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Économie

« Ecosure », le cadre légal n’est pas si sûr

27/08/2020 Commentaires fermés sur « Ecosure », le cadre légal n’est pas si sûr
« Ecosure », le cadre légal n’est pas si sûr
Désiré Nimubona : « L’Ucar-vie a reçu l’autorisation et le produit est mis sur le marché le 16 mai 2019. »

Certains assureurs et intermédiaires d’assurance dénoncent la violation de la loi dans la vente et la gestion des sinistres du micro assurance « Ecosure ». L’Ucar-vie déclare avoir demandé l’autorisation au régulateur. L’ARCA soutient qu’il a donné son feu vert. Pour l’expert en assurance, la loi est lacunaire.

A partir de l’année 2020, le secteur des assurances a connu une mutation. Un nouvel intermédiaire s’est introduit sur le marché. Une société de télécommunication, l’Econet-Leo.

D’après le contrat publié sur le site web de l’Econet-Leo, la compagnie d’assurance, l’Ucar-vie, en partenariat avec Econet-Leo ont mis sur le marché le produit d’assurance-vie appelé « Ecosure ». Ce qui suscite beaucoup d’interrogations et d’inquiétudes de la part des assureurs et les prestataires de services d’assurance, notamment les agents généraux.

L’un des assureurs sous couvert d’anonymat ne cache pas sa désolation. « En lisant le contrat dit de partenariat, je constate que c’est flou. Car ce dernier ne précise pas si l’Econet-Leo est agent général ou courtier.»

Pourtant, l’actuel code des assurances ne reconnaît que deux catégories d’intermédiaires entre les assurés et les assureurs : les courtiers et les agents généraux.

D’un côté, explique notre source, le régulateur, l’Autorité de Régulation et de Contrôle des assurances (ARCA) n’a pas pris assez de temps pour vérifier si la distribution de ce produit, les procédures de réclamations et de paiement de sinistres sont régis par le Code des assurances.

De l’autre, le régulateur a constaté que le canal de distribution et la vente de ce produit ne sont pas régis pas la loi. Il a donc délivré l’autorisation d’exercer sans tenir compte des conséquences qui pourraient suivre.

Selon notre source, c’est une violation flagrante du Code des assurances. L’Econet-Leo agit comme agent général non autorisé.

L’agent dénonce une concurrence déloyale

Cet assureur explique que les agents généraux sont des professionnels indépendants agissant comme intermédiaires pour le compte d’une compagnie d’assurance. Ils servent en fait de relais pour les assureurs. Ils permettent le maillage du terrain. Mais Econet-Leo ne se limite pas à ce niveau. Il collecte des primes, se charge de recevoir les réclamations des assurés et paie des sinistres.

N.T, un agent général qui travaille avec l’Ucar-vie, lâche : « C’est une concurrence déloyale pure.» D’abord, l’Econet-Leo n’a pas d’agrément pour exercer comme un agent général. Cela signifie qu’elle n’a pas déboursé la somme de 500 mille BIF, frais exigés pour obtenir l’agrément. Puis, cette entreprise ne paie pas l’impôt sur les commissions perçues sur ces activités.

L’Arca indique voir donné son feu vert

Face à ces protestations, Désire Nimubona, chargé de questions juridiques au sein de l’ARCA, tient à préciser que le régulateur est informé sur le partenariat entre l’UCAR et l’Econet-Leo : « C’est une procédure normale. Tout assureur qui veut vendre un nouveau produit doit demander l’autorisation du régulateur.»

Par une correspondance du 1er avril 2019, la compagnie d’assurance l’Ucar-vie a demandé l’autorisation de vente et de distribution du produit de micro assurance dénommée « Ecosure ».

Dans cette lettre, précise-t-il, ce produit est vendu et distribué en partenariat avec la société de télécommunication Econet-Leo. « L’Ucar-vie a reçu l’autorisation et le produit est mis sur le marché le 16 mai 2019».

Cependant, ce juriste nuance. Le Code des assurances 2014 était lacunaire. Il ne prévoyait pas comment règlementer les micros assurances. En outre, aucune disposition ne déterminait si les opérateurs de téléphones mobiles peuvent servir d’intermédiaires entre les assurés et les assureurs ou non.

Actuellement, le nouveau Code des assurances promulgué au mois de juillet dernier en son article 314 prévoit une voie règlementaire spécifique aux micros assurances. « Les dispositions spécifiques à la micro assurance sont déterminées par la voie légale et constitue un complément au présent Code.» Pour le moment, il n’y a pas de réglementation sur les micros assurances. M. Nimbona indique que le projet de réglementation sur la micro assurance et assurance agricole est en cours de préparation.

L’Ucar-vie s’explique

Rénovat Gahungu : « Nous avons demandé l’autorisation au régulateur pour vendre ce produit en partenariat avec l’Econet-Leo. »

Face à ces accusations, Rénovat Gahungu, administrateur directeur général de l’Ucar-vie s’explique : « L’Econet Leo est un agent. Nous avons demandé l’autorisation au régulateur pour vendre ce produit en partenariat avec l’Econet-Leo. Et nous l’avons obtenue. »

M. Gahungu balaie toutes ces accusations arguant que l’Econet-Leo paie les sinistres : « C’est un mensonge. C’est plutôt l’Ucar-vie qui gère et paie des sinistres. »

Pour lever l’équivoque, l’administrateur directeur général de l’Ucar-vie précise que le paiement des sinistres se fait par l’Ecocash. « C’est un moyen de paiement efficace qui permet d’aider nos clients éparpillés dans tout le pays».

Le Code des assurances est lacunaire

D’après Ornella Kiyuku, spécialiste en droit des assurances, le Code des assurances en vigueur lors de la vente du produit « Ecosure » était lacunaire sur le rôle de ces nouveaux intermédiaires.

Pour les intermédiaires, il n’apparaît que quelques dispositions relatives aux agents généraux sans que l’on puisse savoir à quoi ils sont exactement tenus ni les conditions d’exercice de cette activité. Il revient à l’ARCA de compléter ces dispositions.

Actuellement, les grandes entreprises de téléphonie mobile s’intéressent beaucoup au secteur des assurances. Ainsi, les intermédiaires classiques se sentent concurrencés. C’est pourquoi certains intermédiaires dénoncent une concurrence déloyale. Et de suggérer : «Pour le moment, en attendant la révision de la loi, le régulateur devrait contrôler ces nouveaux intervenants afin de vérifier s’ils sont capables de respecter leurs engagements vis-à-vis des assurés et autres bénéficiaires. »

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