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Société

 Les humains ne sont pas des « choses » 

27/09/2022 Commentaires fermés sur  Les humains ne sont pas des « choses » 
 Les  humains ne sont pas des « choses » 

Dans des sociétés en crise ou post-conflit, des groupes ou membres d’un groupe sont victimes de la chosification.  Le Pr Evariste Ngayimpenda, historien et démographe, fait le point.

En quoi consiste la chosification ?

Elle consiste à présenter les autres comme un autre type de créature méprisable. Des personnes à qui l’on peut refuser les droits.  À ce titre, ils méritent tous les traitements. On les malmène, on les blâme à tout bout de champ. Bref, on agit comme s’ils sont des citoyens de seconde zone. En fait, on les désigne comme des boucs-émissaires. On les accuse d’être responsables de toutes les mauvaises situations vécues par la société.

Quels sont les contextes possibles ?

Ce sont généralement des contextes de marasme économique et politique, de sortie de crise. La plupart des fois des régimes politiques issus des mouvements révolutionnaires ou des rébellions restent pendant longtemps prisonniers de leur histoire.
L’Afrique du Sud a fait l’exception par le charisme de Nelson Mandela.  Mais avec Tabo Mbeki et Jacob Zuma, les choses ont basculé.

Pourquoi ?

Parce que ce genre de mouvement a généralement des composantes politiques et militaires. Il n’est pas préparé pour exercer le pouvoir dans l’intérêt général. Il est obligé de trouver un moyen de se faire accepter, se légitimer. Il cherche à faire taire toutes les voix dissonantes.

Par quels moyens ?

Il y a en général des mécanismes d’autolégitimation. C’est notamment le recours à l’intimidation, la manipulation, la désinformation, l’exercice de la bonne gouvernance. Mais comme la bonne gouvernance est exigeante en termes de ressources de toute nature, ce sont les trois premiers mécanismes qui sont souvent mobilisés.

Quelles sont les conséquences de l’utilisation de ce langage ?

Toutes les sociétés humaines sont bâties autour des valeurs. Quand vous refusez les valeurs morales de respect, de vivre en harmonie, d’entraide, vous mettez en cause tous les repères. Une société sans repères est vouée à l’échec. Quand vous prenez le risque de les marginaliser, il vous sera, par la suite, difficile de les reconstituer ou de les imposer, chacun se donnant son propre repère. Dans ce genre de situation, la parole est donnée aux extrémistes. On l’a vu avec la révolution française et la révolution russe.

Dans nos pays, des groupes de jeunes prennent les devants. Les adultes ayant de l’expérience, des conseils à prodiguer sur ce qu’ils ont vécu, n’ont plus de place. Ils sont exclus. Dans ce cas, ceux qui suivent ces messages les propagent. Vol, violence, méfiance, divisions, suspicion deviennent une réalité. Les gens se sentent délaissés et la société se fracture.

Comment lutter contre la chosification ?

Après l’Holocauste, des lois ont été mises en place pour punir les auteurs qui attisent la haine en Europe. Les gens sont alors prudents sur le langage utilisé. Les dirigeants deviennent stricts et les dirigés prennent exemple sur eux. L’école et les médias occupent une place de choix pour l’éducation des gens sur les valeurs. Les sociétés qui ont réussi à préserver les valeurs morales sont stables.

Propos recueillis par Jérémie Misago

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