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L’or maudit de Gatovu

09/09/2011 Commentaires fermés sur L’or maudit de Gatovu

Dans la zone Gatovu, la fièvre de l’or fait des ravages, emportant les mineurs et détruisant l’environnement. Les efforts du service de protection des forêts pour y remédier semblent insuffisants, à cause des faibles moyens de l’administration communale.

<doc1140|left>« Je ne peux arrêter de chercher l’or, même si c’est risqué. De toute façon, on doit bien mourir un jour ou un autre! » En disant cela, Célestin Ntahonsigaye pense aux deux mineurs morts, dernièrement sur cette colline de Kaziri, suite à un éboulement de la colline. Comme lui, leur rôle consistait à entrer dans la colline, en passant par des galeries souterraines, pour remonter de la terre censée contenir de l’or. Nombreuses, ces véritables tunnels causent parfois des fissures à la surface, par lesquelles la colline s’effondre, ensevelissant parfois les mineurs.

Située à une vingtaine de kilomètres après la sortie du chef lieu de la province Muyinga, la zone Gatovu abrite quelques carrières d’extraction de l’or. Sur la colline Kaziri, où se trouve l’une d’elle, la végétation semble être complice des mineurs. Des bananiers et des avocatiers cachent cette carrière, et on doit passer entre eux pour y arriver. Cependant, tout change dès qu’on découvre ces mines à l’allure apocalyptique : des gros trous béants d’une dizaine de mètres de profondeur et quelques cinq de diamètre causent le vertige dès qu’on les voit. Creusés à même le sol, des escaliers de fortune feraient peur au plus ardent des pompiers. Au fond du trou, un tas de babouches multicolores, attendant les mineurs qui vont entrer dans la terre, car on ne peut les mettre pour monter, la terre étant très glissante.

Survivre à tout prix

« Quand on est dans nos maisons, nous les entendons creuser dans les galeries souterraines, comme si la terre allait s’ouvrir sous nos pieds », raconte Clémentine Ndayambaje, une veuve dont le fils aîné est mineur. Elle connaît les dangers de ce métier, mais, sans terre, leur famille n’a pas d’autres moyens de survie. « Je fais ce travail sans aucune protection, je connais les risques que je prends, mais la vie même est un risque n’est-ce pas », philosophe Emile Kazungu, un nettoyeur de la terre remontée, pour y chercher de l’or. Selon lui, il peut avoir 10.000 Fbu les mauvais jours, 20.000 Fbu les bons jours : « Parfois on peut tomber sur une grosse pépite, c’est le rêve de tout mineur car on peut alors arrêter ce métier. » Une aubaine pour ces aventuriers de la terre, surtout qu’ils avouent ne payer aucune taxe à la commune.

« On n’est pas autorisé à percevoir de taxes en ce qui concerne l’exploitation des minerais », indique Selemani Amuri, administrateur de la commune Muyinga. Pour lui, même les communes qui le feraient seraient dans l’illégalité. M. Amuri souligne que seuls les ministères de l’environnement et celui de l’énergie et des mines perçoivent des taxes dans ce secteur : « l’argent ainsi perçu permet à la réhabilitation des sites exploités, par le reboisement ou en rebouchant les trous. »

Des associations comme solution

L’administrateur de la commune Muyinga reconnaît cependant que ces taxes sont insignifiantes, raison pour laquelle l’administration incite plutôt les mineurs à se regrouper en association pour une meilleure sensibilisation et un suivi efficace : « Parfois nous prenons des dispositions pour interdire les exploitations à côté des routes, car leur destruction coûterait très cher. »

Ces associations semblent être le seul recours protéger l’environnement menacé par ces carrières. Selon Marc Bakundintwari, responsable régional des forêts, la police de l’environnement est inexistante à Muyinga, ce qui rend difficile leur mission de protéger l’environnement contre les mineurs : « Nous leur recommandons de former des associations pour replanter et reboiser les anciennes carrières, devenant ainsi nos partenaires dans le cadre national de reboisement. » M. Bakundintwari souligne qu’il envoie également des correspondances régulières aux administrateurs communaux et aux chefs des postes de police pour qu’ils contraignent les mineurs à reboucher les immenses trous qui jonchent certaines collines.

Sinon, l’appuie Jean Claude Ntwari, inspecteur provincial des forêts, ce n’est pas facile d’empêcher les gens de creuser dans leurs propriétés, ou de les contraindre à reboiser les endroits dénudés.

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