Vendredi 19 avril 2024

Économie

Encore un budget d’austérité!

03/07/2018 Commentaires fermés sur Encore un budget d’austérité!
Encore un budget d’austérité!
Des députés en plénière lors de l’analyse du projet du budget général de l’Etat.

L’Assemblée Nationale a adopté, lundi 25 juin, le budget général de l’Etat pour l’exercice 2018-2019. Certains députés mettent en doute le réalisme des prévisions. Le ministre des Finances se veut rassurant.

Bonne nouvelle pour celui ou celle qui voudrait importer une voiture! Le budget prévoit une exonération des droits et taxes à l’importation sur les véhicules « main droite » neufs de transport rémunéré des personnes ayant une capacité d’au moins trente personne assises.

Ce budget comporte aussi quatre changements majeurs par rapport au précédent. Au niveau des recettes, la ligne budgétaire « TVA intérieure » a connu une augmentation de 13 milliards de BIF passant de 113, 9 milliards de BIF pour l’exercice 2018 à 126, 9 milliards de BIF pour l’exercice 2018-2019.

Au niveau des dépenses, la ligne budgétaire « cartographie électorale » d’un montant de 8,2 milliards a été supprimée dans le budget général de l’Etat exercice 2018. Le montant de la ligne budgétaire « provision aux élections 2020 » a été revue à la hausse. Elle est passée de 12, 5 milliards de BIF en 2018 à 33, 2 milliards de BIF pour l’exercice 2018-2019. La ligne budgetaire « apurement des arriérés » d’un montant de 500 millions de BIF est aussi prévue.

Les dépenses du budget général de l’Etat pour l’exercice 2018-2019 s’élèvent à 1 400, 6 milliards de BIF contre 1 388, 1 milliards pour l’exercice 2018. Les ressources du budget général de l’Etat s’évaluent à 1 237, 1 milliards de BIF contre 1 224, 1 milliards de BIF. Le déficit budgétaire quant à lui est estimé à 356 milliards.

Des inquiétudes

Malgré l’adoption du budget, certains députés ont exprimé leurs inquiétudes quant au réalisme des prévisions du budget présentées par le ministre des Finances.

Denis Karera, député du parti Cndd-Fdd, estime que l’augmentation de la TVA intérieure de 13 milliards n’est pas réaliste : « Le ministère des Finances n’a pas précisé des stratégies ou nouveaux mécanismes de recouvrement envisagés pour atteindre cet objectif.»

Sur base des données de l’OBR, explique-t-il, les réalisations des recettes en rapport avec la TVA intérieure, au 31 mai 2018 s’élevaient à 46, 1 milliards de BIF sur les prévisions annuelles de 113, 9 milliards de BIF, soit un taux de réalisation de 40,4%. Si on fait une projection linéaire jusqu’à la fin de l’année, les recettes seraient de 110 646 403 930 de BIF. Ce qui est différent de 126, 9 milliards de BIF. « Parfois, l’augmentation des recettes affecte une partie de la population alors qu’il y a moyen d’élargir l’assiette fiscale.»

Adolphe Mbonimpa n’est pas d’accord avec le montant des recettes des minerais (7,5 milliards de BIF) inscrites sur la ligne budgétaire « Office burundais des mines ». Elles sont insuffisantes. Elles devraient être revues à la hausse.

Agathon Rwasa, vice-président de l’Assemblée nationale a indiqué que ce budget applique la politique du deux poids deux mesures. Il accorde des frais de relations publiques, publicité et d’intendance à certains ministères alors que toutes les institutions en ont besoin.

Daniel Gélase Ndabirabe, député du Cndd-Fdd fustige les exonérations accordées aux investisseurs chaque année. Selon lui, elles coutent à l’Etat des milliards de BIF. Mais jusqu’aujourd’hui, fait-il remarquer, elles n’ont pas encore produit un impact économique et social dans l’économie burundaise.

Malayika Pamphile, quant à lui, a souligné que ce budget ne respecte pas la loi des Finances surtout en son article 12. Ce dernier autorise le recours aux avances de la Banque centrale. Et de s’interroger pourquoi le ministère des Finances ne respecte la loi relative aux Finances.

M. Malayika dénonce aussi la perception de certaines taxes non prévues par la loi des Finances. Notamment la taxe de sûreté. Ce qui est contraire au principe de la légalité des recettes. Il précise que l’article 164 de la Constitution énumère les matières imposables, définit l’assiette fiscale, les taux des impôts et taxes.


Le ministre des Finances tranquillise

Domitien Ndihokubwayo : « L’Etat utilise les moyens dont il dispose.»

« Le présent budget général pour l’exercice 2018-2019 intervient en conformité avec la nouvelle Constitution de la république du Burundi en son article 182 », a fait savoir, Domitien Ndihokubwayo, ministre des Finances. Cette disposition stipule que l’année budgétaire débute au premier juillet et se clôture au 30 juin de l’année suivante.

M. Ndihokubwayo indique, par ailleurs, que l’augmentation de la TVA intérieure de 13 milliards de BIF est réaliste : « Bien que le taux de réalisations soit de 40, 4% fin mai 2018, l’analyse des données montre que les recettes du second semestre sont toujours plus élevées que celles du premier semestre.» La prévision de cette ligne budgetaire revêt un caractère saisonnier, ce qui veut dire qu’elle ne suit pas une prévision linéaire.

En outre, il précise que les exonérations produisent des effets sur l’économie à long terme. Il reconnaît, par ailleurs, que les rapports périodiques de la commission OBR-API chargée du suivi des exonérations accordées dans le cadre du code des investisseurs montrent que plusieurs promoteurs d’investissements ne respectent pas scrupuleusement leurs engagements.

Et de tranquilliser : « L’investissement préalable d’une caution bancaire de 30% permettra de tester la capacité financière du promoteur pour éviter d’accorder des exonérations aux investisseurs qui ne seront pas en mesure de mener les projets à terme ».

Le ministre des Finances dément que l’Etat perçoit des recettes non prévues par la loi. Mais il reconnaît que la question de taxes de sûreté a été une erreur.

« La politique d’austérité dépend des moyens financiers de l’Etat », indique M. Ndihokubwayo. Les anciens partenaires financiers du pays ont gelé leurs aides. Pour élaborer le budget, l’Etat utilise les moyens dont il dispose. Le gouvernement fait tout pour ne pas recourir aux avances de la Banque centrale. Mais des fois, il s’avère nécessaire d’y recourir.

M. Ndihokubwayo estime qu’il est encore trop tôt pour juger insuffisantes les recettes minières. « Certaines entreprises opérant dans ce secteur n’ont pas encore commencé l’exploitation proprement dite ».

« Prévisions irréalistes »

Le président de la Cour des comptes, Elysée Ndaye, a fait remarquer aux députés que ce projet de loi présente quelques imperfections. Notamment l’article 39 qui autorise la collecte des recettes non prévues par la loi des Finances. Jusqu’au 31 mai 2018, 4, 5 milliards BIF de taxe de sûreté ont été collectées alors qu’elles n’étaient pas prévues dans la loi des Finances 2018 et qu’elle n’est pas non plus prévue dans le projet de la loi des Finances 2018-2019.

M. Ndaye souligne aussi que l’augmentation des prévisions des recettes de 13 milliards dans le projet de loi des Finances 2018-2019 n’est pas justifiée. Il recommande au ministère des Finances de faire des prévisions réalistes et d’instaurer un système de suivi de la gestion des dons.

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