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Une justice transitionnelle à la burundaise ?

05/05/2013 Commentaires fermés sur Une justice transitionnelle à la burundaise ?

En matière de justice transitionnelle, chaque peuple doit faire appel à son potentiel pour gérer l’histoire douloureuse et parvenir à la réconciliation effective. A l’instar du Rwanda avec ses tribunaux {Agacaca}, le Burundi ne pourrait-il pas puiser dans sa culture pour réconcilier son peuple ?

<doc4797|right>La notion de justice transitionnelle a été exploitée pour restaurer le tissu social des sociétés qui sortent d’un conflit violent ou d’une situation de graves violations des droits de l’homme. Deux mécanismes, la commission vérité et le tribunal spécial, sont souvent privilégiés dans la plupart des pays où cette forme de justice restauratrice a été initiée. « Mais il est utile de se demander si toutes les sociétés doivent obligatoirement emprunter cette méthodologie. Chaque société ne devrait-elle pas découvrir sa propre voie pour panser les blessures qu’elle a connues », se demande Zénon Manirakiza, président de la Fondation Intahe. Pour lui, le recours aux mécanismes traditionnels des conflits pourrait être un créneau qui pourrait être exploité pour reconstruire le tissu social et prévenir la reprise de nouvelles violences.

En effet, des sociétés ont pu exister et fonctionner durant des siècles, elles ont réglé à leurs manières les conflits qui surgissaient entre elles. «  L’efficacité des procédures utilisées dans ce cas est due au fait que ces mécanismes étaient ancrés dans les valeurs prônées et acceptées par les membres de ces mêmes sociétés », indique le professeur Melchior Mukuri, historien. Pour lui, Il ne serait pas vain de mettre en avant des processus qui sont connus et reconnus par ceux qui sont concernés par le règlement des conflits. Ils seraient dans ce cas plus compréhensibles par ces mêmes personnes et pourraient susciter une participation de la communauté. Il est évident que l’emploi de tels mécanismes exige une confiance mutuelle assez forte et une préparation sereine et apaisée de la population.

Entre modernité et tradition

Par ailleurs, l’expérience de la mise en place des mécanismes de la justice transitionnelle a montré qu’ils exigent des ressources financières colossales. L’intervention des organisations internationales est incontournable, ce qui pose le problème de la dépendance économique et, pourquoi pas, politique. « Alors que le recours aux pratiques qui exploitent des méthodologies endogènes est moins cher et plus accessible. C’est aussi une autre façon d’appropriation de ce mécanisme », souligne le Pr Mukuri. Il rappelle que, dans leur politique de réconciliation nationale, des pays (Rwanda, Mozambique, Ouganda, Sierra Leone…) ont recouru aux mécanismes traditionnels de résolution des conflits.

« Il faut trouver un mécanisme hybride, un mariage entre le modèle occidental et la tradition burundaise de résolution des conflits », indique Aloys Batungwanayo, secrétaire général et porte-parole d’AMEPCI GIRA UBUNTU (Association pour la Mémoire et la Protection de l’Humanité contre les Crimes Internationaux). Il fait remarquer que le Burundi a ses propres valeurs et sa tradition de résolution pacifique des conflits. Dans son histoire, il a toujours connu des conflits internes, des crimes de sang, et avait ses propres mécanismes pour les résoudre. « La seule lacune est que tout conflit finissait par une réconciliation gagnant-gagnant, ce qui causerait un défi aux mécanismes modernes luttant contre l’impunité des crimes graves », souligne-t-il.

Associer les Bashingantahe à la CVR…

« Le Burundi ne pourrait-il pas analyser comment il peut associer les Bashingantahe dans la mise en place des mécanismes de la justice transitionnelle car on ne dira jamais assez, ces médiateurs ont contribué de différentes manières à la régulation sociale », propose le Pr Mukuri. Mais, insiste-t-il, il va sans dire que cette situation suppose que l’on cesse définitivement la politisation de cette institution, sinon on partirait sur un mauvais pied pour prévenir les résurgences des conflits et arriver à l’harmonie sociale.

Quant à Zénon Manirakiza, il conseille aux Burundais de savoir comment transformer les drames en opportunités en mettant à contribution la sagesse ancestrale du système « bashingantahe » et en marchant en dehors des sentiers battus », conseille-t-il. Car, souligne Aloys Batungwanayo, quoiqu’en dise ses détracteurs, l’institution d’Ubushingantahe est une valeur burundaise, et non tutsi, même si, à un certain moment, elle a été monopolisée par l’Uprona.

Les bashingantahe sont des témoins oculaires de ce qui s’est passé sur toutes les collines. En juin 2012, les effectifs montrent que les Bashingantahe sont au nombre de 132.589, soit 54% de femmes et 46% d’hommes, présents et actifs dans toutes les communes. En tant que personnalités assermentées, agissant en collégialité pour rendre la justice gracieuse, ils sont incontournables dans le travail de la Commission Vérité et Réconciliation.

Une justice aux moyens très limités

Il faut également prendre en considération que la justice burundaise est incapable de juger correctement les crimes commis au Burundi, à des périodes et par des auteurs différents, et pour plusieurs raisons. D’abord certaines preuves ont été supprimées par des auteurs dont certains sont toujours dans les institutions et restent forts. Ensuite, sans compter que les procès risquent d’être interminables, le Burundi n’a pas d’infrastructures pénitentiaires suffisantes ni les moyens d’incarcérer les coupables selon les conventions internationales.

Pour toutes ces raisons, il y a moyen de privilégier les valeurs traditionnelles burundaises pour s’occuper de ces crimes, en empruntant, cela va de soi, certains principes internationaux du droit positif.

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