Mercredi 25 juin 2025

Au coeur du pays

Jeunes et femmes de la commune Bukeye : « Il faut plus de présence des futurs élus sur le terrain »

Jeunes et femmes de la commune Bukeye : « Il faut plus de présence des futurs élus sur le terrain »
Bureau de la commune Bukeye

À l’approche des élections de 2025, les jeunes et les femmes de la commune Bukeye font entendre leurs préoccupations avec force. Confrontés au manque d’eau, d’électricité et de financements, ils exigent des projets réalistes. Qui plus est, ils réclament une présence permanente et accrue de leurs élus auprès de l’électorat.

Issus de différentes collines de la commune Bukeye dont Gweteto, Rusha, Burarana et Nyambo, ces jeunes entreprennent, cultivent, étudient et siègent déjà dans des structures de la société civile. Leur point commun est la frustration profonde face à l’absence de soutien financier, à l’inégale répartition des ressources, à l’inaccessibilité des services de base et à la persistance des promesses non tenues.

Jean-Marie Kajeneza, jeune entrepreneur établi sur la colline Gweteto, identifie l’un des obstacles majeurs au développement local des jeunes : l’accès aux financements. « Pour cultiver ou lancer une activité, il faut disposer d’un capital de départ mais, les jeunes n’ont pas cette capacité après leurs études », se désole-t-il.

Provenant des familles à faibles revenus ou des milieux défavorisés, explique-t-il, ces jeunes diplômés restent confrontés à un manque de moyens financiers pour concrétiser leurs projets.
Face à ce constat, il formule une requête simple mais fondamentale. « Les candidats doivent créer des mécanismes de financement adaptés à la jeunesse en veillant à ce que ces mécanismes ne privilégient pas des intérêts partisans mais servent l’ensemble de la population ».

Il insiste sur le fait que le soutien financier à la réalisation des activités agricoles ou artisanales représenterait un levier puissant contre le chômage juvénile et contribuerait à la prospérité de toute la commune.

Emmanuel Ndayizeye, de la colline Gahaga, pense déjà aux projets prioritaires que les élus doivent mettre en œuvre. Il parle notamment de la réhabilitation des routes, de l’adduction d’eau car trouver de l’eau potable au chef-lieu de la commune Bukeye est un casse-tête.

Une autre priorité concerne la lutte contre le chômage des jeunes. Ils représentent en effet la majorité des électeurs mais ils croupissent dans le chômage et la misère. Ils interpellent les élus potentiels de relever ce défi.

Une présence plus réelle

Les jeunes de Bukeye appellent également à une présence plus réelle et plus proche de leurs représentants. Ils ont souvent l’impression que, aussitôt élus, les responsables politiques s’installent à Bujumbura ou dans d’autres centres urbains. Ils sont complètement déconnectés des préoccupations quotidiennes de ceux qui les ont élus.

Jean-Marie Kajeneza ne cesse de déplorer cette situation. « Nous voulons que les prochains élus soient vraiment très proches de la population pour voir nos problèmes car, il’est plus facile de trouver des solutions lorsqu’on est sur le terrain. »

Cette proximité ne doit pas se limiter à des visites ponctuelles en période de campagne électorale. Elle doit s’inscrire plutôt dans une logique de permanence et d’écoute active des habitants de chaque colline.

De son côté, Emmanuel Ndayizeye, se dit prêt à participer aux élections de 2025. Il estime que les élections sont un évènement qui concerne tous les citoyens. Personne ne devrait s’y soustraire. « Même quand je serai malade, je ne pourrai pas rater cette occasion de voter ».

Pour lui, les élections signifient beaucoup de choses. Il s’agit, explique-t-il, d’une opportunité de choisir ses dirigeants et représentants. En plus, cela permet de choisir des candidats qui ont des projets de développement efficaces, réalistes et réalisables.

Il ajoute qu’aller voter permet aux citoyens d’exiger des comptes aux mandataires publics. « Les candidats savent pertinemment qu’ils sont redevables devant le peuple. C’est pourquoi nous devons exercer ce droit. Voter est même un devoir civique ».

Il appelle les futurs élus d’être toujours à côté des citoyens pour les écouter et canaliser leurs doléances vers les instances de prise de décisions.

Parmi leurs priorités, insistent ces jeunes, l’agriculture, l’élevage et les petits métiers paraissent comme le socle de l’économie locale. Ils déplorent que ces secteurs, essentiels pour leur subsistance, soient trop souvent négligés par les politiques publiques qui concentrent leurs efforts sur le secteur tertiaire ou les grandes infrastructures.

Jean-Marie Kajeneza résume ainsi cette observation. « Le secteur primaire est oublié alors qu’il apporte de l’argent. » Il appelle les futurs élus à élaborer un plan global pour renforcer la production agricole, faciliter l’accès aux intrants, améliorer les circuits de commercialisation et soutenir l’élevage du petit bétail. Un tel plan, étendu à l’ensemble du pays, permettrait non seulement de nourrir la population mais aussi de générer des revenus pour la jeunesse rurale.

Accès à l’eau potable et aux fertilisants au centre des préoccupations

Le problème de l’eau potable devient récurrent dans les témoignages. Sur la colline Rusha, où vit Willy Ngendakumana, 22 ans et cultivateur, la question d’approvisionnement en eau potable se pose avec acuité. « On est proche de la Kibira et on a promis des forages depuis cinq ans. Mais, l’eau n’est jamais là. »

Il fait savoir que l’absence de l’eau ne freine pas seulement l’agriculture mais elle complique aussi la vie quotidienne, allonge les trajets pour puiser l’eau et décourage les efforts des jeunes. À cela s’ajoute le manque de centres de santé équipés. « On n’a pas d’hôpitaux ici », déplore-t-il.

A part l’eau, les jeunes signalent aussi des difficultés pour obtenir les intrants agricoles de base, notamment les engrais organo-minéraux.

Alexandre Harerimana, 23 ans, de la colline Burarana, explique que les fertilisants étaient autrefois disponibles sans délai mais que « ces derniers jours, ce n’est pas facile d’en obtenir. Et lorsqu’on paie, il faut encore attendre plusieurs jours ».

Il déplore les affrontements parfois violents entre ceux qui cherchent à acheter ces engrais et les autorités chargées de la distribution. Il évoque le cas des femmes « battues et blessées à Bukeye quand elles étaient en train de chercher les fertilisants ».

Il estime que l’une des priorités pour les futurs élus est de garantir une chaîne d’approvisionnement fiable à temps et en quantité suffisante, afin de permettre aux cultivateurs de planifier sereinement leurs semis et de préserver la sécurité alimentaire locale.

Pas d’électricité, pas de développement

L’électrification de la colline Rusha peine à se concrétiser

L’accès à l’électricité et aux routes praticables figure également en tête des préoccupations. Sur la colline Nyambo, Thierry Twagirayezu, 20 ans, fait observer que l’électricité n’est pas disponible et que l’eau, lorsqu’elle existe, reste rare et insuffisante.

Il déplore l’état des routes souvent impraticables pendant la période pluvieuse. « Nous avons besoin d’emplois car, le chômage chez les jeunes est trop élevé. Il n’y a pas d’électricité ni d’eau, et les routes ne sont pas entretenues ». Pour Twagirayezu, ces infrastructures de base sont indispensables à l’essor de l’entrepreneuriat local, au transport et à la commercialisation des marchandises vers les marchés.

Le parti Fraternité des Patriotes Ineza (FPI) propose, via la voix d’Evode Ndayiragije, responsable de la Ligue des jeunes dans la province de Muramvya, une vision globale du développement.

Selon lui, aucune province ne peut progresser isolément. « Le développement ne se limite pas à Muramvya. Il doit concerner toutes les provinces. » Un slogan, résumé par « Iteka ryawe, iteka ryanje (ta dignité, ma dignité », invite les uns et les autres à dépasser les intérêts personnels et à œuvrer pour le bien commun.

Evode Ndayiragije appelle à une planification agricole nationale, à la création d’emplois industriels et à l’élaboration des lois favorisant le climat des affaires. « Le gouvernement a le devoir de faciliter l’entrepreneuriat juvénile, notamment à travers le Programme d’Autonomisation économique et d’Emploi des jeunes (PAEEJ), tout en encourageant les jeunes à se lancer dans des activités génératrices de revenus », interpelle-t-il.

PAEEJ : Un programme à vulgariser

Jean Marie Kajeneza : « J’invite les jeunes à tenter leur chance et à présenter des projets bien élaborés »

Dans la commune Bukeye, les jeunes insistent sur la nécessité d’un PAEEJ opérationnel et dénué de tout favoritisme. Pour nombre d’entre eux, ce programme pourrait constituer une bouffée d’oxygène face au manque de capitaux pour lancer une activité agricole ou artisanale.

« Il faut que le programme travaille efficacement pour le développement de la jeunesse. Souvent, on entend dire qu’il faut être membre du parti au pouvoir pour obtenir un financement. Ce qui n’est pas le cas », clarifie Jean-Marie Kajeneza, un des bénéficiaires des financements du PAEEJ.

Ce jeune entrepreneur interpelle les autres jeunes à sauter sur cette opportunité qui leur est oufferte en présentant des projets bancables. « Personne ne m’a jamais demandé mon affiliation politique ou mon origine ethnique. J’invite les jeunes à tenter leur chance et à présenter des projets bien élaborés. Ils seront financés », rassure M. Kajeneza.

Les jeunes de Bukeye appellent également à un effort dans la transmission de l’information et dans la sensibilisation pour que le PAEEJ profite à tous. Ils estiment que trop de candidats bénéficiairespotentiels ignorent l’existence même du programme ou méconnaissent les procédures de demande de financement.

Les autorités locales, disent-ils, devraient organiser des sessions de sensibilisation sur chaque colline, de la base jusqu’au chef-lieu de la province, afin que chacun sache comment élaborer et où soumettre un projet.


Quid de la représentativité et de la cohabitation des jeunes ?

Pour certains jeunes affiliés aux partis, le climat politique reste sain à la veille des élections. Pour d’autres par contre, la situation reste volatile. Ils en appellent à la vigilance et à une compétition loyale. Par ailleurs, ils fustigent leur faible représentativité dans les organes de prise de décisions.

Evode Ndayiragije, jeune militant du parti FPI, se félicite du fait que son parti accorde une place privilégiée aux jeunes. « Chez nous, on définit un jeune comme quelqu’un qui a des idées claires et une vision. »

Il regrette cependant que, dans d’autres formations politiques, les jeunes se plaignent d’exclusion. « On entend souvent dire que les jeunes ne sont pas représentés. Mais, la politique exige une vision et un engagement. Il ne s’agit pas seulement d’un titre honorifique. La politique n’est pas un poste offert mais une lutte d’idées. Les jeunes doivent s’organiser et non mendier des postes politiques. ».

Cependant, fustigent certains jeunes, la représentation des jeunes sur les listes électorales reste faible. Jean-Marie Kajeneza regrette qu’il n’ait pas encore vu de jeunes sur la liste des candidats aux élections de cette année.

De son côté, Evrard Ndayisenga, un jeune qui habite au chef-lieu de la commune Bukeye, souhaite que les jeunes soient davantage impliqués dans les processus décisionnels. Il demande une représentation significative dans les instances politiques locales et nationales ainsi que la mise en place des mécanismes favorisant leur engagement civique. « Cette inclusion est essentielle pour garantir que notre voix soit entendue et prise en compte dans l’élaboration des politiques publiques ».

Emmanuel Ndayizeye : « Les candidats savent pertinemment qu’ils sont redevables devant le peuple »

Bien plus, ces jeunes insistent sur la nécessité d’éviter les violences électorales. Jean-Marie Kajeneza rappelle qu’« une bonne politique est centrée sur des projets de société vendables. Chacun peut se faire élire et réussir si son projet de société est attrayant ».

Willy Ngendakumana confirme que la cohabitation entre les jeunes des différents partis est généralement bonne. Mais, il craint que la manipulation politicienne ne crée des tensions. « Les politiciens viennent durant la campagne. Il ne faudrait pas que ce soit le moment de la violence mais plutôt celui du respect d’autrui car, nous resterons ensemble pendant cinq ans ».

Emmanuel Ndayizeye se réjouit aussi de la bonne cohabitation. Ce natif de la colline Gahaga fait savoir que la cohabitation entre les jeunes des différents partis politiques est bonne sur sa colline et dans toute la commune.
« Les jeunes ont les mêmes problèmes de pauvreté et de chômage. Il n’y a pas de problème entre eux. Ils s’entendent et collaborent parfaitement dans des associations et coopératives ».

Rejet de toute forme de manipulation politique

Alexandre Harerimana, de la colline Burarana, affirme qu’il n’a personnellement constaté aucune violence. Il invite ses pairs à éviter l’instrumentalisation.

Thierry Twagirayezu fait le même clin d’œil. « La jeunesse doit abandonner la violence et se focaliser sur les projets de développement. » Evode Ndayiragije, quant à lui, conclut que les jeunes transcendent l’appartenance partisane. « Nous sommes Burundais avant tout et nos ressemblances comptent plus que nos différences. »

De son côté, Emmanuel Ndayizeye craint que la période électorale ne soit un terrain propice aux affrontements entre les jeunes des différents partis politiques dans plusieurs régions du pays. Il a un message pour eux. « Je suis footballeur et en même temps supporter des équipes. Les élections c’est une compétition comme tant d’autres. Celui qui perd reconnaît sa défaite. La règle du jeu c’est le respect des règlements, des adversaires et des arbitres (Ceni), le cas échéant. Les jeunes des partis ne sont pas des ennemis entre eux mais des adversaires politiques. Bref, ils sont des partenaires ».

Il considère que les élections sont comme un championnat de football. Il appelle alors les jeunes comme lui à la retenue. « Il y a parfois de la méfiance entre les jeunes ayant des convictions politiques différentes. Les élections passent et les citoyens retrouvent la vie normale. Les jeunes doivent s’abstenir de toute manipulation et instrumentalisation par des leaders politiques ».

Les jeunes de la commune Bukeye sont conscients des tensions politiques qui se sont produites dans le passé. Partant, ils insistent sur l’importance de la paix et de la cohésion sociale. Ils rejettent toute forme de manipulation politique avant d’appeler à des élections transparentes et pacifiques. Pour eux, des initiatives de sensibilisation et de dialogue intercommunautaire sont encouragées pour renforcer la tolérance et l’unité nationale.

Un désir pour un changement positif et durable

Ces jeunes s’accordent pour dénoncer les promesses non tenues. Willy Ngendakumana exhorte les politiciens à « arrêter de mentir pendant les campagnes électorales » car, met-il en garde « le mensonge peut tourner contre son auteur ».

Thierry Twagirayezu de la colline Nyamirambo va plus loin. « Les politiciens menteurs devraient se retirer de la course pour laisser la place à ceux qui sont capables de développer notre pays. »

Evode Ndayiragije : « Les jeunes doivent s’organiser et non mendier des postes politiques. »

Evode Ndayiragije souligne que la persistance des promesses irréalisables décourage l’électorat à s’intéresser à la politique. « Les électeurs ont trop longtemps vécu dans l’expectative. Un député ne doit pas mentir sur ce qu’il va accomplir, car une fois au pouvoir, il devient difficile de revenir sur ses engagements. »

Pour Jean-Marie Kajeneza, si un mandat des élus s’achève avant que les projets promis ne soient réalisés, il faudrait que ces élus ne se représentent plus sur les listes car, « ils auront trahi la confiance de l’électorat ».

Pour Evrard Ndayisenga, les élections de 2025 représentent une opportunité cruciale pour répondre aux aspirations des jeunes de sa commune. Il indique que leur engagement et leurs revendications mettent en lumière le désir d’un changement positif et durable. « Il est impératif que les acteurs politiques et les décideurs prennent en compte ces préoccupations pour construire un Burundi plus inclusif et plus prospère. »


Le respect des droits des femmes, un leitmotiv

Des violences conjugales, des tortures et des injures. Telles sont quelques-unes des souffrances subies par certaines femmes rencontrées dans la commune Bukeye. En moins d’un mois des élections, ces femmes appellent les prochains élus à faire respecter les droits des femmes.

Les femmes de la commune Bukeye abordent les élections de 2025 avec espoir et détermination. Elles ne veulent plus être reléguées au second plan. Elles aspirent à un avenir où leurs droits seront pleinement reconnus et leurs besoins véritablement pris en compte. Les candidats et les partis politiques sont donc interpellés. « Ecouter et répondre aux attentes des femmes, c’est bâtir un Burundi plus juste, plus fort et plus solidaire ».

Odette Ndayishimiye : « Ces élections doivent apporter des solutions au chômage des femmes et des jeunes

Odette Ndayishimiye est une femme de la colline Buhorwa. Elle se dit fière de s’être enrôlée pour participer aux élections de 2025. Elle considère que les élections sont une occasion en or offerte aux citoyens pour prendre leur destin en main. Selon elle, pour être mieux dirigé, il faut bien élire ses représentants. « C’est une bonne chose de participer dans le choix des organes dirigeants. Nous prions pour que les élections se déroulent bien ».

Même lecture du côté de Fidelia Ciza, une autre habitante de la colline Buhorwa. Elle indique que c’est une fierté d’exercer un droit civique. « Les élections nous permettent de bâtir un avenir meilleur pour nous. Elle trouve que refuser d’aller voter, c’est en quelque sorte se faire déposséder de sa nationalité ».

Des droits bafoués

Les femmes de Bukeye réclament que leurs droits soient protégés

Agnès Kamikazi, habitante de la colline Rweteto, cultivatrice et mère de cinq enfants, raconte le calvaire qu’elle endure. « Je ne sais même pas par où commencer. Les droits des femmes ne sont pas respectés sur notre colline. Quand il rentre ivre, mon époux me bat. Il bat même les enfants. Les futurs élus devraient faire respecter les droits des femmes. »

Elle ajoute que son mari l’a empêchée aussi d’appartenir dans une association d’épargne et de crédit. « L’idée de participer à une association avec les autres femmes a été rejetée par mon mari. Il m’a dit que je suis une femme au foyer m’exigeant qu’après le travail dans les champs je dois rester à la maison. »

Interrogée sur l’idée de se faire élire lors des prochaines élections, Kamikazi estime qu’une simple citoyenne comme elle ne peut pas diriger une colline. « Tant que ceux qui seront élus garantiront la sécurité et feront respecter les droits des femmes, je serai satisfaite. Je n’ai aucun intérêt à me faire élire. Je ne fais même pas de politique. »

Marie Ndayizeye abonde dans le même sens. Elle endure le même calvaire. Elle habite loin du chef-lieu de la commune. « Dernièrement, mon mari a amené une autre femme à la maison. En lui demandant ce qu’elle venait faire, il m’a tabassée en me disant que je n’ai pas le droit de maltraiter ses invitées. Comme il est proche du parti au pouvoir, personne n’a osé demander ce qui s’est passé. Je ne suis pas allée me plaindre à la commune faute de frais de déplacements qui sont exorbitants car la distance à parcourir était longue ».

Pour sa part, Laurence Nimbona regrette que les violences faites aux femmes restent un fléau dans plusieurs localités de la commune Bukeye. Elle interpelle les candidats et les partis politiques à œuvrer pour la mise en application rigoureuse des lois existantes contre les violences sexuelles et domestiques. Elle recommande aussi l’établissement des centres d’accueil et de soutien psychologique ainsi qu’une éducation communautaire pour déconstruire les normes patriarcales.

Concernant les violences basées sur le genre, Anastasie Nibaruta, représentante du Forum des femmes à Bukeye, semble minimiser les cas. Plutôt, elle se réjouit de leur diminution. Toutefois, recommande-t-elle, il faut rester vigilant et continuer à mener des sensibilisations en vue d’éradiquer les VBG. « Les cas des VBG ne sont plus nombreux mais, il ne faut pas croiser les bras. Il faut continuer la lutte ».

Elle informe que des sensibilisations sont menées sur les collines tout en précisant que les défis ne manquent pas. « Ce n’est pas facile de parcourir toute la commune sans moyens de déplacement. La pénurie du carburant aggrave la situation. Il y a des fois où on nous informe d’un cas de VBG sur telle ou telle autre colline mais, faute de moyens de déplacement, nous n’arrivons pas à joindre la victime pour l’orienter afin qu’elle soit établie dans ses droits ».

Elle appelle le ministère ayant la solidarité nationale dans ses attributions à prévoir un budget pour le déplacement afin de faciliter la tâche aux femmes membres du forum. « Nous sommes au travail mais, le déplacement est tellement difficile. »

Athanasie Nibaruta appelle enfin les jeunes filles à s’atteler aux activités scolaires pour éviter de tomber dans des pièges.
« J’invite les jeunes filles à ne pas se contenter de petits cadeaux qui leur sont souvent offerts par les garçons. Il faut qu’elles étudient avec un esprit de mettre en œuvre la Vision du Burundi pays émergent en 2040 et pays développé en 2060. »


Une volonté de contribuer au développement, mais…

Pour certaines femmes de la commune Bukeye, les principales préoccupations restent le chômage persistant et le manque d’opportunités économiques. Elles se disent être marginalisées sur le plan économique. Elles demandent aux futurs candidats de mettre en avant les projets visant le développement économique des femmes.
L’impraticabilité des routes reliant les collines

Les femmes rencontrées sur le terrain précisent qu’elles se sont enrôlées pour participer aux élections de juin 2025. « Je suis prête pour les élections. Je veux choisir le candidat qui a de bons projets. J’invite les futurs candidats à relever le niveau de vie des femmes. Que leurs projets soient orientés dans le développement économique des femmes !», plaide Marie Ndayizeye tout en précisant qu’elle n’appartient à un aucun parti politique.

Il s’agit d’un même plaidoyer du côté de Mme Niyonzima de la colline Rusha. « Nous avons besoin des projets qui aideront la femme à se développer. Nous avons besoin des sensibilisations autant pour nous que pour les hommes. Il y a des hommes qui ne valorisent pas leurs femmes en les empêchant de participer dans la vie politique. Il faut que ces veilles mentalités changent. Ce sont les futurs élus qui nous aideront à réaliser nos rêves »

Elle encourage les femmes à s’entraider et à créer de petits projets qui les aideront dans l’avenir. « L’union fait la force. Les femmes doivent apprendre à travailler ensemble dans de petits projets et dans des associations. J’encourage l’épouse lésée à porter plainte auprès des instances habilitées. Il faut que les hommes comprennent que les femmes jouent un rôle clé dans l’augmentation de l’économie familiale. »

Le chômage, un frein au développement

Odette Ndayishimiye est une quinquagénaire de la colline Buhorwa. Elle se dit fière de participer aux élections de 2025. Néanmoins, elle épingle le chômage des jeunes femmes qui se fait parler de lui dans la commune Bukeye. « Nous avons beaucoup de femmes et de jeunes chômeurs. Ils ont besoin d’emploi. Ces élections doivent apporter des solutions à cette problématique. Nos enfants sont découragés par le manque d’emploi de leurs aînés ».

Elle fait savoir qu’il existe un manque d’opportunités économiques pour les femmes. « Malgré leur volonté de contribuer au développement, beaucoup se sentent marginalisées sur le plan économique. Les candidats élus doivent mettre en place des programmes de formation professionnelle, de soutien à l’entrepreneuriat et de création d’emplois adaptés à nos compétences et aspirations ».

Elle considère que les projets prioritaires doivent concerner également l’éducation et la santé.
Cette quinquagénaire fait savoir que leurs enfants sont scolarisés mais que les salles de classes restent pléthoriques sans oublier l’insuffisance des enseignants. Elle recommande la réhabilitation et la construction des salles de classes.

Anastasie Nibaruta : « Les candidats et les partis politiques doivent lutter contre les violences sexuelles et domestiques faites aux femmes »

Par ailleurs, elle informe que le centre de santé Nyarucamo manque cruellement de personnel soignant alors que des jeunes et des femmes qui ont des diplômes en soins infirmiers sont au chômage. « Penser à engager ces lauréats nous permettrait d’accéder aux soins de santé de qualité et en temps réel ».

De son côté, Athanasie Nibaruta, représentante du Forum des femmes dans la commune Bukeye, indique que le développement des femmes s’avère indispensable.
« Il faut des sensibilisations en faveur des femmes pour les aider à se développer. Une femme doit comprendre son importance dans la famille ainsi que dans la société. Il faut qu’elle sache qu’elle est le pilier du développement. Les femmes de Bukeye ont encore peur de se faire élire et d’occuper des postes dans les organes de prise de décisions. Il faut qu’elles apprennent à avoir confiance en elles, à s’entraider et à se soutenir ».

Quand la cherté de la vie inquiète

Certaines femmes s’inquiètent de la flambée des prix des denrées alimentaires. Pour elles, les futurs élus devraient en tenir compte.
« Acheter 1 kg de pommes de terre à un prix de 2 300 BIF n’est pas du tout facile pour une simple cultivatrice. Avant, les pommes de terre étaient des aliments moins chers ici à Muramvya. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Le prix des denrées alimentaires monte d’une manière étonnante pour tous les produits en général ».

A titre illustratif, démontrent-elles, le prix d’un kg de riz est de 6 000 BIF tandis que celui d’un kg de haricot revient à 3 000 BIF.
« Comment est-ce qu’on va se procurer ces produits si chers avec cette pauvreté ? », s’interroge Vénantie Ninganza.

De son côté, Anita Kwizera invite les futurs élus à penser à une politique de stabiliser les prix des produits de première nécessité. Elle estime que celui qui y parviendra a plus de chance de gagner la confiance des électeurs. « C’est vrai. Nous faisons face aux différents conflits familiaux mais nous avons également un grand problème avec l’instabilité des prix des denrées alimentaires. » Et de déplorer : « Imaginez-vous, avec un billet de 10 000 BIF, on n’achète qu’un kg de riz et un kg de haricot. C’est grave. Le candidat qui promettra la stabilité des prix des denrées alimentaires sera le meilleur de tous les candidats. Il gagnera la sympathie des électeurs, y compris la mienne ».

Jeanine Kandeke, commerçante de fruits, témoigne de son chômage avec la pénurie des carburants. « Je crois que la flambée des prix sur le marché est due à la pénurie des carburants. Avant, je vendais des fruits et je parvenais à aider mon mari dans la satisfaction des besoins familiaux avec mon petit bénéfice. Du coup, tout a changé lorsque j’ai commandé les petites bananes et que le prix d’approvisionnement a doublé. Peu à peu, j’ai abandonné le commerce parce que je travaillais à perte. »

Des barrières culturelles à briser

Jacqueline Nsabimbona : « Les femmes aspirent au développement. Mais, elles n’y parviennent pas à cause de la discrimination. »

Jacqueline Nsabimbona, cheffe de la colline Rusha, déplore des obstacles culturels qui entravent non seulement le développement socio-économique de la femme mais aussi sa participation à la vie politique.
« Les femmes aspirent au développement. Mais, elles n’y parviennent pas à cause de la discrimination. En général, les femmes se présentent toujours lorsqu’il s’agit d’élections. Mais, comme les femmes n’ont pas confiance en elles et ne se soutiennent pas, elles ne progressent pas. Notre commune compte dix-huit collines. Depuis 2005, je suis la seule femme dans cette commune qui dirige une colline ».

La cheffe de la colline Rusha fait savoir qu’il y a des hommes qui ne donnent pas la chance à leurs femmes de se faire élire. « Sous-estimées, discriminées, torturées, méprisées…, certaines femmes font face à ce calvaire. » Elle fait observer que tout cela pousse la femme à ne pas avoir confiance en elle. « J’appelle les hommes à changer de mentalités. Il faut qu’ils laissent tomber les veilles coutumes. Il faut qu’ils aident leurs femmes à se développer. C’est pour le bien de leur famille, plus spécialement pour l’éducation de leurs enfants. »

Elle encourage les femmes à briser le tabou. « Qu’elles se fassent élire ! Ça me plairait d’avoir au moins cinq cheffes de colline après les élections de 2025. Cela renforcerait notre participation dans la vie politique. »

Un appel à plus de représentativité et surtout de calme

Laurence Nimbona, jeune femme de la colline Buhorwa, revient sur les bons attitudes et comportements qui doivent caractériser les élections. Les compétiteurs, et surtout les jeunes affiliés aux partis politiques, doivent se rappeler qu’après les élections, la société restera comme elle est. Des voisins devront toujours cohabiter. « Chacun doit éviter des actes de violence. Les candidats devront expliquer leurs projets de société en toute sérénité. Les jeunes doivent surtout s’opposer à toute manipulation et instrumentalisation ».

M. F est une jeune fille lauréate de l’Université de Ngozi. Elle considère que la participation politique et la représentativité des femmes restent faibles. « Malgré des avancées, la représentativité féminine dans les instances politiques reste faible. Nous voulons que les quotas contenus dans la loi soient respectés et appliqués, des candidatures féminines appuyées et encouragées ainsi que la lutte active contre les discriminations sexistes ».

Cette jeune fille fait savoir que la présence des femmes dans la gouvernance est essentielle pour prendre des décisions qui touchent directement leur quotidien. Elle appelle les politiques à répondre à ces préoccupations lors des prochains scrutins.

Elle estime que leur autonomisation économique est la clé pour lutter contre la pauvreté et renforcer leur rôle dans la société. Par-là, elle dénonce les inégalités persistantes dans l’accès aux ressources économiques, aux crédits et aux opportunités d’emploi. « Nombreuses sont celles qui dépendent de l’agriculture de subsistance, souvent sans accès à la terre ni à des formations techniques ».

Cette lauréate de l’université de Ngozi demande la mise en œuvre des programmes de microfinance inclusifs, des formations en entrepreneuriat féminin et des politiques de soutien à l’agriculture adaptée aux réalités locales.


Interview exclusive avec Désiré Nduwimana : « Nous encourageons les femmes à briser les barrières culturelles »

Participation des femmes et des jeunes dans la vie politique, faible représentativité des femmes dans les instances de prise de décisions, problème d’accès à l’eau potable et à l’électricité, … Désiré Nduwimana, secrétaire exécutif permanent de la commune Bukeye, s’exprime.


Où en êtes-vous avec les préparatifs aux prochaines élections ?

D’emblée, nous sommes satisfaits de l’enrôlement des citoyens aux élections. C’est un témoignage éloquent qu’ils ont compris le bien-fondé d’exercer leurs devoirs et droits civiques et politiques. Bref, les préparatifs vont bon train.

Particulièrement, comment appréciez-vous l’enrôlement des femmes et des jeunes pour ces élections ?

L’électorat féminin et celui des jeunes restent majoritaires dans notre commune. Si on analyse les listes, nous sommes satisfaits de la participation de ces deux catégories de citoyens
Ils sont majoritaires et pourtant ils se lamentent qu’ils ne sont pas bien représentés dans les instances de prise de décisions. Comment se présente la représentativité des femmes et des jeunes sur les listes ?

Au niveau des collines, il n’y a pas de listes bloquées. Chaque candidat se présente en son propre nom et librement. Nous encourageons les femmes à présenter leurs candidatures. Nous les invitons à ne pas se laisser embrigadées par la tradition comme quoi le place de la femme est au foyer.

Nous déplorons la situation actuelle parce sur dix-huit collines que compte la commune Bukeye, seule la colline Rusha est dirigée par une femme. Sur trois zones, il y a une seule femme qui dirige la zone Bukeye.

Qu’en est-il des autres services ?

Au niveau des services publics de la commune, la Direction de l’Education communale est pilotée par une femme et le tribunal de résidence est présidé par une femme. Bref, nous avons deux femmes sur six hommes qui sont à la tête des services dans la commune.

Nous espérons que lors des prochaines élections, les femmes vont émerger et compétir plus activement aux côtés des hommes et pourquoi pas rafler plus de places qu’auparavant.

Il paraît que certains hommes empêcheraient leurs femmes d’aller se faire élire. En êtes-vous au courant ?

De tels cas peuvent exister. Mais, je pense que les femmes prennent cela à la légère. A ma connaissance, je n’ai pas encore vu une femme qui est venue se plaindre disant qu’elle aurait été empêchée par son époux à se porter candidate à la tête d’une colline.

Mais, si nous analysons les conseillers collinaires, nous remarquons que parmi les cinq conseillers collinaires, il y a au moins une ou deux femmes. C’est la même situation au niveau des médiateurs collinaires où parmi les 15 notables, on peut y trouver 5 femmes ou même plus. Nous les encourageons à briser les barrières culturelles.

Les élections approchent. Quels sont les partis politiques les plus visibles sur le terrain dans cette commune ?

Bureau de la province de Muramvya

Nous y voyons les partis CNDD-FDD et Uprona. Peut-être que les autres vont émerger à la veille de la campagne électorale.

Deux partis politiques sont visibles sur le terrain. N’y aurait-il pas une intimidation quelconque qui serait dirigée contre ces autres formations politiques ?

Il y a des réunions trimestrielles qui sont organisées à l’endroit des partis politiques et des membres de la société civile. C’est une occasion qui est donnée à chacun d’exprimer ses préoccupations. Les partis politiques exercent librement et pacifiquement leurs activités.

Les jeunes et les femmes rencontrés ont exprimé des défis liés aux infrastructures de base. Partagez-vous les mêmes préoccupations ?

Les travaux de développement sont consignés dans le Plan communal de développement communautaire. Chaque fois, nous nous basons sur les priorités mises en avant par la commune. Pour ce qui est de l’adduction d’eau et de l’électricité, nous essayons petit à petit d’y répondre. Nous demandons à la population de patienter parce que le conseil communal est à l’œuvre en priorisant les localités les plus frappées par la pénurie d’eau et le manque d’électricité.

Et quid des difficultés d’accès aux fertilisants ?

Je crois qu’il y a un problème d’identification des bénéficiaires. Le ticket qui est donné ne porte pas le nom du bénéficiaire. Ce qui fait qu’il peut y avoir des tricheries. Des fois, l’une ou l’autre personne peut recevoir plus de sacs que prévus. D’où il y a ceux qui peuvent s’adonner à la vente des engrais.

Les jeunes rencontrés dénoncent des promesses non tenues par les leaders des partis politiques. Quel appel lancez-vous à ces derniers d’autant plus qu‘ils vont bientôt battre campagne ?

Nous leur demandons d’être honnêtes en mettant en avant des projets réalisables. Au cas contraire, ils pourront être démasqués et subir des sanctions de la part des électeurs qui ont ras-le-bol.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Stan Siyomana

    Mbega vyashitse gute kugira Komine Bukeye igire ibiro binini vy’ingubakwa igerekeranye gatatu kandi mbona ifise na antenne parabolique, mugihe Provensi ya Muramvya ifise ibiro bigeretse kabiri gusa?
    Amakomine yose ashoboye kuronka ibiro nk’ivyo vy’iBukeye, Uburundi bwoshobora kuvuga ko buriko buratera imbere muri infrastructure.

A nos chers lecteurs

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, mais une information rigoureuse, vérifiée et de qualité n'est pas gratuite. Nous avons besoin de votre soutien pour continuer à vous proposer un journalisme ouvert, pluraliste et indépendant.

Chaque contribution, grande ou petite, permet de nous assurer notre avenir à long terme.

Soutenez Iwacu à partir de seulement 1 euro ou 1 dollar, cela ne prend qu'une minute. Vous pouvez aussi devenir membre du Club des amis d'Iwacu, ce qui vous ouvre un accès illimité à toutes nos archives ainsi qu'à notre magazine dès sa parution au Burundi.