Mercredi 03 décembre 2025

Santé

Cancer du col de l’utérus : mieux vaut prévenir que guérir

03/12/2025 0
Cancer du col de l’utérus : mieux vaut prévenir que guérir

Selon les statistiques mondiales sur le cancer de 2022 (Global Cancer Statistics), le cancer du col de l’utérus figure parmi les plus fréquents chez les femmes au Burundi. Il touche autant les jeunes femmes que les plus âgées. Dans cet entretien, le Dr Axel Védast Katembo, gynéco-obstétricien à Kira Hospital, rappelle les causes, les moyens de prévention et l’importance d’un dépistage précoce.

Qu’est-ce que le cancer du col de l’utérus ?

Ce cancer est l’un des cancers gynécologiques. Il se développe à l’entrée du col de l’utérus. Ce col est constitué de deux zones principales : l’exocol (la partie externe visible depuis le vagin) et l’endocol (la partie interne du col qui mène à la cavité utérine). C’est à la couche intermédiaire de ces deux zones que se développe ce cancer.

Quelle est la fréquence de ce cancer au Burundi ?

Il n’existe pas de chiffres actualisés et précis sur le cancer du col de l’utérus au Burundi, faute de registre national du cancer en général. Toutefois, selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en 2019, on estimait environ 1 500 décès dus au cancer du col de l’utérus au Burundi. En 2020, selon les données du Global Cancer Statistics 2022, ce cancer restait l’un des plus fréquents chez les femmes burundaises, avec 1 457 nouveaux cas (soit 18,8 % de l’ensemble des cancers féminins) et 1 081 décès recensés. L’incidence brute était de 26,4 pour 100 000 femmes, tandis que l’incidence standardisée selon l’âge atteignait 49,3 cas pour 100 000 femmes.

Quelles sont les causes de ce cancer ?

Le cancer du col de l’utérus est principalement causé par une infection persistante au papillomavirus humain (HPV : Human Papilloma Virus), transmis lors des rapports sexuels. Certains types de HPV dits « à haut risque » peuvent provoquer des anomalies cellulaires au col de l’utérus qui, si elles ne sont pas traitées, peuvent évoluer en cancer. La plupart des infections disparaissent naturellement, mais celles qui persistent peuvent entraîner des lésions précancéreuses.

Le HPV est-il le seul facteur de risque ?

Le col de l’utérus étant la porte d’entrée principale du virus responsable de ce cancer, il est logique que les facteurs liés à la vie sexuelle jouent un rôle important dans le risque d’infection. Le HPV, à l’origine de ce cancer, se transmet par voie sexuelle. Ainsi, avoir des rapports sexuels avec plusieurs partenaires ou avoir un partenaire qui a lui-même plusieurs partenaires augmente considérablement le risque d’exposition à ce virus.

Avoir des rapports sexuels précoces, avant l’âge de 20 ans, constitue également un facteur de risque important, car le col de l’utérus est encore en développement et plus vulnérable aux infections.

De plus, le fait d’avoir plusieurs grossesses est aussi associé à un risque accru. Cela pourrait s’expliquer par les changements répétés que subit le col de l’utérus, le rendant plus vulnérable à l’infection persistante par le HPV.

Un autre facteur de risque important est l’infection par le VIH. Ce virus affaiblit le système immunitaire, réduisant la capacité du corps à éliminer le HPV. Cette infection, lorsqu’elle persiste, augmente la probabilité de transformation des cellules du col en lésions précancéreuses, puis en cancer.

Des antécédents familiaux de cancers gynécologiques (comme le cancer du col de l’utérus, des ovaires, du sein, etc.) peuvent également augmenter le risque.

À quel âge ce cancer apparaît-il le plus souvent ?

Après une infection au HPV, ce cancer ne se développe qu’après plusieurs années. Il commence par des lésions précancéreuses, dont seules celles de haut grade peuvent évoluer en cancer sur une période de 15 à 20 ans si elles ne sont pas traitées. Ce cancer apparaît souvent chez les femmes de 30 ans et plus, même si l’infection peut survenir dès l’adolescence.

Un exemple est celui d’une jeune femme de 21 ans, qui avait eu ses premiers rapports sexuels avant 15 ans et s’était mariée très jeune. Elle présentait déjà des lésions précancéreuses de haut grade, signe que la maladie avait commencé très tôt.

Le Burundi avait introduit le vaccin contre le HPV en 2016 avant d’interrompre sa mise en œuvre. Quelle est l’efficacité de ce vaccin ?

La vaccination contre le HPV est l’un des moyens les plus efficaces pour prévenir ce cancer. Ce vaccin est destiné principalement aux jeunes filles avant le début de leur vie sexuelle, généralement autour de 15 ans, car il est plus efficace avant toute exposition au virus. Il permettrait de prévenir jusqu’à 80 % des cas de ce cancer. C’est une forme de prévention primaire, considérée comme le pilier central dans la lutte contre le cancer du col de l’utérus dans le monde.

Au Burundi, un programme de vaccination avait été lancé dans certaines provinces comme projet pilote, mais il n’a pas été généralisé à l’ensemble du pays. J’estime que cela pourrait être dû à des contraintes financières ou à des obstacles communautaires. Pourtant, l’importance de ce vaccin reste incontestable : il constitue une protection majeure pour les futures générations de femmes.

Quels sont les premiers symptômes qui doivent alerter une femme ?

Lorsqu’il s’agit uniquement de lésions précancéreuses, les symptômes les plus fréquents sont l’apparition de condylomes acuminés (boutons durs ou rugueux) qui peuvent apparaître au niveau de la vulve, du vagin, de la région anale ou du périnée. Ils sont généralement indolores, mais peuvent persister dans le temps.

Lorsqu’ils évoluent au niveau du vagin ou sur le col de l’utérus, cela confirme davantage l’exposition à ce virus. Ces condylomes sont bénins en soi, mais ils constituent une preuve que la personne a été en contact avec le HPV.

Il faut noter que dans 80 % des cas, les personnes exposées au HPV parviennent à éliminer naturellement le virus grâce à leur système immunitaire. Mais dans 20 % des cas, le virus persiste et peut entraîner des lésions précancéreuses.

Lorsque le cancer du col de l’utérus devient symptomatique, le principal signe d’alerte est le saignement vaginal anormal, surtout pendant ou après les rapports sexuels. À un stade plus avancé, d’autres signes peuvent apparaître, comme des pertes vaginales anormales, des douleurs pelviennes ou dans le bas-ventre, surtout si le cancer s’étend au-delà du col.

Ce cancer peut-il être guéri ?

Oui. Lorsqu’il est dépisté au stade des lésions précancéreuses, il peut être pris en charge efficacement, et dans ce cas, la maladie ne progresse même pas jusqu’au stade de cancer. En revanche, une fois que le cancer est installé, les chances de guérison diminuent et dépendent du stade d’évolution.

Comment prévenir ce cancer ?

La prévention du cancer du col de l’utérus repose sur trois niveaux. La prévention primaire consiste à vacciner les jeunes filles contre le HPV avant le début de leur vie sexuelle. La prévention secondaire repose sur le dépistage de masse afin de détecter et traiter les lésions précancéreuses à un stade précoce. Enfin, la prévention tertiaire concerne la prise en charge des cas déjà déclarés, dans des centres spécialisés de traitement du cancer.

Quels sont les principaux obstacles à la prévention au Burundi ?

Le manque de sensibilisation, surtout en milieu rural, où la population est majoritairement analphabète. Il y a aussi l’absence d’un programme national structuré de lutte contre ce cancer, l’indisponibilité du vaccin contre le HPV, le manque de centres spécialisés en cancérologie, ainsi que l’insuffisance de laboratoires d’anatomopathologie pour poser des diagnostics précis.

Quelques hôpitaux privés seulement, comme le CMCK (Centre Médico-chirurgical de Kinindo) et Tanganyika Hospital, offrent déjà des services de dépistage et certains traitements du cancer à travers la chirurgie ou la chimiothérapie. Toutefois, ces soins restent coûteux et peu accessibles pour une grande partie de la population. Il est crucial que l’État burundais renforce son engagement dans la prévention de ce cancer.

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