Jeudi 18 avril 2024

Sécurité

Le spectre d’une rébellion plane sur la plaine et les montagnes…

04/09/2020 Commentaires fermés sur Le spectre d’une rébellion plane sur la plaine et les montagnes…
Le spectre d’une rébellion plane sur la plaine et les montagnes…
Près du pont sur la rivière Dama où ces hommes armés sont passés avant de rejoindre la réserve naturelle surplombant Rumonge.

Des hommes armés sont signalés depuis quelques jours dans différents coins du pays. Des officiels parlent de malfaiteurs, bandits armés, alors que la population des localités concernées redoute déjà la naissance d’une nouvelle rébellion. Des reporters d’Iwacu se sont rendus dans certaines de ces localités. Enquête.

Par Edouard Nkurunziza, Abbas Mbazumutima, Raymond Nzimana, Désiré Sindihebura et Félix Nzorubonanya

 

Peur sur le littoral du Tanganyika

Depuis deux semaines et plus exactement depuis dimanche 23 août, des hommes armés, en provenance de la RDC via le lac Tanganyika, se sont infiltrés dans les collines surplombant les petits ports de pêche. Dans ces localités, la population se dit inquiète. Il y a une peur diffuse. Trois questions pour comprendre.

1. Qui sont les infiltrés et d’où sont-ils venus ?

Tous les témoignages recueillis dans les petits ports de pêche disséminés tout au long des côtes du lac Tanganyika à partir de Gitaza en commune Muhuta, dans Rumonge, jusqu’à Kabonga, en commune Nyanza-Lac de la province Makamba, concordent : « Il y a eu plusieurs infiltrations en provenance de la RDC via le lac Tanganyika.»

Selon ces mêmes témoignages, les premiers infiltrés, venus probablement en éclaireurs, n’étaient pas armés et se sont fondus dans la population. Ils ont été rejoints par un deuxième groupe, cette fois-ci, d’hommes armés portant des imperméables militaires. « Il y en a même qui portaient deux armes à feu ».

2. Quelle a été la réaction des forces de sécurité ?

Quand l’armée a eu vent de ces infiltrations, raconte un autre pêcheur rencontré à Magara, des patrouilles de la marine sur le lac se sont multipliées.
Ce mardi 1er septembre par exemple, poursuit-il, toutes les pirogues qui voulaient accoster après toute une nuit de pêche ont été systématiquement fouillées, chaque pêcheur était sommé de montrer sa carte d’identité.

Et un autre pêcheur de révéler que la veille, des hommes armés ont accosté à Ruzibazi. C’est à la frontière entre les communes de Bugarama et Rumonge « Il y a d’autres qui sont passés le même jour par Ishanga de la zone Minago pour se diriger par la suite vers les montagnes ».

Depuis la suspension, ce mardi 1er septembre, des activités de pêche, une pause habituelle pour laisser les poissons se reproduire, confie ce pêcheur, il y a des patrouilles de la police et de l’armée, sur le lac et sur la terre ferme, dans tous les centres situés sur le littoral du lac Tanganyika. « A 20 heures, plus personne ne circule, nous restons terrés ou retranchés chez nous ».

D’après d’autres sources contactées, d’autres bandes armées sont passées dans la nuit de dimanche 30 août tout près du pont sur la rivière Dama à moins de 10 km de Rumonge : « Ces hommes sont allés vers Cunda dans Burambi, puis vers Buyengero».

Les mêmes sources parlent d’autres hommes armés qui ont regagné la réserve naturelle de Kigwena de la commune Rumonge, d’autres qui sont passés par Kabonga en commune Nyanza-Lac de la province Makamba au sud du Burundi. « C’est probablement pour rejoindre Rukambasi, un ancien fief des combattants Fdd ».

La plupart des témoignages recueillis sont unanimes : ces groupes d’hommes armés, par vingtaine, ont pris l’itinéraire emprunté jadis par les anciens rebelles des Fdd. « Et il y a beaucoup de navettes de pickups aux vitres et parebrises teintées dans les régions où ces bandes armées sont signalées ».

Ces hommes armés sont entrées dans Mugamba puis dans Mukike en provenance des collines de la commune Bugarama.

En tout cas, selon des sources concordantes, les tous premiers hommes armés, après les éclaireurs avaient commencé à s’infiltrer dans les collines surplombant le lac Tanganyika dans la nuit de dimanche 23 août. Ils sont passés par Mwambuko de la zone Gitaza dans la commune Muhuta vers Gahuni de la commune Bugarama. Un pêcheur rencontré dans cette localité témoigne : « Il n’y a pas beaucoup de gens qui les ont vus débarquer, c’était au petit matin, la plupart des pêcheurs, les ont entraperçus et ont vite réalisé qu’il ne s’agissait pas de pêcheurs ».

Selon lui, ces hommes ont vite pris leurs effets militaires, fait quelques pillages dans les ménages, réquisitionné quelques jeunes gens à Gahuni comme porteurs de leurs effets. « Ils ont regagné la réserve naturelle de Monge. Ceux qui vivent à la lisière de cette forêt ont eu peur et se sont regroupés sur la colline Kirundo dans la commune Bugarama. Les gens ont peur de passer la nuit chez eux et préfèrent se mettre ensemble à Kirundo ».

Mais avant de regagner la réserve naturelle de Monge, ils ont relâché les quelques jeunes qu’ils avaient réquisitionnés, une quinzaine selon les témoignages.

De retour, font savoir nos sources, ces jeunes hommes rencontreront des policiers dans la poursuite de ce groupe armé. «Ces policiers leur ont directement tirés dessus et en ont tué 11. Ils les ont sans pris pour ces infiltrés ». Des sources officielles soutiennent elles que ces onze personnes ont été tuées par ceux qui les avaient kidnappés pour ne pas signaler leur passage.

3. Où sont allés ces infiltrés ?

De Gahuni, ces inconnus se seraient scindés en deux. Un groupe a pris la direction de la commune Burambi (Rumonge). L’autre serait entré dans la commune Mugamba via la Murembwe pour passer quelques heures dans les collines Nyagasasa, Kivumu et Ruhinga.

L’équipe de Mugamba aurait continué dans la soirée vers la commune Mukike via RuhingaII, traversant la Mubarazazi. Selon les témoignages, ce sont eux qui arrivaient à Ndayi, la colline de Mukike frontalière de Mugamba, à la tombée de la nuit de vendredi 28 août.


Mukike : Horreur à Ndayi

Un groupe d’hommes armés a fait des morts, des blessés et des enlèvements à la colline Ndayi de la zone Bikanka en commune Mukike de la province Bujumbura, vendredi 28 août. Selon les témoignages, il s’agissait du groupe qui s’était infiltré depuis 5 jours dans la commune Muhuta depuis la RDC via le lac Tanganyika. Iwacu s’est rendu à Ndayi.

Vue partielle de la colline Ndayi où passaient le groupe d’hommes armés.

Le temps s’annonce mauvais sur Ndayi ce mercredi 2 septembre. Des nuages dans le ciel, du brouillard monte dans les vastes plantations interminables d’eucalyptus. Et puis, une vallée. Puis, des eucalyptus encore. De la brousse. Dans ces arbres, des vaches beuglent, des chèvres bêlent, de loin. Nous roulons. A petite vitesse. La route en terre battue est presque impraticable. Il a plu la veille.

Par endroits, du blé d’une verdure luxuriante. Une femme circule dans son champ comme pour vérifier s’il est temps de récolter. Nous observons, à l’horizon, des montagnes à perte de vue des communes Gisozi et Mugamba. De temps à autre, des agents de police aux bords de la route.

Quelques minutes encore, et le centre de santé Bikanka pointe son nez. En bas, trois femmes en sueur luttent contre le chiendent depuis le matin. Elles observent notre voiture, méfiantes. Enfin, le centre Ndayi apparaît, devant, à environ 300 mètres. Une vingtaine de maisonnettes, quelques kiosques et bistrots…

C’est de là que venaient Gérard Mpfaguheba, Athanase Niyongabo, Claver Gahungu, dit Thomas, un certain Bakina, Eddy Nsaberugira, Niyonizigiye et son frère Jonas quand ils ont rencontré une bande armée. « Ils ont été kidnappés, malmenés, violentés, certains tués », indique une source de cette colline. «J’ai failli devenir orphelin», affirme un fils de Niyongabo. « C’est vraiment par la grâce de Dieu que mon père existe encore », avoue, pour sa part, Jimmy Irambona, fils de M. Mpfaguheba.

Les habitants de Ndayi disent n’avoir pas identifié ces hommes armés. Sauf qu’ils auraient trait, selon eux, à un jeune homme qui avait semé des inquiétudes sur cette colline, la veille.

Ce dernier était arrivé au centre Ndayi, racontent des témoins oculaires, dans la mi-journée de ce jeudi 27 août. L’inconnu avait partagé de la bière et une brochette avec les habitants de la localité toute l’après-midi. Aucune suspicion. Au soir, il avait acheté beaucoup de cartes de recharge de téléphone, beaucoup de beignets, etc. Puis, il s’était rendu dans un ménage de la localité, chez un certain Claver Gahungu, afin de demander d’etre hébergé pour la nuit.

Sauf que Gahungu a refusé de l’accueillir. «Il a plutôt appelé, par téléphone, les administratifs locaux pour leur dire qu’il y a un inconnu qui demande hospitalité ». A l’appel, le jeune homme a pris la fuite. «Il a couru à toutes jambes. Il a sans doute eu peur d’être démasqué ».

Selon les habitants de Ndayi, l’inquiétude venait de s’installer. Mais les suspicions seront plus vite vérifiées. Car le lendemain, Claver Gahungu paiera cher d’avoir donné l’alerte. «Quand il a rencontré les hommes armés, l’un d’eux lui a dit d’appeler encore les administratifs comme il l’avait fait la veille, avant de le poignarder à maintes reprises ». Selon ces habitants, l’inconnu était venu pour préparer le terrain, identifier le passage qu’emprunterait la bande.

Claver Gahungu, Gérard Mpfaguheba, Athanase Niyongabo et Eddy Nsaberugira seront dépêchés vers l’hôpital d’Ijenda agonisants. «Ils avaient tous perdu connaissance », confie un jeune homme qui les a accompagnés à l’hôpital. Niyonizigiye restera introuvable tandis que son frère, Jonas, sera retrouvé mort, jeté dans les eucalyptus, tout près d’un marais.

«Ils n’avaient pas l’intention de tuer ou piller »

Athanase Niyongabo, une des victimes, parle de deux ou trois équipes d’hommes armés qui prenaient la direction de Rusaka.

Athanase Niyongabo, dans une grande veste, sort tout en titubant du guichet du caissier à l’Hôpital Ijenda. Il a la mine tendue, une facture des soins médicaux entre ses mains plutôt tremblantes. 122.650 BIF. Tout autour du cou qu’il tente de cacher avec sa veste, des pansements et des traces de sang. Des pansements aussi sur la tête et au niveau du bras droit. «J’ai reçu 6 coups de baïonnette. En fait, j’ai tenté de pousser des cris, pour appeler au secours, et ils m’en ont empêché en me poignardant. J’ai failli mourir ».

Un peu devant, sur le bloc mitoyen, Gérard Mpfaguheba semble perdu dans ses pensées devant la salle de chirurgie. Il se couvre également d’une veste. A première vue, rien n’indique qu’il va mal «Oui bien sûr. J’ai été aussi une victime de ces hommes qui ont poignardé Niyongabo » nous dit le pauvre homme.

Mpfaguheba n’a reçu aucun coup de poignard. «J’ai obéi à leurs ordres. Quand ils nous ont arrêtés, moi et un certain Claver Gahungu, ils nous ont intimé l’ordre de nous taire. Ils ont menacé de nous tuer si jamais nous transgressions leurs ordres ». Mais ils les ont ligotés. « Nous avons fait environ deux kilomètres ensemble avant que des cris généralisés en réponse à l’appel au secours de Niyongabo ne les contraignent à nous assommer ».

Claver Gahungu a été poignardé tandis que Mpfaguheba a reçu des coups de crosse d. Ils ont été jetés au bord de la route mal en point. Quand Iwacu s’est rendu à l’Hôpital Ijenda, Claver Gahungu avait déjà rendu l’âme des suites des blessures. Eddy Nsaberugira venait quant à lui d’être évacué à l’hôpital de MSF en mairie de Bujumbura.

Mpfaguheba et Niyongabo indiquent que ces hommes armés portaient des imperméables militaires. Selon eux, ils provenaient visiblement des collines Ruhinga I de la commune Gisozi en province Mwaro ou Ruhinga II de la commune Mugamba. Ils parlent de deux ou trois équipes d’environ une vingtaine de personnes chacune.

En tout cas, les deux hommes sont unanimes sur un point : «Ils n’avaient aucune intention de tuer ou piller. Ils voulaient tout simplement nous empêcher d’alerter, de signaler leur passage ». Ils estiment que c’est pour cette raison que leurs bourreaux les ont d’abord dépouillés de leurs téléphones portables. «S’ils voulaient piller, ils se seraient rendus dans les ménages ».

Les quelques dizaines d’inconnus prenaient la direction, selon ces deux victimes, de la commune Rusaka en province Mwaro…


Des arrestations en cascade…

Mukike, Rumonge, Mugamba, des arrestations se sont multipliées depuis la présence des groupes armés dans cette province. La plupart sont accusées de collaborer avec ces groupes. Leurs familles demandent des enquêtes impartiales.

Après le passage d’hommes armés, les arrestations se multiplient en commune Mugamba.

Au lendemain du passage du groupe d’hommes armés à Ndayi, l’administrateur communal de Mukike a organisé, samedi 29 août, une réunion de sécurité à l’intention de la population de cette colline.

Frédéric Manirakiza s’en est pris à la population. Il a déploré qu’un groupe d’hommes armés investissent les bistrots de la place, étanchent leur soif, paient une addition de 50 mille francs burundais pour les bouteilles de bière consommées et de 20 mille francs burundais pour les cacahuètes grignotées sans que personne ne songe à avertir l’administration.

La rencontre a vu la participation des femmes et des vieux pour la plupart. Fréderic Manirakiza s’est montré plutôt méfiant. Il leur a demandé ou se trouvaient les jeunes et les hommes valides.

Le lendemain, dimanche 30 août, quatre personnes ont été interpellés à Ndayi. Le chef de poste de la zone Bikanka indique qu’elles ont été arrêtées lors d’une opération conjointe des éléments de la police et des agents du service des renseignements, SNR. Selon lui, ils ont été conduits dans un cachot du SNR en mairie de Bujumbura pour des raisons d’enquête.

Ce dimanche, Aimé Parfait Gatore, fils de l’administrateur communal de Mugamba, a été également arrêté. Selon les témoignages, il venait de Rumonge où il avait rendu visite à son cousin quand il a été appréhendé. «Il disposait d’une pâte de manioc froide ‘’ububamo’’. Il a été accusé de faire partie de ceux qui ravitaillent les rebelles », indiquent des habitants de la colline Muramba, à Mugamba.

Ce même jour, Elvis Niyonkuru et ses deux frères (Albert Nigane et Victor Kandeke) ont été interpellés par des Imbonerakure, dont un certain Nkunzimana, et des agents du SNR. Ils ont été ensuite conduits au cachot de la commune Mugamba. Des sources disent que ces trois frères de la colline Burasira étaient dans une promenade à la colline Kivumu. «Ils ont été soupçonnés de collaborer avec ces rebelles. Car après Gahuni, ces derniers étaient entrés dans Kivumu avant de continuer à Mukike ».

Selon les informations recueillies sur place, jusqu’au lundi 31 août, plus de 15 personnes avaient été déjà arrêtés en commune Mugamba pour la plupart des jeunes des collines Kivumu et Nyagasasa. Ils seraient tous accusés de complicité avec les hommes armés qui ont été signalés dans ces localités.

Pour l’heure, la peur est totale sur Mugamba. Les habitants des zones Kivumu, Nyagasasa et Burasira se disent particulièrement inquiets pour leur sécurité. Selon eux, les arrestations en cours sont arbitraires et ont un cachet politico-ethnique : «Ils s’en prennent à nous parce qu’ils savent que les habitants de nos deux collines (Kivumu et Burasira) se sont particulièrement illustrés dans les manifestations de 2015. En outre, la plupart de ceux qui sont arrêtés sont des jeunes de l’ethnie tutsie ».

Quid de Rumonge ?

Selon le gouverneur de la province Rumonge, 11 personnes ont été tuées par ces «malfaiteurs venus de la RDC».

Douze personnes ont été arrêtées ce mercredi dans la localité de Magara en commune de Bugarama, selon des sources locales. Certaines ont été interrogées sur la mort d’un jeune homme dont le corps a été découvert près du port de pêche de Magara.

Ces personnes sont pour la plupart des veilleurs sur ce port de pêche. Elles sont accusées d’avoir vu l’infiltration des « malfaiteurs » en provenance de la République démocratique du Congo, il y a deux semaines.

Ce même jour, un certain Mukamarakiza Dieudonné de la localité de Gisagazuba a été arrêté pour « complicité avec un groupe de malfaiteurs » selon un responsable administratif local.

Un enseignant de l’école fondamentale de Muhuzu en zone de Minago, a été arrêté par le responsable du SNR en province de Rumonge pour le même motif.
Il y a une semaine, deux personnes en zone de Ruteme de la commune de Bugarama et trois personnes en zone de Rutongo de la commune de Muhuta avaient également été arrêtées pour le même motif.

Ce mardi 1er septembre, 3 personnes en provenance de la RDC ont été arrêtées sur la colline de Mutambara et conduites au cachot de la police à Rumonge. Ces personnes sont accusées d’être de mèche avec les groupes armés pour avoir débarqué dans un port clandestinement.

Les familles des personnes arrêtées demandent qu’il y ait des enquêtes impartiales afin que les innocents soient relâchés. Pour elles, dans ce genre de situation, des personnes peuvent être injustement arrêtées. « Des règlements de compte et autres raisons peuvent être à l’origine de ces arrestations ».

Et de demander aux organisations de défense des droits de l’homme de rendre visite à ces détenus pour s’assurer que leur arrestation a été régulière. Elles demandent en outre que le droit à la défense soit garanti.

«Une certaine complicité n’est pas à écarter»

Un administratif à la base qui a requis l’anonymat a indiqué qu’il faut laisser les services chargés de mener des enquêtes faire leur travail. « Un groupe de malfaiteurs ne peut pas quitter un pays voisin et s’infiltrer chez nous sans qu’il y ait des gens qui collaborent ou facilitent leur arrivée » explique-t-il. « Ces malfaiteurs doivent manger, boire et être hébergés par des personnes pour subsister ».

Cet administratif recommande que la loi soit respectée en matière d’arrestations, de détention et de conduite de procès. «Mais il faut que la population laisse la justice faire son travail ».

En début de la semaine dernière, le gouverneur de la province de Rumonge a indiqué qu’un groupe de malfaiteurs venu de la RDC a tué 11 personnes à qui ils avaient chargé les biens volés en commune de Bugarama.

Selon des responsables des organisations de la société civile, les autorités administratives et policières devraient tenir des réunions à l’intention de la population pour désintoxiquer l’opinion. « Il est essentiel en ce moment où les rumeurs continuent de circuler sur l’infiltration d’autres groupes armés ». Il faut améliorer et renforcer la communication chez les autorités administratives pour combattre toute rumeur, insistent-ils.

Joint au téléphone, le porte-parole adjoint de la police s’est refusé à tout commentaire. Selon Moïse Nkurunziza, seul Pierre Nkurikiye, porte-parole peut s’exprimer sur les arrestations en cours. Iwacu a contacté en vain M. Nkurikiye. Son téléphone sonnait mais il ne décrochait pas.


Quand la plaine se tait

Un des ports de pêche où ces hommes armés sont passés.

« Le pays est bien quadrillé, ces soi-disant bandes armées qui se sont infiltrées dans ces collines à partir de la RDC en passant par le Tanganyika à bord d’embarcations n’iront pas loin et ne feront pas long feu. Ces gens seront traqués jusqu’au dernier et mis hors d’état de nuire ».

Tout le monde aimerait bien croire à ces confidences sous forme de serment, voire d’engagement, faites par un témoin rencontré à Mwambuko en zone Gitaza de la commune Muhuta dans la province de Rumonge.

Et c’est par là que la première vague d’hommes armés serait passée, dans la nuit de dimanche 23 août, avant de se diriger vers la réserve naturelle de Monge.

Sûr de lui, ce témoin, un jeune homme, casquette de camouflage bien vissée sur la tête, arborant un t-shirt assorti, ne cache pas que c’est un Imbonerakure, un jeune militant du parti au pouvoir.

Il confie tout de même qu’il est inquiet, tout comme la plupart des pêcheurs interrogés depuis Gitaza jusqu’à Kabonga. Ils le disent : « Des hommes armés sont entrés, ils ont réussi à tromper la vigilance de la police et de la marine burundaise et passer entre les mailles du filet ».

Autre fait signalé par ces témoins, « la mixité ethnique des infiltrés ». Ce qui faciliterait, peut-être, leur infiltration et leur aisance à se fondre dans la population : « Il n’y a pas de ces histoires d’ethnie Hutu ou Tutsi, ils sont mélangés », ont rapporté plusieurs sources interrogées.

Selon ces témoins, ces hommes armés n’hésitent pas à brutaliser, voire blesser grièvement toute personne qui refuse de collaborer, ou qui se met au travers de leur chemin, ou qui tente de les dénoncer aux autorités.

Et comme toujours après le passage des bandes armées, c’est la population, des innocents qui paient un lourd tribut. Le schéma est bien connu, classique : ils sont pillés, obligés d’être des porteurs, violentés. La population est prise entre l deux feux, soupçonnée de collaborer avec les infiltrés par les forces de l’ordre. Les infiltrés eux n’hésitent pas à supprimer tout élément gênant.

Des arrestations opérées par la police et des agents du Service national de renseignements, sont signalées à Burambi. Elles frappent dans les rangs des militants du CNL, à Mugamba et Mukike dans des zones classées, il y a quelques années de ’’contestataires du troisième mandat’’.

Jusqu’à présent, rien sur les revendications de ce groupe, rien sur leur identité, encore moins sur leurs chefs, à part quelques tracts faisant état d’un mouvement dénommé ’’Burundi Democratic Liberation Forces’’ jetés, il y a deux mois, par des inconnus dans quelques petits ports de pêche comme Kabonga. Mais une question se pose : y a-t-il une relation entre ces tracts non assumés et ces bandes armées ? Pas de réponse jusqu’à présent.

Une chose est sûre, comme jadis, l’administration minimise, parle d’un petit groupe de bandits mis en déroute, voire de malfaiteurs en débandade et tranquillise.

Par les temps qui courent, nous avons déjà entendu des attaques virtuelles et beaucoup de revendications de création de mouvements armés, juste sur les réseaux sociaux.

Sauf que maintenant is dans plusieurs localités où ces bandes armées ont été signalées comme à Mukike, Mugamba, Rusaka, Kiganda, Bukeye, Musigati, sur le littoral du lac Tanganyika et dans les collines surplombant la plupart des petits ports de pêche, les attaques n’ont pas été virtuelles et la population vit la peur au ventre malgré les messages de paix et les appels au calme lancés par l’administration.

Ces populations de la plaine réputées accueillantes, exubérantes et disposées à parler sont devenues comme les gens des hautes terres du Mugamba, réservés et méfiants.

Ce qui n’est pas dans leurs habitudes. Quelque chose a changé dans l’Imbo. Avant de parler les « babo » que nous avons interrogés s’assuraient d’abord qu’ils sont à l’abri des yeux et des oreilles indiscrètes. Quand la plaine se tait, c’est vraiment qu’elle a peur…

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