange pour avoir toutes les sortes de livres scolaires. Ce sont les élèves des écoles privées qui viennent les acheter chez moi », indique-t-il.
Un autre vendeur confirme ces pratiques tout en apportant une nuance. Il révèle en effet que l’approvisionnement peut aussi passer par des intermédiaires moins officiels. « Il arrive que des individus viennent nous proposer des manuels directement dans la rue. On ne sait pas toujours d’où ils les trouvent »
Interrogé sur la question, un enseignant, sous couvert d’anonymat, confirme l’ampleur du problème. « Le manque de livres pour les élèves, surtout ceux des classes de 7e et 9e, est une réalité dans plusieurs écoles. La RPP ne fournit déjà pas une quantité suffisante. Ce qui complique davantage la situation pour les apprenants. »
Mais, selon lui, le problème va bien au-delà d’une simple pénurie. Il dénonce certaines pratiques qui entourent le système. « Il arrive que des directeurs d’école prennent une partie des livres reçus pour la vendre. D’où la présence de ces livres avec des cachets des écoles sur le marché ».
Il ajoute que malgré l’interdiction formelle de vendre les manuels scolaires aux commerçants, certains employés de la RPP seraient de mèche avec des vendeurs. Ils parviennent à leur vendre une certaine quantité de livres pendant que la production est déjà insuffisante pour couvrir les besoins des écoles.
Contactée, la directrice générale de la RPP n’a pas donné suite à nos appels.
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