Chaque 2 novembre, l’Église catholique consacre une journée à la mémoire de tous les fidèles défunts. Une messe est célébrée et certains fidèles se rendent sur les tombes des leurs pour se recueillir. Mais, cette pratique n’est pas encore enracinée dans la culture burundaise. Aujourd’hui encore, certaines tombes sont laissées à l’abandon, un reflet de la diversité des perceptions autour de la mort et des pratiques de mémoire.
Au cimetière de Mpanda, l’affluence est restée faible lors de la commémoration des fidèles défunts cette année. Plusieurs tombes, envahies par les herbes ou en état de dégradation, est le signe du manque d’entretien. Il faut toutefois souligner qu’un groupe d’artistes burundais a marqué la journée en venant se recueillir devant les tombes des chanteurs disparus. Un geste que Christian Nsavye, un artiste burundais présent lors du recueillement, a qualifié d’important pour préserver la mémoire de ces défunts.
Selon lui, depuis 2012, certains artistes burundais ont pris l’habitude de se réunir pour commémorer leurs confrères décédés, chacun selon sa date de disparition. Avec le temps, l’idée de regrouper tous ces hommages en une seule date commune a émergé. C’est finalement le chanteur Steven Sogo qui a proposé le 2 novembre.
« Une raison qui est remarquable. D’après les catholiques, c’est une date qui est là pour commémorer tous les défunts. Chaque famille fait des prières en leur mémoire. Donc, on s’est inspiré de cette date pour en faire une journée commune de recueillement en mémoire de tous nos confrères disparus. »
Pour M. Nsavye, se souvenir des morts est important car ça permet de renforcer les liens familiaux et sociaux. Dans la culture burundaise, les familles se réunissaient autour d’un ancêtre commun comme un grand-père ou une grand-mère, pour s’identifier à lui ou à elle, essayer de s’unir et de comprendre qu’ils appartiennent à une même famille qui s’est agrandie.
Il souligne que l’entretien des tombes reste aussi un geste important, bien que perçu différemment par lesgens. Certains ressentent le besoin de retourner se recueillir au cimetière tandis que d’autres estiment que les morts appartiennent désormais au monde des morts.
Un lien spirituel
Selon Elie Sadiki, enseignant au département de socio-anthropologie à l’université du Burundi, dans le temps, l’essentiel ne résidait pas dans la tombe en elle-même, mais dans le lien spirituel que les vivants continuaient d’entretenir avec l’âme du défunt.
« Les Burundais ont toujours cru en la survie de l’âme après la mort. Ils estiment même que cette âme peut influencer la vie des vivants. C’est pourquoi ils construisaient, autrefois, une sorte de monument au sein de l’enclos familial, afin d’y déposer régulièrement des offrandes et ainsi éviter d’attirer la colère de l’âme du disparu. »
Il souligne que la religion fait partie intégrante de la culture. Il précise toutefois que les pratiques de l’Église catholique relèvent d’une culture importée. Selon lui, il s’est opéré un mélange entre tradition burundaise et les rites chrétiens. Dans la culture burundaise traditionnelle, il ne s’agissait pas de prier pour les morts, mais de maintenir un lien avec l’âme du défunt perçue comme toujours présente et capable de se déplacer.
C’est pourquoi, explique-t-il, de nombreux Burundais n’accordent pas une grande importance au fait de se recueillir sur les tombes. Ces dernières finissent d’ailleurs souvent par disparaître et les terrains sont parfois réutilisés pour l’agriculture. Il ajoute que ces pratiques ancestrales persistent dans certaines localités, mais qu’elles sont souvent dissimulées par peur d’être jugées comme rétrogrades. Oublier ou rejeter ces traditions constitue, selon lui, une forme de déracinement culturel, et ceux qui continuent de les perpétuer ne devraient pas être perçus comme des déviants.
La vie après la mort

Pour l’abbé Adalbert Niyonzima, l’Eglise catholique se compose de trois Etats, à savoir l’Eglise du Ciel (Église des Saints au Ciel), l’Eglise en pèlerinage (Église militante) et l’Eglise du Purgatoire. Toutes ces Églises sont en communion, donc unies dans ce que l’on appelle la Communion des Saints. Cette union est renforcée par la manière dont elles partagent les biens spirituels de Dieu.
Il partage l’idée que l’âme ne meurt pas après la mort. Mais, elle est jugée selon sa vie en Christ, pouvant être purifiée, entrer au bonheur éternel, ou subir un jugement éternel. Même après la mort, l’âme conserve sa capacité d’aimer, de croire et de recevoir notre aide, notamment par la prière, qui maintient l’unité entre les vivants et les défunts.
Il affirme qu’il existe un lien entre la commémoration chrétienne des défunts et les rites traditionnels burundais comme Guterekera, car tous deux partagent la croyance en une vie après la mort. Toutefois, il souligne que ces pratiques diffèrent selon la manière dont chacun comprend cette vie après la mort. Le corps retourne à la poussière comme il était, et l’âme retourne à Dieu qui l’a donnée (Ecclésiaste 12,7). Selon l’enseignement de l’Église, lorsque quelqu’un meurt, l’âme retourne à Dieu, tandis que le corps repose dans la terre, en attente de la résurrection
Dans la tradition, on apporte nourriture et objets aux tombes comme offrande au défunt, pensant qu’il peut les recevoir.
L’Église enseigne que l’âme retourne à Dieu, ne mange ni ne boit, et que seule la prière peut l’atteindre. Les gestes faits au cimetière sont surtout des signes d’amour et de mémoire, et non des moyens de communication avec les morts.
Abbé Niyonzima ajoute qu’il est très important de continuer à s’occuper des tombes de nos défunts car, selon l’enseignement de l’Église, le corps repose dans la tombe en attendant la résurrection des morts au dernier jour. Une tombe ne cesse d’être sacrée que lorsque toutes les parties du corps, même les os, ont complètement disparu.
Tant qu’il reste une partie, même infime, du corps, nous devons continuer à respecter et à entretenir la tombe, car elle garde le repos du défunt dans l’espérance de la résurrection.






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