Jeudi 25 avril 2024

Editorial

Le vote qui dérange

28/05/2021 3

L’ethnisme a été imposé et exploité par des ethnologues blancs qui l’utilisaient dans leur politique de « divide et impera » pour faciliter la domination des peuples lors de la conquête coloniale.

Par Léandre Sikuyavuga

Après l’indépendance, l’élite burundaise exploitera cette idée de « l’autre différent de moi-même » que certains appellent l’« ethnisme » et l’utilisera comme une arme pour «  se maintenir ou accéder » au pouvoir (deuxième racine du conflit burundais dans l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi), avec des conséquences dramatiques allant des massacres  aux « bords des génocides ».

Le Burundi a ratifié le 22 juillet 1996 la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide approuvée par les Nations unies à l’unanimité le 9 décembre 1948. Tenant compte de cet instrument juridique international, la classe politique burundaise a décidé de « prévenir des crimes de génocide au Burundi » en proposant dans l’Accord d’Arusha un Observatoire de prévention de génocide, qui est d’ailleurs opérationnel depuis trois ans.

L’annonce du vote Burundi à l’Assemblée Générale des Nations Unies (NU) le 18 mai contre « La responsabilité de protéger et de la prévention de génocide, de crimes de guerre, de nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité » est tombée comme un couperet. Le choix de Gitega est sous les feux des critiques des politiques de l’opposition, l’élite peine à trouver des explications. Une opinion s’interroge pourquoi voter contre « un texte inoffensif dans la mesure où il n’a pour objet que de permettre un débat à l’Assemblée générale des NU ». Pour un diplomate accrédité à Gitega, ce qui est paradoxal, c’est que le Burundi cherche activement la reconnaissance par la Communauté internationale du « génocide de 1972 ».

« Les Nations Unies, l’Union Africaine devraient saisir l’occasion pour indexer les pays membres faisant de tels écarts car un tel vote s’inscrit en faux contre les valeurs qui fondent la nouvelle société humaine dont les principes sont contenus dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 », estime Frédéric Bamvuginyumvira, un opposant en exil.

Le gouvernement a ses raisons de faire ce choix. Toutefois, Gitega devrait se prononcer sur sa décision afin d’éviter des interrogations, des spéculations. En attendant, je laisse aux lecteurs le soin de méditer sur la déclaration de Kofi Annan, à l’occasion de la Journée de réflexion sur le génocide au Rwanda, 7 avril 2004. «.. N’attendons pas, pour agir, que le pire soit arrivé ou devienne inévitable. N’attendons pas le moment où, en dehors de l’intervention militaire, nous n’aurions d’autre option que les vains regrets ou la froide indifférence. Nous devons tout faire pour prévenir les génocides. Ce n’est qu’alors que nous pourrons honorer dignement la mémoire des victimes d’hier. Ce n’est qu’ainsi que nous pourrons sauver ceux qui risquent d’être victimes demain… »

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. Mbariza

    … »Après l’indépendance, l’élite burundaise exploitera cette idée de « l’autre différent de moi-même que certains appellent l’« ethnisme » et l’utilisera comme une arme pour « se maintenir ou accéder » au pouvoir… ».
    Notre chère élite, quand briserez-vous ce cercle infernale pour nous présenter des projets de développement économique durables ?

  2. Bernard Ntahiraja

    Cher Monsieur,

    Vous avez pris entièrement hors contexte le passage sur ce que dit Bernard NTAHIRAJA(moi-même). Revoir l’interview avec votre collègue Fabrice Manirakiza. Sans la comparaison avec la démarche du gouvernement visant à faire reconnaitre par les Nations-Unies la tragédie de 1972 comme un génocide, le passage n’a pas de sens. Si on lui en donne un, c’est l’exact contraire de la pensée de son auteur(moi-même). Revoir, s’il vous plait, l’interview avec votre collègue. Merci.

    • Bernard Ntahiraja

      Voici le passage d’où a été tirée la phrase’ les diplomates burundais ne sont pas dupes’. Vous verrez vous-mêmes la différence.

      ‘….Si la qualification de génocide devait être adoptée, la suite du plan proposé est d’une cohérence indiscutable. Mais qui prendra au sérieux le plaidoyer, la demande de reconnaissance d’un génocide provenant d’un gouvernement qui s’oppose au principe même de la prévention de ce crime par l’action des Nations unies ? C’est à croire à une ‘’ONU de Papa’’.

      Les diplomates burundais ne sont pas dupes. Ils n’ignorent pas l’immense difficulté d’une telle démarche, même en temps normal. Ils choisissent délibérément de la rendre encore plus délicate par des choix politiques hasardeux. Malheureusement, ce sont les familles des victimes et survivants de la tragédie de 1972, comme à d’autres dates sinistres de notre histoire, qui se retrouvent être les dindons de la farce.’

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