Mercredi 03 septembre 2025

Santé

Interview avec Dr. Axel Vedast Katembo : « Pilule du lendemain, un contraceptif non conventionnel »

03/09/2025 0
Interview avec Dr. Axel Vedast Katembo : « Pilule du lendemain, un contraceptif non conventionnel »

La prise incontrôlée et répétée de contraceptifs, notamment la pilule du lendemain, devient un phénomène préoccupant chez de nombreuses jeunes filles. Souvent utilisée sans avis médical, cette pratique peut entraîner des conséquences graves sur la santé reproductive à long terme. Pour mieux comprendre les dangers liés à cet usage excessif, Dr. Axel Vedast Katembo, gynéco-obstétricien, donne des éclaircissements sur les risques encourus et l’importance d’un encadrement médical adapté.

Qu’est-ce que la pilule du lendemain ?

Le lévonorgestrel ou pilule du lendemain que les jeunes aiment appeler 72 heures, est l’un de plusieurs méthodes hormonales. Il y a des pilules faiblement dosées appelées aussi pilules orale-combinées car ils combinent progestérone et œstrogène comme hormone et elles sont données aux femmes chaque mois à la même heure, et des pilules fortement dosées.

Donc les pilules du lendemain font partie de la catégorie de celles qui sont fortement dosées et dans les conditions normales, elles ne sont pas prises comme méthode contraceptif conventionnel.

Pourquoi vous dites qu’elle n’est pas prise comme un contraceptif conventionnel ?

Parce qu’il présente plusieurs risques et par conséquent, elle a ses propres indications. Elle est seulement indiquée dans des cas particuliers, comme les cas de viol, d’inceste. Il peut aussi être donné à une femme qui suit le planning familial avec les pilules orales combinées, mais qui a oublié de les prendre. Cependant, elle doit d’abord faire une consultation médicale chez une personne mieux indiquée.

Quels sont ces risques liés à la prise excessives et incontrôlée de ces pilules ?

C’est un contraceptif très fortement dosé, et par conséquent, il agit en bloquant le système hypothalamo- hypophyso -ovarien. Cela peut entraîner, chez certaines filles, une absence de menstruations pouvant durer de trois à six mois. Chez d’autres, on observe des saignements importants et anormaux, comme des règles chaque semaine ou toutes les deux semaines. Vous comprendrez que ces pertes répétées peuvent conduire à une anémie.

Pouvez-vous établir un lien entre ces prises et la stérilité chez les jeunes filles ?

Quand on prend excessivement ces pilules, il y a des perturbations du cycle et la conception n’est pas possible dans ce cas. Aussi, la pilule du lendemain, en raison de sa forte dose hormonale, stimule excessivement les ovaires. Cette stimulation peut, chez certaines jeunes filles, favoriser le développement des kystes ovariens fonctionnels.

Bien que souvent bénins, ces kystes peuvent perturber l’ovulation et, si répétés ou mal suivis, augmenter le risque de complications pouvant affecter la fertilité à long terme.

Une autre situation, cette pilule peut causer des grossesses extra-utérines.
Comment ?

Il faut d’abord savoir qu’aucune méthode de contraception n’est efficace à 100 % ; elles sont seulement proches de cette efficacité. En cas d’échec, même si la marge d’erreur est faible, la pilule du lendemain peut parfois ne pas empêcher la fécondation.

Lorsque cela arrive, il peut y avoir un risque de grossesse extra-utérine. La pilule du lendemain agit en retardant ou en bloquant l’ovulation. Mais si elle est prise trop tard, après l’ovulation, elle devient inefficace. Pire encore, elle peut perturber le déplacement de l’ovule fécondé dans la trompe de Fallope.

Dans ce cas, l’embryon peut s’implanter dans la trompe, au lieu de l’utérus. La grossesse commence donc à se développer là où elle ne devrait pas. Cela peut entraîner l’éclatement de la trompe, provoquant de graves saignements internes. Si l’intervention médicale n’est pas immédiate, la vie de la femme peut être mise en danger. Et même si elle survit, elle peut perdre la trompe concernée. Si cette trompe était la seule encore fonctionnelle, la maternité devient alors impossible.

Avez -vous déjà eu ou observé des cas de stérilité liés à ce type d’usage ?

Oui

Et comment vous les traitez ?

Je précise d’abord que toutes les stérilités ne sont pas causées par ces contraceptifs. Les raisons peuvent être multiples.

Quand une femme vient faire une consultation pour un problème de fertilité, on cherche les causes possibles, à tous les niveaux. Si elle vient avec des problèmes de saignements ou des retards de règles sans être enceinte, on lui demande souvent si elle n’a pas pris trop de pilules contraceptives par le passé. Si c’est le cas, cela peut expliquer les troubles observés.

Le traitement ne consiste pas à ajouter d’autres hormones, mais plutôt à laisser l’organisme éliminer progressivement les effets du contraceptif. Étant donné que ces pilules sont fortement dosées, leur action peut durer longtemps dans le corps. Parfois, on peut gérer les risques liés à ces prises excessives, parfois non.

Existe-t-il un âge recommandé pour commencer à utiliser des contraceptifs ?

Une pilule du lendemain

Normalement, l’âge recommandé devrait correspondre à la majorité. Cependant, avec l’évolution des mentalités autour de la santé sexuelle et reproductive, notamment sous l’influence des courants féministes qui défendent le droit des femmes à disposer librement de leur corps, cet âge peut varier selon les contextes, les situations individuelles ou les pays.

Selon vous, quelles mesures ou stratégies devraient être mises place pour prévenir la prise excessive ou mal encadrée de pilules contraceptives chez les jeunes filles ?

Ceux qui délivrent les autorisations aux pharmacies devraient faire preuve de plus de rigueur en encadrant strictement la vente des contraceptifs.

Il est essentiel de définir comment ces pilules doivent être délivrées, en interdisant notamment leur vente aux jeunes filles sans prescription médicale. En cas d’abus, la responsabilité devrait incomber à la pharmacie concernée. Avec l’avancée de la médecine légale, il sera possible de poursuivre ceux qui enfreignent ces règles.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes filles ?

Je conseille aux jeunes filles d’être prudentes, car ces pilules présentent plus d’effets négatifs que positifs, surtout en cas de mauvaise utilisation. Avant d’en prendre, il est essentiel de s’informer auprès de structures spécialisées comme les centres de santé “Amis des jeunes” ou de consulter un professionnel qualifié.

Il faut éviter de se fier uniquement à ceux qui les vendent, car tous les pharmaciens ne sont pas forcément formés en santé reproductive, et certains ne font que du commerce sans expliquer les risques.

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