Vendredi 19 avril 2024

Environnement

Interview exclusive avec Tharcisse Ndayizeye :« Au Burundi, le forage généralisé serait une erreur énorme »

21/09/2021 7
Interview exclusive avec Tharcisse Ndayizeye :« Au Burundi, le forage généralisé serait une erreur énorme »

Dans certains coins du pays, on voit se développer l’usage des eaux souterraines par des forages. Une technique porteuse de plusieurs effets négatifs dans le cas du Burundi, assure Tharcisse Ndayizeye, environnementaliste.

Quelle est la situation des sources d’eau au Burundi ?

Le Burundi dispose de beaucoup de sources d’eau à savoir des lacs, des rivières, des zones humides, etc. Elles sont suffisantes. Notre pays dispose de 24 787 sources d’eau parmi lesquelles 17 821 en bon état, 1418 en cours de disparition, tandis que 2 508 ont tari.  71% de la population de l’intérieur du pays ont accès à l’eau potable. Dans la ville de Bujumbura, près de 90% peuvent accéder à l’eau potable.

Et quelles sont leurs principales menaces ?

Le forage. Cette technique exploite la nappe phréatique par pompage, ce qui diminue le niveau d’eau. Le forage se fait à partir d’1m jusqu’à 80m. Or, la nappe phréatique est considérée comme un stock stratégique en eau. Et avec le forage, les sources d’eau tarissent.

Dans le cas du Burundi, qui a suffisamment d’eau gravitaire (eau de surface), cette technique n’est pas appropriée. Les moyens financiers pour alimenter une colline en eau peuvent suffire pour fournir de l’eau à toute une commune en exploitant l’eau de source. En outre, elle n’est pas durable.

Quelles sont ses conséquences ?

L’exploitation intensive dans certaines régions, au-delà de la capacité de recharge en eau, conduit à l’épuisement progressif des ressources en eau. Il engendre le tarissement des cours d’eau, la salinisation (état du sol où le potentiel d’Hydrogène (PH) est élevé en teneur en sel) et les affaissements de terrain, la baisse du niveau des nappes phréatiques avec des conséquences à court et long termes pour les agriculteurs et les générations à venir.

Au Burundi, le forage généralisé est une erreur énorme qui mettrait en péril les efforts longtemps consentis dans le secteur de l’eau et les tarissements ne feront que s’amplifier.

Seulement le forage comme menace?

Non. Il y a aussi l’eucalyptus.

Comment ?

C’est une espèce absorbant beaucoup d’eau. Le tarissement de certaines sources d’eau dans différentes provinces a été un signal d’alarme.  349 sources d’eau ont tari dans la ville de Gitega et 633 autres tendent à tarir. 84 sources d’eau ont tari et plus de 200 sont en cours de tarissement dans la province Muyinga.

L’eucalyptus doit être éloigné des cours d’eau. Les autorités publiques l’ont bien compris. Il est désormais déraciné partout où il a été planté à moins de 15 m d’une source d’eau.

Que proposeriez-vous pour une gestion durable de la ressource eau ?

Il faut développer et entretenir une connaissance suffisante des ressources hydrogéologiques et de leur utilisation. Ensuite, il faut combiner la gestion des eaux de surface et des eaux souterraines de façon rationnelle, durable. L’autre solution est aussi de privilégier les instruments qui ciblent directement l’utilisation de l’eau de surface dont nous disposons en suffisance. Il faut mettre en avant les approches axées sur la demande et renforcer la mise en application effective des dispositions règlementaires. Par exemple, les droits d’utilisation d’eau avant de recourir à d’autres approches.

Propos recueillis par Rénovat Ndabashinze

Forum des lecteurs d'Iwacu

7 réactions
  1. Barinzigo

    Pas mal Bellum
    You are right

  2. Claver

    En tant que Hydrogéologue, je viens de lire attentivement cet entretien avec Monsieur Tharcisse. Je ne suis pas d’accord avec lui pour des raisons suivantes :
    1. Il y a beaucoup d’endroits où il n’y a aucune source d’eau de surface au Burundi
    2. Il faut différencier nappe phréatique et nappe aquifère, le schéma du cycle de l’eau est la base pour l’expliquer. La nappe phréatique alimente les sources d’eau de surface tandis que les forages exploitent les aquifères
    3. Souvent après analyses chimiques et bactériologiques, l’eau de forage est la plus protégée contre les sources de pollution
    4. Le forage ne peut pas être responsable de l’assèchement des vallées
    5. Le forage s’il est bien réalisé a une durée de vie de 50 ans
    6. Les débits des sources diminuent ou disparaissent pendant la saison sèche
    7. Les aquifères sont rechargés par l’infiltration directe ou par l’infiltration en dessous des lits des rivières.
    Donc mon ami Tharcisse ne peut pas me convaincre. J’ai besoin d’une discussion avec lui.
    Merci

    • Stan Siyomana

      @Claver
      1. Vous écrivez: » Il faut différencier nappe phréatique et nappe aquifère… »
      2. Mon commentaire
      Dans les années 1977-1985, j’avais un ami burundais qui travaillait comme géophysicien à Idara ya Maji/Water Department à Dodoma en Tanzanie.
      Une fois il nous a raconté comment il lui était difficile de décider de faire un forage parce qu’il n’avait pas de garantie de trouver de l’eau après que son équipe ait dépensé une bonne somme d’argent (et sur les études géophysiques et sur le forage lui-même).

  3. Bellum

    1. Je ne suis pas un expert comme ce bon monsieur mais j’ai une passion pour la protection de l’environnement. J’ai les larmes aux yeux quand je pense à la vallée de mon enfance si riche en biodiversité et si luxuriantes de champs de haricots et de maïs. Au crépuscule, tout s’animait d’un hymne à la vie. Les perdrix gloussaient. Les pigeons roucoulaient. Les grues couronnées perchées sur leurs hautes pattes glapissaient et dansaient aux incitations des enfants : Tambira Musambi, Irahize Musambi. Et les grues couronnées miraculeusement répondaient aux chants des enfants et se mettaient à danser . Inoubliable paradis de l’enfance. Les chèvres bêlaient. Les femmes rentraient des champs une calebasse d’eau sur la tête, la houe sur une épaule et un fagot de bois de cuisson sur l’autre (talk of multitasking – la paysanne burundaise est sans pareil), après avoir labouré seules, j’insiste seules, toute la journée, un bébé sur le dos, un autre dans le ventre. Et bien ! Vous qui m’oyez ! Cette vallée idyllique de mon enfance n’existe plus. Les gens comme il faut, ces beaux messieurs de la ville sont un jour venus et ont décidé d’exploiter la tourbe abondante qui fertilisait tout ce superbe écosystème. C’était sous le régime Bagaza où le tout était à la production sans aucune étude d’impact sur l’environnement. Après l’épuisement de la tourbe, la vallée s’est asséchée. Aujourd’hui c’est un terrain de football. J’ai mal à la belle vallée de mon enfance. L’environnement burundais c’est comme ces pauvres populations rurales que les gens comme il faut de la ville viennent cycliquement faire massacrer. Ils ne demandent qu’a vivre leurs misérables vies mais l’on ne souvient de leur existence que lorsqu’il s’agit de les faire massacrer.
    2. L’expert oublie que le déboisement contribue au tarissement des cours d’eau plus que l’eucalyptus. La Prix Nobel kenyane, hélas si tôt disparue et qui était une scientifique de haut vol, a prouvé que c’est le déboisement qui contribuait à l’assèchement des rivières et à la désertification avec comme corollaire l’appauvrissement des femmes sur lesquelles reposent l’agriculture, la quête d’eau et de bois de cuisson. Elle militait pour le reboisement des châteaux d’eau que sont les forêts et les montagnes, avec des essences indigènes. Moi je pense humblement que sans le boisement des hauteurs de Bujumbura et des pays riverains, le lac Tanganyika va disparaître comme le lac Tchad a disparu par envasement du fait de l’érosion et assèchement des rivières et fleuves tributaires. Sans boisement, l’eau ne s’infiltre pas pour perpétuer le cycle naturel de formation des cours d’eau à partir de l’évaporation suivie par la formation des pluies, l’infiltration et ainsi de suite.

  4. Stan Siyomana

    1. « Dans certains coins du pays, on voit se développer l’usage des eaux souterraines par des forages. Une technique porteuse de plusieurs effets négatifs dans le cas du Burundi, assure Tharcisse Ndayizeye, environnementaliste… »
    2. Mon commentaire
    Presque partout dans les sociétés où les gens n’ont pas accès à l’eau de robinet (exemple en Afrique de l’ouest), je vois souvent des images de puits d’eau dans les familles, SAUF AU BURUNDI.
    Moi je croyais que dans le cas du Burundi, nous aurions des problèmes environnementaux seulement si nous retirons beaucoup de quantité d’eau souterraine pour l’irrigation des champs par exemple.

  5. Stan Siyomana

    1. L’article dit: »71% de la population de l’intérieur du pays ont accès à l’eau potable. Dans la ville de Bujumbura, près de 90% peuvent accéder à l’eau potable… »
    2. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit l’accès à l’eau comme suit:
    « L’accès à l’eau est un indicateur représentant la part de la population disposant d’un accès raisonnable à une quantité adéquate d’eau potable. Toujours selon l’OMS, la quantité adéquate d’eau potable représente au minimum 20 litres d’eau par habitant et par jour. On entend généralement par « accès raisonnable », un approvisionnement en eau potable disponible à moins de quinze minutes de marche du lieu d’habitation… »
    https://www.actioncontrelafaim.org/a-la-une/tout-savoir-sur-lacces-a-leau-dans-le-monde/
    3. Mon commentaire
    Si l’on prend l’exemple d’une famille burundaise de 7 personnes dans le milieu rural, moi je ne crois pas que la femme burundaise aurait la force physique et le temps d’aller chercher (Dieu seul sait où!) les 140 litres d’eau dont la famille a besoin par jour.

  6. Rukara

    Qui écoute les “environmentalists” au Burundi?
    Ceux qui se font vacciner en cachette contre le Covid-19 mais qui n’osent pas l’accepter et pire qui prive la population de vaccin.
    On ne devrait pas jouer les apprentis sorciers avec des phénomènes complexes comme l’environment. Écoutons plutôt les experts

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