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Économie

Budget 2019-2020 : plus de 227 milliards BIF échappent au Parlement

03/10/2019 Commentaires fermés sur Budget 2019-2020 : plus de 227 milliards BIF échappent au Parlement
Budget 2019-2020 : plus de 227 milliards BIF échappent au Parlement
Gabriel Rufyiri : « l’Etat viole sciemment la loi des Finances pendant plusieurs années. »

Depuis 2018, plusieurs milliards de BIF votés par le Parlement ne sont pas contrôlés. Les budgets annexes indiquant leurs affectations sont absents de la loi des Finances. Pourtant, ces documents font partie de la loi de Finances. L’Olucome évoque des détournements déguisés.

« Plus de 227 milliards de BIF sont affectés à la rubrique contributions, dons, subsides et subventions sans que la destination réelle de cette dépense ne soit analysée en profondeur par le Parlement et la Cour des comptes. », fait remarquer l’aperçu sur la transparence et la lisibilité du budget d’Etat 2019/2020 effectué par l’Observatoire d’Action Gouvernementale (OAG).

Selon cette étude, certains services de l’Etat dotés ou non de la personnalité morale bénéficient des dons, subventions ou des subsides du budget général de l’Etat. Mais, le détail de leurs produits ou charges ne figurent pas dans le budget voté par les élus du peuple. Autrement dit, ce budget voté n’était pas accompagné des budgets annexes.

De 2010 à 2019/2020, les dons sous forme de subventions, de subsides ou d’allocations n’ont cessé de croître. Ils sont passés de plus de 90 à 227,8 milliards BIF. Soit, une croissance moyenne de 15,24%.

Que dit la loi ?

Le « Règlement Général de la Gestion des Budgets Publics » du 18 octobre 2011 est sans équivoque. Les dons accordés sous forme de subventions, de subsides ou d’allocations budgétaires aux activités des ministères, des institutions, des établissements ou services publics peuvent être considérés comme des budgets annexes ou des budgets programmes.

Ce décret précise qu’un budget annexe est créé par une loi de finances. Cette dernière définit les activités qui sont transférées à un budget annexe ou constituées en budget annexe. En outre, elle indique le ministère auquel est rattaché le budget annexe. Cette loi détermine quand le budget annexe est modifié ou supprimé. Là-dessus, la loi organique des finances publiques est claire. Le budget annexe est un budget.

Selon Gabriel Rufyiri, le gouvernement s’est habitué à accorder des subventions, dons ou subsides aux différentes entités sans analyse. « C’est un détournement déguisé »

M. Rufyiri déplore que l’Etat ne commandite pas une étude pour évaluer les produits des fonds décaissés. « C’est une preuve qui démontre comment l’Etat viole sciemment la loi des finances pendant plusieurs années. », constate le président de l’Olucome. Pour une seule raison, explique-t-il, l’absence de ces budgets annexes prouve que l’Etat ne veut pas être contrôlé et rendre compte aux citoyens. Par ailleurs, le ministre des Finances n’a jamais respecté les recommandations de la Cour des comptes.

Iwacu a contacté le porte-parole du ministère des Finances, en vain. Nous allons suivre ce dossier dans nos prochaines éditions.


Analyse/ Pourquoi les « dons » de l’Etat augmentent ?

Dans la loi des Finances 2019-2020, une enveloppe de plus de 227 milliards BIF a été allouée aux différentes entités sous forme de contributions, subventions, subsides et d’allocations. Ce montant représente 25,1% des recettes courantes du budget.

Là où le bât blesse, ces dons ne sont pas bien contrôlés par le Parlement. Ils en savent plus. Récemment, lors de l’adoption des deux dernières lois des finances, le ministre des Finances ne leur avait pas fourni les budgets annexes comme l’exige la loi organique relative aux finances publiques.

Or, les budgets annexes retracent en détail les produits ou charges des dons accordés aux entités publiques. Ceci signifie qu’en l’absence de ses annexes, le Parlement et la Cour des comptes ne peuvent pas contrôler le budget orienté dans les subventions, subsides, dons et allocations.

Par ailleurs, dans son commentaire sur la loi des Finances 2019-2020 le président de la Cour des comptes Elysé Ndaye a déploré le manque des budgets annexes dans le budget. Cette remarque est récurrente. Elle a été donnée lors du vote du budget de l’Etat 2018-2019.

Cette critique constitue un rapport alarmant de la Cour des comptes, qui devrait attirer l’attention des élus du peuple pour exiger ces documents. Malheureusement, ces lois des Finances lacunaires ont été majoritairement votées par les parlementaires.

Finalement, faute des budgets annexes, cette cour n’aurait pas contrôlé les contributions, subventions et subsides accordés par l’Etat.

Cependant, plusieurs des dons, subventions, allocations et subsides votés par le Parlement en 2018 ont été automatiquement reconduits. C’est le cas de l’OBR, université du Burundi, Programme Santé Reproduction etc.

Une question se pose : Comment reconduire un budget sans évaluation pour savoir les résultats? Normalement, le contrôle et les résultats atteints sont nécessaires pour autoriser la reconduction d’un budget. Si la cour n’a pas des budgets annexes, qui a fait le contrôle?

Pourtant, ces dépenses sont énormes et mettent en cause la politique de prudence et d’austérité déclarée par le gouvernement depuis 2017. Ce qui fait croire que l’Etat exécute une politique interventionniste et expansive dans presque tous les secteurs. Ce n’est pas nouveau. Dans le budget dit « austère » de 2018-2019, les dons étaient de plus de 218 milliards BIF, soit 26,6% des recettes courantes.

Que faire ?

Les faits sont têtus, la croissance accélérée des dons sous forme de subventions, allocations ou subsides, fait remarquer que les ministres adoptent des stratégies qui font sortir certaines dépenses du Budget de l’Etat. Pour ce faire, ils font tout pour faire supporter ces dépenses par d’autres acteurs ou par d’autres services publics. Lorsque ce procédé ne marche pas, les ministères créent des établissements ou des programmes publics offrant moins d’informations au Parlement.

Le recours à cette stratégie n’est pas une erreur. Elle est voulue. C’est une manière de dissimiler des salaires. Ce qui nuit à la transparence du budget destiné aux salaires.

Les indemnités journalières accordées aux membres de Comités ou Commissions ou les frais de déplacement des participants dans des réunions ou des séances ou ateliers de formation sont des cas de relèvement de salaires déguisés. Elles incitent à la recherche de subventions de rente non traçable dans la masse salariale.

Pour contrôler ces dépenses, le Parlement doit se ressaisir. Il doit exiger les documents nécessaires pour bien gérer l’argent du contribuable. En outre, pour continuer à bénéficier des subventions, il faut une évaluation annuelle des résultats atteints.

En effet, il faut éviter que les services étatiques prennent une mauvaise habitude de recevoir automatiquement des niveaux importants de subventions sans référence aux résultats atteints.

Pour arrêter cette hausse des dons, le Parlement doit élaborer une loi sur l’octroi de dons. Cette dernière stipule les conditions d’octroi, de suspension et de suppression des subventions.

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