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Enfants en difficulté à Gitega : l’IPRED s’attaque au phénomène

05/05/2013 Commentaires fermés sur Enfants en difficulté à Gitega : l’IPRED s’attaque au phénomène

Plus d’une centaine d’enfants sont encadrés par l’Initiative pastorale de réinsertion des enfants en difficulté (IPRED) à Gitega. Scolarisation, apprentissage de métiers et sensibilisation à la lutte contre le Sida sont quelques-unes des activités organisées par cette association basée à la Paroisse Bon Pasteur en faveur des enfants en difficulté. Car ils courent le risque de se retrouver dans la rue.

<doc2735|left>Cela fait déjà longtemps que C.K., 13 ans, a quitté sa famille pour aller vivre dans la rue. A l’âge d’un an, sa mère est décédée. Sa tante maternelle a alors pris soin de lui durant les premières années de sa vie. Toutefois, tout a changé quand elle s’est remariée. Le nouveau mari ne supportait pas la présence du garçon à la maison. C.K. se voyait par conséquent obligé de se réfugier dans la rue.

En 2009, il a entendu parler pour la première fois de l’IPRED. Faute de nourriture et de peur de perdre son argent aux plus grands dans la rue, il y est allé chercher un abri. Depuis septembre 2011, il est un des quelques enfants que l’association héberge pour qu’ils ne quittent pas l’école. En juin prochain, elle devrait lui trouver une famille d’accueil.

A.H., 16 ans, ne se voit pas non plus retourner en famille. A cause de la pauvreté, il a choisi la rue il y a cinq ans. Deux années après, il est arrivé à l’IPRED où il a eu à manger et à s’habiller, et où il est logé. Entretemps, il a aussi été baptisé et il a reçu la confirmation. A.H. appartient à un groupe de jeunes qui habitent à Mushasha, dans une petite maison louée par l’organisation. Comme ils sont déjà trop âgés pour rattraper les années perdues à l’école, l’IPRED a choisi de leur apprendre un métier, comme la boulangerie, la menuiserie, la maçonnerie et la couture.

Un travail de prévention, réinsertion et suivi

« Il existe plusieurs catégories de jeunes qui exigent une approche différente », affirme Mgr Jean Marie Harushimana, curé de la paroisse Bon Pasteur, Vicaire général de l’Archidiocèse catholique de Gitega et représentant légal de l’IPRED. « Nous utilisons le terme général ‘enfants en difficulté’ pour désigner les enfants qui sont déjà dans la rue et ceux qui risquent d’y tomber », explique-t-il.

Dans certains cas particuliers les enfants qui en ont besoin sont hébergés par l’IPRED, selon le témoignage des enfants. Toutefois, pour ne pas encourager une vie dans la rue, l’association rejette l’idée d’offrir un lit à tous les enfants inscrits. D’après la stratégie nationale récente (voir encadré), il est en effet préférable d’investir plutôt dans la prévention du phénomène et dans la réinsertion familiale, scolaire et socioprofessionnelle des enfants, en combinaison avec un travail de suivi. Pour que la réintégration soit durable, une intervention requiert l’implication et la responsabilisation de toutes les parties concernées : l’enfant, la famille et la communauté.

Pour réaliser ces principes dans la paroisse Bon Pasteur à Gitega, l’IPRED a mis sur pied tout un éventail d’activités sur les plans éducatif, spirituel, culturel, sportif et social. Il s’agit notamment de la scolarisation, l’apprentissage des métiers, l’éducation aux valeurs morales et humaines, l’éducation à l’hygiène, les leçons de catéchèse, la formation et la sensibilisation contre le Sida et la toxicodépendance, etc. En outre, les encadreurs de l’organisation visitent régulièrement l’école et la famille des enfants pour étudier leurs situations et pour les suivre de tout près.

Un avenir sombre

D’après Mgr Harushimana, l’encadrement par l’IPRED porte ses fruits : « Plus de quarante jeunes sont déjà réinsérés dans la vie familiale et sociale ». Malheureusement, regrette-t-il, quelques enfants sont déjà retournés dans la rue. Les raisons diffèrent selon les cas et nécessitent, par conséquent, des solutions sur mesure. Le problème montre l’importance d’une approche intégrale tenant compte de tous les facteurs qui pourraient inciter les enfants à quitter leur milieu familial. « S’ils sont réinsérés dans les mêmes conditions qu’auparavant, ils ne resteront probablement pas. »

Le prélat ne voit pas beaucoup de changement dans un proche avenir. Car même s’il existe au Burundi des initiatives comme l’IPRED, « le phénomène des enfants en situation de rue persistera tant que le gouvernement n’aura pas pris des mesures pour protéger les enfants et pour responsabiliser les parents ». Le représentant légal de l’IPRED plaide, par exemple, pour la mise en place d’une loi sur le planning familial, car « à l’heure actuelle, les gens ont beaucoup d’enfants sans avoir les moyens de les élever ». Mais cet appel est aussi lancé à toute la communauté, notamment aux personnes capables de contribuer physiquement et financièrement pour que les enfants burundais ne courent plus le risque de devoir vivre dans la rue.

<doc2737|right>Une stratégie nationale existe

La stratégie nationale de prévention et de lutte contre le phénomène des enfants en situation de rue(ESR) a été validée en octobre 2011. Son élaboration a été motivée par le constat que depuis l’éclatement de la crise sociopolitique, en octobre 1993, le nombre d’enfants vulnérables est allé croissant au Burundi. Au début de 2010, sous l’égide du ministère de la Solidarité nationale, une enquête quantitative a été réalisée, conjointement par l’ONG Terre des hommes et son partenaire national Giriyuja avec l’appui technique et financier de l’Unicef, dans les trois grandes villes du pays : Bujumbura Mairie, Gitega et Ngozi. Elle devrait permettre aux intervenants et aux bailleurs de fonds d’avoir une idée claire sur l’ampleur du phénomène des enfants en situation de rue (ESR) au Burundi.

Selon le document de cette stratégie, cette étude a montré les chiffres estimatifs des enfants en situation de rue : 2661 pour Bujumbura dont 2377 garçons contre 284 filles, 401 à Ngozi dont 396 garçons contre 5 filles et 191 à Gitega dont 175 garçons contre 16 filles. Après la validation de l’enquête quantitative sur le phénomène ESR, il a été recommandé de compléter les données par une étude qualitative en mettant un accent particulier sur les causes profondes et immédiates. C’est à la fin de l’année 2010 qu’elle a été réalisée par la Croix Rouge du Burundi en collaboration avec l’association Giriyuja et l’Unicef. Cette étude catégorise les ESR en trois profils-types : « rue nourricière », « rue refuge » et « rue identitaire ».

Lors de la validation officielle du rapport de l’enquête qualitative, au mois de janvier 2011, le ministère de la Solidarité nationale et ses partenaires ont décidé d’élaborer une stratégie nationale de prévention et de lutte contre le phénomène ESR en tenant compte des résultats des deux études réalisées. Elle offre aux acteurs concernés par la problématique une approche commune respectueuse des droits de l’enfant. Le but est de pouvoir combiner les efforts dans la prévention et la lutte contre ce phénomène ESR au Burundi.
__________________

{L’IPRED offre un abri

L’Initiative pastorale de réinsertion des enfants en difficulté, IPRED en sigle, est une association sans but lucratif, née le 29 avril 2007 à Gitega. Basée à la Paroisse Bon Pasteur, elle offre de l’encadrement aux enfants en difficulté et en situation de rue. Son objectif principal est de leur assurer les besoins élémentaires et de les réinsérer dans leur famille et dans la société. Aujourd’hui, l’IPRED compte environ 125 enfants inscrits pour lesquels elle organise des activités variées.}

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