Dans de nombreuses familles de la commune Karusi de la province de Gitega, ce sont les femmes qui assurent l’essentiel du travail agricole. Mais elles restent exclues de la gestion du patrimoine familial. Cette double inégalité contribue à perpétuer la pauvreté et fragilise la stabilité des foyers.
Selon le rapport fourni par le Fonds international de Développement Agricole (FIDA), le Burundi est un pays majoritairement rural et agricole. Le secteur agricole représente entre 34 et 40 % du PIB. Il constitue la principale source d’emploi mobilisant plus de 85 % de la population active.
Dans ce contexte, les femmes jouent un rôle central. En plus des tâches domestiques, elles accomplissent la majeure partie des travaux agricoles. Malgré cette contribution essentielle à l’économie familiale et nationale, certaines restent largement exclues de la gestion du patrimoine et de la prise de décisions liées à l’exploitation des ressources.
Dans la zone Buhinyuza, colline Nkoronko, hommes et femmes s’accordent à dire que, dans la plupart des ménages, nombreuses sont les femmes qui assurent l’essentiel du travail agricole.
« Chez nous, c’est surtout la femme qui se charge des travaux agricoles. Beaucoup d’hommes passent leur journée dans les lieux de détente (ligala), ou s’occupent d’autres tâches. », témoigne un habitant de la zone Buhinyuza.
Certaines femmes affirment avoir été abandonnées par leurs maris se retrouvant seules à assumer à la fois les travaux agricoles et les charges familiales.
« Je me retrouve à assumer seule toutes les responsabilités. Autrefois, mon mari m’épaulait. Mais, avec le temps, il s’est désengagé préférant passer son temps dans les bistrots ou en dehors du foyer. », raconte une habitante de Nkoronko.
Exclues de la gestion du patrimoine
Au-delà de leur forte implication dans les activités agricoles, plusieurs femmes rencontrées à Nkoronko déplorent le fait de ne pas avoir accès à la gestion ni à la propriété des biens familiaux. Cette situation engendre un sentiment d’injustice ainsi que des tensions au sein des familles.
« C’est mon mari qui gère la récolte. Souvent, il dit qu’il va la stocker dans un endroit public destiné à cette fin. A la fin, je ne sais pas ce qu’il en fait. Imaginez ! On se donne corps et âme à cultiver, mais après, on manque de quoi manger parce qu’il vend tout sans même m’en informer. », déplore une femme de Nkoronko.
Cette situation n’est pas isolée. Plusieurs femmes rencontrées dans la zone évoquent des cas similaires où leur contribution au travail agricole est ignorée, voire détournée.
« Mon mari a commencé à vendre tout ce que j’avais récolté pour aller le gaspiller chez d’autres femmes. Ensuite, il est parti, après avoir mis en location toutes nos terres. Je me suis retrouvée seule avec nos huit enfants. Cette situation m’a causé tellement de stress que j’ai fini par développer des troubles mentaux. », confie en effet une autre femme de Nkoronko.
Elle ajoute que cette situation crée des tensions au sein du foyer avec des conséquences directes sur les enfants.
« Lorsque mon mari a commencé à gaspiller les biens de la famille, la pauvreté s’est installée. Les enfants ne pouvaient plus se concentrer à l’école, car ils manquaient de tout. Finalement, certains ont abandonné les études. Ils sont partis en Tanzanie pour essayer de trouver de quoi survivre », souligne-t-elle.
Toutefois, certains ménages se distinguent par une répartition plus équitable des tâches et par une gestion consensuelle. Hommes et femmes collaborent dans les travaux agricoles comme dans la gestion du quotidien. Ils ont compris qu’un équilibre est bénéfique pour toute la famille.
« Chez moi, on s’entraide. Mon mari participe aux travaux agricoles. Lors de la récolte, les décisions se prennent ensemble. Quand on veut vendre une partie de notre production pour acheter quelque chose d’utile à la maison, on en discute d’abord pour se mettre d’accord. » temoigne une habitante de la zone Buhinyuza.
D’autres hommes reconnaissent également l’importance de l’entraide au sein du couple. « Si on travaille ensemble, c’est pour le développement de la famille. Même s’il y a des hommes qui n’aident pas leurs femmes, je vois aussi autour de moi des ménages où les tâches sont partagées. » confie un habitant de la zone Buhinyuza .
Des cas de plus en plus signalés aux structures d’écoute
Des femmes abandonnées, laissées seules face aux tâches agricoles ou exclues dans la gestion du patrimoine familial commencent à le dénoncer à Karusi. Selon Sylvane Nizigama, directrice du Centre pour la paix et le développement de Karusi (CPDK), beaucoup de femmes se présentent à leur centre après avoir été délaissées par leurs maris ou privées de tout droit de décision au sein du foyer.
« Dans notre centre, nous recevons de nombreux cas de femmes abandonnées par leurs maris. Il s’agit d’un véritable problème ici. Elles se retrouvent seules à assumer toutes les responsabilités. Certains hommes partent dans les centres de détente. D’autres vont jusqu’à Makamba où ils refont leur vie avec d’autres femmes. »
Mme Nizigama souligne que, bien que la majorité des cas concernent des femmes, il arrive aussi que des hommes viennent dans ce centre après avoir été abandonnés par leurs épouses se retrouvant seuls à assumer les responsabilités agricoles et domestiques.
Engagement des autorités

Les autorités provinciales affirment être engagées pour faire face à ce genre de situations. « En cas de violences économiques, nous travaillons en synergie avec les centres d’écoute et les structures du ministère ayant la solidarité nationale dans ses attributions pour accompagner les victimes. », indique Marie Goreth Benimana, conseillière juridique dans l’ancienne province de Karusi.
Elle ajoute que des actions de sensibilisation sont menées auprès des responsables communaux. « Nous collaborons avec les administrateurs communaux afin d’encourager les hommes à soutenir leurs épouses, notamment dans les tâches agricoles. Nous avons aussi commencé à fixer des horaires pour limiter la fréquentation excessive des cabarets, qui est souvent à l’origine des conflits familiaux. »
La conseillière juridique souligne toutefois une évolution positive dans certaines familles. « Nous constatons que de plus en plus, des hommes commencent à comprendre l’importance de la collaboration au sein du foyer. Certains s’impliquent désormais aux côtés de leurs épouses, que ce soit dans les champs ou dans la gestion des biens familiaux. »
Elle lance un appel aux autres qui restent encore en arrière. « Nous encourageons tous les hommes à suivre cet exemple, à travailler en harmonie avec leurs femmes pour renforcer la stabilité et le développement de leurs familles. »
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