Samedi 07 décembre 2024

Editorial

Carburant. « Twariyakiriye »

31/08/2024 11

S’il y a une phrase la plus entendue ces derniers temps au Burundi, c’est bel et bien ’’Twariyakiriye’’, littéralement, c’est se contenter collectivement de ce que l’on a, du peu que l’on a ou du ce que l’on est, à défaut de ce que l’on désire.

Par Léandre Sikuyavuga
Directeur du groupe de presse Iwacu

Par les temps qui courent, pour certains, tout manque. L’heure est à l’austérité. Il faut tempérer les appétits. ’’Twariyakiriye’’, c’est toute une philosophie de vie, oscillant entre résilience et résignation.

Depuis plusieurs années, le Burundi vit au rythme de pénurie des produits pétroliers. Il traverse une crise du carburant qui, malheureusement, ne cesse de se détériorer ces deniers mois.

Cela paralyse énormément l’économie du pays déjà exsangue, mal en point. Les réponses données par certaines autorités quant aux causes ponctuelles ou profondes à l’origine de cette pénurie récurrente sont toujours accueillies par une salve de critiques. « Il y a incohérence, double langage, langage contradictoire, tâtonnement, promesses faites mais non tenues, … » Bref, un discours qui crée la confusion. Désorienté, désabusé, le public ne comprend pas ce qui se passe réellement dans ce secteur, celui qui doit rendre compte de façon exacte. La déception est palpable.

Lors des travaux communautaires à Musaga, en Mairie de Bujumbura le 12 août dernier, le Chef de l’Etat a annoncé que trois bateaux transportant le carburant à destination du Burundi étaient en route.

La population a poussé un ouf de soulagement. « Arararivumereye », mot magique pour les Burundais, signifiant que la parole du Chef est un acte sacré. L’annonce du président de la République a nourri, à juste titre, l’espoir. Sa parole semblait apaiser la population frappée de plein fouet par les conséquences tous azimuts découlant de cette sévère pénurie du carburant.

A l’instar du fameux, « Je vous ai compris » d’un De Gaulle, les Burundais ont cru à l’annonce du Chef, à ses promesses.  « Toute parole qui sort de la bouche du chef est sacré ».

Hélas, plus de deux semaines viennent de se passer sans que Godot n’arrive. « Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourtant, il l’avait annoncé ! » Ces interrogations, ces incompréhensions sont sur toutes les lèvres.

Certes, il peut y avoir des problèmes techniques ou d’autres défis qui sont à la base du retard de la livraison de ce carburant promis. Qui doit alors l’annoncer à l’opinion ? De toutes les façons, ce n’est pas le Chef de l’Etat.

Il a ses conseillers en communication « spin doctors », plusieurs institutions techniques sont en charge des produits pétroliers : ministères, la Société pétrolière du Burundi (SOPEBU), chargée de garantir l’approvisionnement en carburant. Comme le dit bien Simon Kururu dans son analyse dans les colonnes d’Iwacu « Carburant, un casse-tête », il y a un Premier ministre, des ministres en charge de l’Energie, du Commerce, des Finances, etc., qui devaient prendre les devants et servir de fusibles.

Qu’ils rompent l’omerta, expliquent, éclairent les Burundais, dans un langage clair, pourquoi le carburant annoncé n’est pas encore arrivé. Ce silence entretenu ne tempère pas les inquiétudes des Burundais, il renforce plutôt les rumeurs.

Ces cadres doivent s’assurer de bien connaître les raisons pour lesquelles ces promesses ont été faites. Ils doivent surtout éviter les contradictions, montrer l’unicité, éviter de créer une confusion au sein de la population qui semble déterminée à la résilience : « Twariyakiriye ! » Le terme est en vogue…

 

Forum des lecteurs d'Iwacu

11 réactions
  1. Bubiri

    Le Dr général de SOPEBU vient de déclarer pince sans rire qu’ils vont digitaliser la distribution du fuel.
    Raisons: distribuer équitablement le peu de fuel dont le pays dispose.
    Burya bokoresha abasoda n abapolisi dufise, ako kazi ntibogashobora
    Au lieu de les envoyer à l’abattoir dans le Masisi.

  2. jereve

    J’avais compris le vocable twariyakiriye dans un tout autre sens. En général, pour les croyants, il est reconnu à Dieu l’acte ultime de recevoir la personne qui a rendu son dernier soupir: Imana yamwakiriye. Mais en ce qui concerne les personnes qui respirent encore, pour autant qu’on accepte la comparaison, Dieu ne peut pas kubakira. Il revient à ces personnes de kwiyakira elles-mêmes, en attendant de rendre effectivement l’âme pour mériter d’être accueilli par Dieu.
    L’idée derrière, c’est le désespoir extrême qui fait que les gens se comparent aux morts-vivants.

  3. Kurubone Jean

    Le ministre de l’énergie vient d’annoncer qu’ils vont digitaliser les stations-services. Cela veut dire quoi? Est-ce la solution au problème? Pourquoi quand le carburant était disponible, le problème ne se posait pas? Tâtonnement quand tu nous tiens!

  4. Matwi

    A bon entendeur salut,
    La situation qui prévaut au burundi est très alarmante.
    Dans quel pays du monde peut-on rester passible devant des injustices sociales, économiques, juridiques et j’en passe comme au pays des milles collines.
    L’heure est arrivée de se débarrasser de ces fauves insatiables.
    Les élections arrivent dites non et non à tous ces sans scrupules.
    Courage et bonne chance.

    • Georges

      On ne peut pas s’en débarrasser malheureusement avec des élections tout simplement parce que ces dernières ne valent plus rien depuis 2010. Les résultats sont fabriqués. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls dans notre sous-région. Mais au moins ailleurs on les fabrique et on bosse en même temps.

  5. Rema

    Comment peut on concilier la tragédie que vit le Burundi avec les pompeuses visions 40/60?
    Que pensent vraiement les Bihangange qui dirigent?
    Kari akabazo qui me taraude

  6. Idrissa Salmon

    Les quelques lignes que nous affiche le groupe Iwacu sont une littérature (),, un monde vu de face sur les sciences complexes, des conseils aux comportements que certaines autorités devraient adopter (sans pour autant changer la nature. Helas, pour reprendre le langage burundais, « iyo tuva ntihatuva inyuma »). Quel comportement d’un bon leader, twariyakiriye koko.

    Parler sans y avoir réfléchi, sangloter devant un peuple qui n’attend qu’une solution plutôt que des pleurs, ce n’est pas sage pour un chef d’État. Démissionner serait peut-être la meilleure décision pour celui qui le mérite. Cela n’engage que moi, ka Bushingantahe. Nta mugabo arira k’umugayo.

    J’ai peur que, malgré cette crise du carburant que nous ( IL) n’arrivons malheureusement pas à gérer, sa presentation pour la réélection ne soit plus une question. Caratuvunye, ntitubaha. Et de repeter ces paroles d’un prelat religieux : Turacapfiuye bene Mama ( Eglise universelle)

  7. Riraniga

    S’abord que font les porte paroles ou le ministre de la communication.
    Pourquoi un président fait il des annonces intenpestives?
    Dernièrement, il a fait sur les ondes de la RTNB une annonce fracassante sur un gisement providentiel de Kirundo.
    On saura plus tard que c’est un mirage.
    Le munistre des mines ne pipera aucun mot.
    What kind of country is Burundi?

    • Bukumi

      Riraniga ncuti
      Igihugu cacu ni maudit

    • Stan Siyomana

      @Riraniga
      Jewe naratangaye kumva ko ingene umukuru w’igihugu wenyene yivugira ko groupe Whatsapp/projet agiye gutanguza izohuza de jeunes ingenieurs des mines ngo bimbe ubwo butare, ngo iyo projet ntizoza ihemba abo banyakazi babo gushika aho ubutare bugurishwa kumasoko mpuzamakungu. Normalement ca prend des annees pour developper une mine. Nkaca nibaza nti none mumategeko araba ivy’akazi muBurundi, ishirahamwe ryokwemeregwa gukora rivuga ko ridashobora kuriha abanyakazi baryo?
      Kandi perezida yavuze ngo umurundi wese aterereye amahera make (nk’ijana? nk’igihumbi kimwe?) ngo ihinguriro rya raffinerie ikora des lingot d’etain (a partir de la cassiterite) ngo ryokubakwa. Mugabo nkaca nibuka ingene abarundi bananirwa no gutererera amafaranga yo kugura intebe abana babo bicarako mw’ishule.
      A ce que je sache, uretse dans les pays qui sont les derniers ramparts du socialisme/communisme comme la Coree du Nord et le Cuba, ubu ntagihugu cemera kigafata risques financiers zo kuja kwimba conyene ubutare (sans la participation du secteur prive/ compagnies multinationales).

    • ka

      qui a cru à ce mirage? en tout cas, pas moi.

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