Mardi 26 août 2025

Editorial

Découpage administratif au service du contrôle politique ?

11/07/2025 6

Le nouveau découpage administratif au Burundi est devenu effectif après les élections législatives et communales du 5 juin. Jusqu’à nouvel ordre, les Burundais viennent des provinces de Buhumuza, Bujumbura, Burunga, Butanyerera et Gitega. Nous passons désormais de 18 provinces à 5, et de 119 communes à 42.

Entre autres objectifs : rapprocher l’administration des citoyens, réduire les charges des communes, élargir la base fiscale, mettre en œuvre la politique nationale de décentralisation, harmoniser avec les organisations administratives des pays de la sous-région. Les nouveaux gouverneurs et les secrétaires exécutifs communaux ont été nommés et sont en fonction. Du moins, officiellement.

Il faut se rappeler que l’expérience de centralisation-décentralisation des structures administratives n’est pas une idée originale du régime actuel. En guise d’exemple, au fil du temps, l’organisation administrative a connu plusieurs évolutions, notamment en ce qui concerne le nombre de provinces.

Et à chaque fois, les gestionnaires de la Nation avancent des « arguments phares ». Le Burundi est passé de 8 à 15 provinces en septembre 1982. Ce redécoupage visait « à affiner l’administration territoriale et à mieux répondre aux besoins des populations locales ».

Le nombre de provinces est ensuite passé de 15 à 18 en mars 2015, notamment avec la création de la province de Rumonge. Cette modification avait eu pour objectif d’« adapter l’organisation administrative aux réalités démographiques et géographiques du pays ».

Certes, les redécoupages administratifs peuvent être nécessaires pour adapter la gouvernance aux réalités changeantes d’un pays. Cependant, on peut se demander si leur fréquence excessive et leur mise en œuvre ne peuvent engendrer désorientation, confusion de la population ?

Mieux : Fait-on d’abord le bilan des expériences précédentes pour comprendre les failles et les forces de ces politiques ? Des observateurs dénoncent entre autres la perturbation des services publics, les coûts financiers et logistiques, l’instabilité institutionnelle et la perte de mémoire administrative. En effet, la fréquence des changements peut nuire à la stabilité des institutions locales. Les nouvelles administrations peuvent manquer de l’expérience et de la connaissance du terrain accumulées par leurs prédécesseurs. Cela peut également entraîner une perte de continuité dans les projets de développement et les politiques publiques, rendant difficile l’évaluation à long terme de leur efficacité.

Les experts proposent des critères et facteurs clés qui influencent l’efficacité d’un découpage administratif. Entre autres : proximité et participation citoyenne, volonté politique et consensus, rationalisation des coûts et optimisation des ressources, moyens humains et financiers, transparence et communication, cohésion territoriale et identité.

J’ose espérer que nos décideurs ont pris en considération tous ces éléments. Sinon, ils donneront raison aux détracteurs qui parlent du charcutage électoral, d’un découpage administratif au service du contrôle politique.

En définitive, le nouveau découpage administratif est une réforme majeure qui vise à rationaliser l’administration et à la rapprocher des citoyens. L’efficacité d’un découpage administratif ne se mesure pas uniquement à la simplification de la carte ou à la réduction du nombre d’entités. Un découpage est efficace lorsqu’il est perçu comme légitime par la population, qu’il répond aux défis contemporains. C’est ce que les Burundais attendent.

Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. kazungu

    Oui, mais Bujumbura la capitale économique devait , au moins restait autonome.

    • Q

      Pourquoi?

  2. Kubwayo Michel

    Une bonne loi entendue dans son sens large est caractérisée par deux critères essentiels : la clarté et la pérennité : « Par clarté, le législateur doit éviter -autant que faire se peut- la conception, l’élaboration, la rédaction, l’adoption et la promulgation d’un texte législatif dont certaines dispositions sont ambiguës ou équivoques ; et qui peuvent, en conséquence susciter des polémiques et des confrontations éventuelles. »

  3. kabingo dora

    Cher Léandre
    Je sais qu’il est fastidieux de dénoncer les choses au Burundi mais nous savons tous que la décentralisation des services ne se traduit pas notamment par une réduction du nombre de provinces de 18 à 5 ans . La dernière réforme administrative est plutot un trompe l’oeil , c’est une politique à visée électorale , nocive et dangereuse. En principe la centralisation se traduit entre autre par le transfert de compétences, accompagnement financier, et renforcement des capacités des collectivités. Ce n’est pas le cas . Cette nouvelle subdvision administrative est en réalité une manière de noyer les tendances politiques et les faire absorber dans de grands ensembles qui n’on rien à voir les uns avec les autres . Prenons d’abord le cas de Bujumbura qui était réputé « Tutsi » et voter pour l’opposition . En le mettant dans un ensemble englobant Bubanza et Cibitoke , cet ensemble sera , au point vue électoral, hutu . On vise tout simplement le fait d’avoir une majorité hutu Et pourtant nous savons tous que Bujumbura mairie n’a strictement rien à voir avec Bubanza et Cibitoke . Ce n’est pas la première qu’un tel charcutage a lieu dans l’histoire des pays , on en connait aux USA sous le nom de Jerrymandering .

    • Rooter

      « Prenons d’abord le cas de Bujumbura qui était réputé « Tutsi » et voter pour l’opposition . En le mettant dans un ensemble englobant Bubanza et Cibitoke , cet ensemble sera , au point vue électoral, hutu . »

      Il semble que tu donnes trop d’importance à la dichotomie « Hutu-Tutsi » (le temps s’est arrêté chez toi et quelques autres); tu serais surpris si la majorité des gens avaient l’occasion d’exprimer ce qu’ils ont dans leurs tripes.

  4. jereve

    S’asseoir à son bureau et concevoir le découpage administratif n’est pas en soi un exploit. C’est facile de le réaliser sur papier et sur terrain. Par contre, c’est extrêmement difficile par exemple d’assurer l’approvisionnement de ces régions de telle sorte qu’elles aient assez de carburant, d’électricité, d’eau, un réseau routier et informatique en suffisance et en bon état… Ces problèmes n’ont pas trouvé de solutions adéquates dans l’ancien découpage; ils resteront posés dans les nouvelles provinces et communes. Il n’y aura pas de miracle si les autorités ne changent pas leurs stratégies. Le travail le plus dur se trouve à ce niveau.
    Nous nous trouvons maintenant dans des provinces et communes aux dimensions gigantesques: Je ne vois pas comment un gouverneur va parvenir à sillonner sa vaste circonscription, à moins de lui procurer un hélicoptère. Idem pour les administrateurs : leurs simples camionnettes double cabine ne suffiront pas à les amener partout ou les urgences les appellent. Et en plus la pénurie de carburant et la vétusté des voies de communication vont encore handicaper leurs déplacements!
    Résumons qu’au lieu de s’occuper de ce qui est facile, nos autorités devraient plutôt plancher sur les problèmes les plus graves : comment réduire l’inflation, redonner de la valeur à notre monnaie, assurer un approvisionnement en devises, ramener les coûts des produits de première nécessité à des niveaux raisonnables, améliorer la qualité de l’enseignement, améliorer le réseau routier et informatique, rendre le pays plus attractif aussi bien aux étrangers qu’aux habitants. La liste est longue, mais en bref travailler dur pour que les habitants bannissent de leur langage cette terrible expression twariyakiriye.

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