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Économie

Carburants : les prix n’en finissent plus de grimper

21/08/2018 Commentaires fermés sur Carburants : les prix n’en finissent plus de grimper
Carburants : les prix n’en finissent plus de grimper
Côme Manirakiza : « Le gouvernement fournit des efforts remarquables pour alléger le poids de la hausse des prix des carburants.»

Le ministère de l’Energie et des Mines a revu à la hausse, mercredi 8 août, le prix de l’essence et du gasoil. Raison officielle : augmentation des tarifs sur le marché international. Argument qui ne convainc pas Léonidas Ndayizeye, professeur à l’Université du Burundi.

Les prix du litre de l’essence et du gasoil à la pompe sont passés respectivement de 2 250 BIF à 2 400 BIF et de 2 250 BIF à 2350 BIF, mercredi 8 août. Cette hausse des prix des carburants intervient après celle du 19 janvier dernier.

Dans un communiqué annonçant les nouveaux tarifs, le ministre de l’Energie et des Mines, Côme Manirakiza, a expliqué la révision des prix de l’essence et du gasoil par la hausse des prix des produits pétroliers sur le marché international.

Il a indiqué que, depuis 19 janvier dernier, le prix de l’essence a augmenté de 33%, celui du gasoil 24%. Une hausse à laquelle le Burundi doit se conformer, a-t-il précisé.

Selon les tarifs de l’OPEP, à cette date, le baril de pétrole (159 litres) s’échangeait sur le marché international à 57 €. Le 8 août, un baril de pétrole s’obtenait à 59, 63 €, soit une hausse de 4%.
M. Manirakiza a souligné, par ailleurs, que le gouvernement fournit des efforts remarquables pour alléger le poids de la hausse des prix des carburants par diverses subventions. Le coût réel d’un litre d’essence devrait actuellement revenir à 2 603 BIF. Celui du gasoil serait de 2 530 BIF.

Du reste, il assure que les prix des produits pétroliers restent plus bas au Burundi comparativement à ceux appliqués dans les pays de la sous-région. Mais actuellement, un litre d’essence s’achète à 1,28 € au Burundi, 0, 82 € en Tanzanie, 0,9 € en Ouganda, 0,89 € au Kenya et 0, 99 € au Rwanda.

Dans la foulée, le prix du ticket de transport en commun a été augmenté de 5 % pour les bus à destination de l’intérieur du pays et faisant la navette dans les quartiers périphériques de la ville de Bujumbura. Pour ceux exerçant au centre-ville, il est passé de 380 BIF à 400 BIF.

Une hausse décriée

Noël Nkurunziza, porte-parole de l’Association burundaise des consommateurs (Abuco), déplore le comportement du ministère dans la révision des prix des carburants : « Une telle mesure devrait être le résultat d’une large concertation. Elle aura des conséquences sur le quotidien des Burundais. » Elle va notamment entraîner la hausse du prix des denrées alimentaires.

M. Nkurunziza estime que pour compenser l’augmentation des tarifs sur le marché international, les autorités devraient prélever un certain montant sur les taxes perçues par litre au lieu de recourir à la hausse des prix à la pompe. « Les Burundais vivent dans de mauvaises conditions financières ».

Gabriel Rufyiri, président de l’Olucome, soutient que cette hausse vise à augmenter les taxes de l’Etat : « Le gouvernement prélève à peu près 40% du prix d’un litre à la pompe, soit actuellement 600 BIF.»
Il accuse le gouvernement de monopoliser le commerce des carburants en faveur de certaines compagnies, notamment la société Interpetrol. « Cela favorise la révision des prix à tout moment ». De surcroît, il observe que l’Etat favorise le transport des carburants par voie terrestre. « La voie lacustre serait moins chère de 40% que la voie routière».

Le président de l’Olucome demande au gouvernement de mettre en place un stock stratégique carburant pour stabiliser les prix des produits pétroliers.

Plusieurs facteurs à l’origine

Dr. Léonidas Ndayizeye, enseignant chercheur à l’Université du Burundi, affirme que l’explication du ministre ne convainc pas. Il soutient que le cours du brut n’est pas la seule cause de la hausse du prix à la pompe au Burundi. A titre d’exemple, entre juillet 2014 et février 2016, lorsque le cours du baril a chuté de plus de 65 %, passant de 110 USD à 35 USD, le prix à la pompe n’a pas baissé à ce rythme.

De même, une simple variation à la hausse ne devrait pas fréquemment pousser le gouvernement à revoir à la hausse le prix à la pompe, connaissant ses effets négatifs sur l’économie du pays. « D’autres raisons existent, souvent non évoquées, du moins officiellement », précise ce chercheur. Notamment la dégradation du taux de change USD-BIF. Et les importateurs et les distributeurs en profitent parfois pour augmenter leurs marges bénéficiaires.

« L’économie souffre »

Dr Ndayizeye souligne, par ailleurs, que la hausse du prix des produits pétroliers affecte l’économie dans son ensemble. Elle touche essentiellement la population qui voit son pouvoir d’achat diminuer à la suite de l’augmentation des prix des biens de consommation.

Elle affecte aussi les entreprises. Le pétrole est utilisé dans la fabrication de nombreux produits. Elle peut également aboutir à la baisse de la marge bénéficiaire des entreprises, baissant ainsi l’offre, et partant la croissance économique. Dans l’un ou l’autre cas, assure cet économiste, la hausse du prix des produits pétroliers a des effets négatifs sur l’économie.

Comme moyen de financement de son déficit, estime ce chercheur, l’Etat ne devrait pas non plus recourir à la taxation de ce produit très stratégique. Ce dernier a des effets directs sur les autres prix pratiqués dans beaucoup de secteurs.

«Une caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures devrait être mise en place, avec en toile de fond le lissage des prix de ces produits sur une longue période ». Ainsi, cette caisse servirait notamment à soutenir le prix à la pompe, si celui du baril augmente et « se rembourserait» ou « se regonflerait » lorsque ce dernier baisse.

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