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|opinion| Cyprien Ntaryamira (5 février 1994 – 6 avril 1994) : une étoile filante dans un firmament pollué

05/05/2013 Commentaires fermés sur |opinion| Cyprien Ntaryamira (5 février 1994 – 6 avril 1994) : une étoile filante dans un firmament pollué

<doc7650|left>Il y a dix-neuf ans, le 6 Avril 1994 notre chef d’Etat récemment élu par des mécanismes de négociation périssait dans un attentat d’avion au-dessus de Kigali. Cet assassinat visait directement le président du Rwanda Juvénal Habyarimana. Ce terrible événement devait donner suite à l’un des génocides les plus horribles de la fin du siècle dernier. Que peut-on retenir des deux mois à la tête de l’Etat burundais par Cyprien Ntaryamira ?

Un choix sans même d’anicroche au sein du parti 

Isolés à l’hôtel Club du Lac Tanganyika depuis le génocide politique du 21 Octobre 1993, les vestiges du leadership du parti Sahwanya-Frodebu se réunissent en conclave pour coopter un candidat à proposer au reste de la classe politique burundaise comme successeur intérimaire de feu Melchior Ndadaye. Au sein du Bureau Politique, des critères précis permettant de tirer à grand traits le portrait-robot du candidat sont établis.

Aucune personne ne correspond aussi bien au profil dressé comme Cyprien Ntaryamira. Il était un membre du parti de la première heure et était compagnon de Melchior Ndadaye depuis le Rwanda. On ne pouvait avoir meilleur profil de candidat d’autant que son ami Sylvestre Ntibantunganya s’était farouchement désisté pour raison de santé.

Une acceptation et une investiture de bon augure 

La proposition de la personne de Cyprien Ntaryamira fut acceptée par la classe politique de l’époque sans grande difficulté. Il était connu pour avoir un caractère ouvert. Tous les témoignages étaient élogieux ; on le disait intelligent et travailleur, mais ce qui rassurait le plus c’est aussi bien lui-même que ses parents étaient connus pour être des personnes sans complexe vivant en bonne entente depuis toujours avec toutes les ethnies.

Le discours d’investiture du président est gravé dans la mémoire collective comme un texte d’une grande simplicité, mais aussi empreint de fermeté quant à la remise au travail de toute la nation dans le respect de la rigueur et de la compétence sans compromis aucun. Il exigeait le retour à la discipline dans tous les secteurs de la nation. Pour un pays qui avait sombré dans l’anomie totale durant des mois, c’était un espoir incommensurable d’une paix et d’une prospérité retrouvée.

Une diplomatie souple, mais vigilante  

Comme Ndadaye, Ntaryamira veut soigner de toute urgence les relations avec les pays voisins et les pays membres de l’OUA de l’époque. Il sait, il sent que sans des rapports de confiance avec l’armée nationale rien ne peut se faire. Il s’investit à l’écouter et à la connaître. Il lui concède l’arrêt de l’envoi de forces militaires africaines (la fameuse MIPROBU transformée en MIOB !) ayant mission de la contrôler pour une mission d’observation n’ayant aucune force de dissuasion et encore moins de coercition. Il gère tant bien que mal l’Envoyé Spécial du Secrétaire Général. Très vite, Ahmed Ould Abdallah avait réalisé combien le dossier Burundi était une aubaine pour la relance de sa carrière personnelle déclinante. L’Union Européenne et les Etats-Unis, pourtant bien disposés à soutenir la démocratie flageolante, sont mystifiés par le diplomate onusien qui n’a rien compris à la situation, mais veut s’imposer tel un proconsul romain alors qu’il ne s’agit tout au plus de « la Mouche du Coche »…

Une fin tragique  

Le président Ntaryamira avait peut-être les défauts de ses qualités. C’était un bourreau du travail toujours pressé. A la fin du Sommet de Dar Es Salaam, il voulait poursuivre les discussions avec son homologue Rwandais. Il savait qu’il n’y aurait jamais de paix au Burundi sans solution pacifique Outre-Kanyaru. Au lieu d’attendre l’organisation d’une visite de travail à Kigali, le voilà pour son malheur à bord de l’avion de Habyarimana[[<i>Le président Rwandais se sachant en danger, ne pouvait que sauter sur l’occasion de voyager avec une personnalité qui, à ses yeux, pouvait dissuader ses éventuels assassins de l’abattre dans le ciel rwandais !]] !

A l’annonce de sa mort, l’armée nationale collabore résolument avec le président de l’Assemblée Nationale Sylvestre Ntibantunganya et le Burundi évite de justesse le cataclysme rwandais. Mais la Cour Constitutionnelle d’alors n’hésitera pas à remettre le pays en danger en déclarant l’investiture présidentielle de feu Cyprien Ntaryamira… anticonstitutionnelle !
Ce coup d’état institutionnel sera l’élément déclencheur des turpitudes politiques et sociales à venir…
Une fois de plus, le pays a perdu une personnalité qui était prête à servir la nation de toute son âme et de tout son esprit. Une réhabilitation en bonne et due forme de son statut serait rendre justice à l’histoire[[<ii>A l’heure actuelle, il serait difficile et même saugrenu de demander des comptes au gouvernement rwandais sur les circonstances de la disparition de notre président et de ses accompagnateurs si déjà le Burundi n’est pas fixé quant à son statut officiel…]].

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