Exploitation domestique des enfants, enlèvement, traite, harcèlement en milieu scolaire, … Telle est la situation des enfants burundais au moment où le monde célèbre, ce jeudi 20 novembre, la Journée internationale des droits de l’enfant. La société civile appelle à l’action.
Autour des marchés de Bujumbura, il est fréquent d’y croiser des petits enfants, mal habillés, apparemment sans abris. Ils attendent souvent que les gens leur donnent des sacs remplis des pommes de terre, du riz, etc à transporter.
Eric, 9 ans est un de ces gamins qui stationnent derrière le marché dit Cotebu, zone Ngagara, en commune Ntahangwa, au nord de Bujumbura.
Son témoignage est frappant. « Je suis orphelin de mère. Quand ma mère est morte, mon père s’est remarié. Ma marâtre me battait souvent. Et elle n’acceptait pas que je mange avec ses propres enfants. Et j’ai décidé de partir. » Il indique qu’avant son départ, il s’est plaint chez son père. Ce dernier n’a pas osé défendre son propre fils. Il a abandonné l’école. Aujourd’hui, Eric n’a pas de choix de transporter ces sacs pour avoir à manger. « Ce qui me fait mal, souvent, il y a des mamans qui nous paient juste 100BIF ou 200BIF. Or, avec cet argent, on n’achète rien. »
A côté d’Eric, N., elle, travaille comme bonne. Elle n’a que 13 ans. « J’ai abandonné l’école à 10 ans. Mes parents sont pauvres et ne pouvaient pas m’offrir du matériel scolaire. Mes parents se sont confiés aux autres filles de chez nous qui travaillent comme domestiques. Un jour, mon père m’a dit que je dois les suivre à Bujumbura. Elles m’ont amené ici. »
Cette fillette affirme avoir déjà quitté trois familles suite aux mauvais traitements. « Ma première patronne était très méchante. Elle me frappait souvent m’accusant d’avoir bu du lait. A la fin du mois, au lieu de me payer, elle avait toujours des prétextes de ne pas le faire. Soit elle disait que j’ai perdu des cuillères, que j’ai cassé une assiette, etc. » Aujourd’hui même, elle n’a pas le droit de toucher à l’argent à la fin du mois. « Je ne sais pas ce qui se passe. Mais, ils me disent qu’ils envoient cet argent à mes parents. Ce qui est injuste. Parce que c’est moi qui travaille. »
Elle affirme, qu’elle a contacté ses parents pour vérifier. « Ils m’ont confirmé que c’est vrai ». Elle indique également qu’elle n’est pas la seule à être exploitée par ses propres parents.
Protéger les enfants
Pour la Fédération Nationale des Associations engagées dans le Domaine de l’Enfance au Burundi (FENADEB), le constat est alarmant dans la protection de l’enfance. Eddy Manirakiza, son gestionnaire de projets et des données trouve que la situation reste préoccupante malgré l’existence d’un cadre légal. Car de nombreux enfants demeurent exposés à la violence, à l’exploitation, à la traite et aux enlèvements.
Cette organisation signale qu’en 2024, 536 cas de violations ont été identifiés dont 36 enlèvements d’enfants de 0 à 6 ans, 196 cas de viol, 58 cas de violences physiques et 551 cas de traite. « 83 % concernaient des garçons envoyés en Tanzanie »
Pour s’en sortir, E.Manirakiza propose que les priorités urgentes incluent le renforcement des mécanismes de signalement et d’intervention, l’amélioration de l’enregistrement des naissances, la prévention de la traite et des enlèvements par des campagnes de sensibilisation et des alternatives économiques pour les familles.
Il souligne également l’importance de développement des services de prise en charge et de soutien psychosocial pour les victimes.
Il insiste aussi sur l’importance de la réaction rapide de l’État face aux enlèvements : « Les forces de sécurité doivent intervenir rapidement, les enquêtes doivent être renforcées, les contrôles frontaliers intensifiés, et la surveillance des zones à risque améliorée. La communication avec les communautés est également essentielle. »
De leur côté, les parents doivent suivre de près les déplacements de leurs enfants, les sensibiliser aux dangers, signaler toute disparition via le 116 ou les autorités, et collaborer pleinement aux enquêtes. « Les enfants doivent être encouragés à ne jamais suivre un inconnu, à se déplacer en groupe. »
Des avancées mais….
De son côté, Me Jean Samandari, président de l’organisation Action contre la Pauvreté (ACP) trouve que du côté éducatif, les avancées sont là : « Nous constatons une augmentation de la scolarisation des filles et une prise de conscience grandissante du rôle central de l’éducation dans la protection des enfants. » Il appelle en outre des mesures spécifiques en faveur des enfants autochtones, qui ont bénéficié d’un accès facilité à l’internat malgré des résultats scolaires insuffisants, ainsi que de la gratuité, signe selon lui d’encouragement envers cette catégorie longtemps marginalisée. « Ce sont des progrès réels que nous saluons et que nous attribuons à des efforts gouvernementaux visibles. »

Il reconnaît néanmoins que ces avancées restent fragiles et inégalement réparties. Certaines régions montrent des améliorations significatives tandis que d’autres accusent encore un retard préoccupant. « La surcharge des classes et l’insuffisance d’enseignants qualifiés, surtout dans le premier et le deuxième cycle de l’école fondamentale, entravent le respect du droit à l’éducation pour tous. Le manque d’infrastructures adaptées prive notamment les enfants vivant avec un handicap d’un accès équitable à l’apprentissage. »
Il évoque également la persistance des violences basées sur le genre et d’autres formes de violences en milieu scolaire, y compris le harcèlement et le cyber harcèlement qui fragilisent davantage les élèves.
« À cela s’ajoutent les barrières socio-économiques qui poussent de nombreux enfants à abandonner l’école, la pauvreté restant un frein majeur. »
Il critique le faible investissement dans des politiques éducatives inclusives et protectrices. Il donne l’exemple d’infrastructures inadaptées, comme des toilettes mal aménagées, qui ne tiennent pas compte des besoins distincts des filles et des garçons.
« Ces insuffisances montrent que le système éducatif burundais peine encore à garantir une éducation de qualité, équitable et sécurisée pour les enfants. »
Pour l’exploitation domestique des enfants, il appelle les autorités à suivre de tels cas et punir les responsables.







Charte des utilisateurs des forums d'Iwacu
Merci de prendre connaissances de nos règles d'usage avant de publier un commentaire.
Le contenu des commentaires ne doit pas contrevenir aux lois et réglementations en vigueur. Sont notamment illicites les propos racistes, antisémites, diffamatoires ou injurieux, appelant à des divisions ethniques ou régionalistes, divulguant des informations relatives à la vie privée d’une personne, utilisant des œuvres protégées par les droits d’auteur (textes, photos, vidéos…) sans mentionner la source.
Iwacu se réserve le droit de supprimer tout commentaire susceptible de contrevenir à la présente charte, ainsi que tout commentaire hors-sujet, répété plusieurs fois, promotionnel ou grossier. Par ailleurs, tout commentaire écrit en lettres capitales sera supprimé d’office.