Mercredi 01 mai 2024

Santé

Des traumas non traités, risque de récidive

18/10/2014 5

Dans des sociétés ayant connu des guerres répétitives, les victimes et les auteurs des crimes sont traumatisés. Quand ces cas ne sont pas traités, ils conduisent à d’autres massacres. Le Burundi n’est pas à l’abri.

-Des cas de traumatismes liés à la guerre sont toujours manifestes au Burundi ©Iwacu
– Des cas de traumatismes liés à la guerre sont toujours manifestes au Burundi ©Iwacu

En cas de guerres, trois catégories se distinguent principalement : les commanditaires des crimes, les exécutants et les victimes. Toutes ces personnes sont d’une façon ou d’une autre traumatisées. Matthieu Ndayiragije, journaliste à la Radio Nationale du Burundi, assure que les victimes ne se sentent jamais en sécurité : « Ils considèrent leur entourage comme leur ennemi et s’attendent toujours à une attaque ». Dans ces conditions, explique-t-il, ils restent sur la défensive. Idem pour les autres catégories. Il suffit d’un petit incident pour replonger dans des actes de violence. Et dans la plupart des cas, chacun s’y implique avec beaucoup d’énergie.

Selon lui, ne pas avoir eu le courage de reconnaître ses torts pousse ceux qui ont commis des crimes au traumatisme. Des accusations mutuelles s’observent. Les présumés bourreaux se mettent à dénigrer les autres les accusant d’être les auteurs de différents crimes.

Une situation lourde de conséquences: « Cela peut pousser même les victimes à commettre des crimes. Car, elles sont victimes de plusieurs abus et violations des droits humains. Certaines ne pensent qu’à la vengeance parce que la justice n’a pas pu répondre à leur préoccupation. »

Insistant sur le passé Burundais, Matthieu Ndayiragije indique que les guerres ont semé des divisions sociopolitiques. La catégorie proche des leaders considère les autres groupes comme des commanditaires et des exécutants des crimes. Ces derniers sont victimes d’un dénigrement notoire qui constitue une des causes de la guerre. Jeanine Nahigombeye, journaliste, précise que tout conflit oppose deux ou plusieurs groupes. Les membres d’un groupe se considérant supérieurs par rapport à un autre n’hésitent pas à le diaboliser, ce qui crée des frustrations sociales, régionales, religieuses, etc.

M. Ndayiragije affirme que de tels scénarii se sont passés au Burundi. Il souligne que cette situation a créé un climat de suspicion dont ont profité certains leaders pour se positionner. « Ils ont montré à une catégorie de la population qu’elle est en danger. Ainsi, certaines personnes se vengent croyant qu’elles sont en train de se défendre. »

Jeanine Nahigombeye ajoute que le découragement conduit aussi au traumatisme : « Ceux qui ont perdu les leurs ou leurs biens matériels sont découragés, souffrent beaucoup et ne savent pas quel comportement adopter. » Quant aux bourreaux, elle affirme qu’eux-aussi sont d’une façon ou d’une autre traumatisés suite aux crimes qu’ils ont commis.

-Charles Nditije, président du parti Uprona non reconnu par le ministère de l’Intérieur ©Iwacu
– Charles Nditije, président du parti Uprona non reconnu par le ministère de l’Intérieur ©Iwacu

Charles Nditije, président du parti Uprona non reconnu par le ministère de l’Intérieur, indique que la principale cause de traumatisme est le massacre de masse. Au Burundi, beaucoup de gens ont été assassinés par leurs voisins avec qui ils entretenaient de bonnes relations. Des enfants ont été choqués de voir que ceux qu’ils considéraient comme des oncles ont tué leurs parents, leurs sœurs, etc. Dans ces conditions, ces enfants n’ont plus confiance : « Ils se mettent en tête que tous les parents sont devenus des tueurs ».

Quand les victimes s’isolent

David  Niyonzima ©Iwacu
David Niyonzima ©Iwacu

David Niyonzima, de l’ONG THARS (Trauma Healing and Réconciliation Services), indique que les rescapés vivent pour la plupart dans des camps de déplacés ou dans tout autre lieu de rassemblement. Leurs comportements diffèrent en fonction des souffrances vécues. Cela ressort des témoignages recueillis auprès des rescapés du génocide de 1994 au Rwanda. Les rescapés traumatisés se mettent en quarantaine. Ils se demandent pourquoi de tels malheurs se sont abattus sur eux. Des questionnements dont ils ne trouvent pas de réponse. Les victimes ajoutent qu’il est difficile de pardonner. Mais, témoignent-ils, s’ils osent demander pardon ouvertement, c’est possible. Certaines victimes reconnaissent que les bourreaux sont aussi traumatisés, ils ne se sentent jamais en paix, en sécurité.

Que faire ?

Matthieu Ndayiragije considère que les victimes, les bourreaux et les commanditaires ont besoin d’être suivis psychologiquement pour leur traumatisme, notamment les victimes. Pour lui, le fait d’accepter les crimes commis peut aider les bourreaux à guérir de leur traumatisme. Laurien Ntezimana, de l’Université Catholique de Kabwayi au Rwanda, confirme que le fait de réaliser l’aspect négatif des actions commises est aussi une des solutions. Les bourreaux doivent reconnaître leur responsabilité et penser à leur réintégration sociale. Dans ces conditions, ils peuvent changer positivement : « Quand ils ne sont pas punis, par chance, ils reprennent la voie normale tout en distinguant le bien du mal. » Ce qui est dangereux, martèle-t-il, c’est de ne pas reconnaître les crimes commis. Cela peut pousser à la récidive.

Sylvestre Ntibantunganya, ex-président de la République, quant à lui, assure que les politiciens doivent jouer un grand rôle. Pour lui, dire la vérité sur ce qui s’est passé au Burundi est une des solutions efficaces. Il trouve aussi qu’il est impérieux de se focaliser sur les causes de ces traumatismes afin de trouver des solutions.

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Vincent

    Dans ma commune vit un tutsi qui a tué 18 de ces voisins Hutu…Et il ne sera jamais puni malheureusement!

  2. MNF

    Dans des pays civilisés, le moindre incident inhabituel allerte l`opinion et les psychologues interviennent sans tarder.
    Mu Burundi dutunzwe n`Imana kuko amabi twabonye ni menshi.
    Je conseille aux Dirigeants actuels et à venir de renforcer ou mettre en place des structures de réhabitations psychologiques dans un cadre de coopération bilatrales ou multilatérales pour le bien être des générations futures.
    Merci, qu Dieu vous benisse!

    MNF

  3. KABADUGARITSE

    Nditije, ce hutu de Bururi qui ne se reconnait peut-être pas, se croit plus malin que les plus malins des burundais. Pourquoi il se limite uniquement au passé récent où les voisins se sont entretués et ne revient pas sur les faits flagrants où la chasse à l’homme s’est opéré dans sa région comme cela se fait pour le gibier! Des burundais qui tentaient de se cacher dans la brousse ou dans leurs plantations ont été recherchés et tués comme des bêtes sauvages avec l’encadrement de l’administration et les militants J.R.R. Et il n’en dit pas mot! Sans doute qu’il a peur de choquer son oncle maternel.

    • vera

      Nditije=umuhutu w’ububegito càd un hutu qui ne s’assume pas!

    • Butoyi

      Bonjour Monsieur.
      Vous allez finalement devenir mon grand ami..et je le voudrais.
      Eh fait, je suis très allergique au raisonnement fallacieux: »Ce hutu de Bururi ». Je reconnais votre capacité d’analyser les choses, mais souvent vous attaquez la personne que son idée..ad hominem. Ou vous faites la présomption, et finalement vous jugez la personne. Je n’ai pas trouver personnellement votre contribution. Je ne crois pas que sa listes des maux soit exhaustive, c’est pourquoi en ajoutant le passé lointain vous ajoutez un autre élément. Je crois qu’on peut avancer dans la vie si on parvient à s’écouter soi même, et prêter l’attention aux autres. J’aime l’objectivité, et je sais que vous êtes objectif de nature. S’il vous plait prenez le temps de relire votre commentaire car ici il y a des intellectuels comme vous, mieux que moi pauvre clochard.
      Fraternellement,
      Gicu

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