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Diplomatie : l’Iran, un ami ou un cadeau empoisonné ?

05/05/2013 Commentaires fermés sur Diplomatie : l’Iran, un ami ou un cadeau empoisonné ?

Les nouvelles amitiés irano-burundaises semblent susciter des inquiétudes, surtout sur le risque de perdre certains partenaires bilatéraux traditionnels. Pourtant, le Burundi est non aligné et peut donc nouer des amitiés avec qui bon lui semble. Mais ce n’est pas si évident.

<doc7847|left>Pierre Nkurunziza, [le Président de la République du Burundi effectuait une visite d’État (la première dans l’histoire des deux pays) en République Islamique d’Iran->http://www.iwacu-burundi.org/spip.php?article5297], du 9 au 11 avril 2013. Une visite qui pose plusieurs questions quant aux intérêts en jeu.

Les intérêts burundais

Le Président Nkurunziza avait été clair lors de sa dernière émission radiodiffusée de rencontre avec la population : « Ce qui intéresse la diplomatie burundaise, ce sont nos intérêts (…), c’est cela la base de toute relation diplomatique. S’il y a des pays qui ont des différents avec l’Iran sur le nucléaire, ce sont des intérêts divergents sur cet aspect-là de leurs relations. Cela ne nous regarde aucunement car le Burundi ne fabrique pas des armes. Vous noterez qu’à Genève, l’Iran était là et nous a soutenus avec 2 millions $, alors que certains pays dits "amis" étaient absents. Par ailleurs, dans la sous-région, nous étions peut-être le seul pays à ne pas avoir de relations diplomatiques avec lui. »

Au terme de sa visite, le président burundais a déclaré à la radio iranienne à Téhéran, la capitale, que son gouvernement est contre la fabrication et l’utilisation des armes nucléaires, mais qu’il soutient la production de l’énergie nucléaire au service du développement des peuples : « Il est impératif d’envisager l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques (…) Le Burundi est contre tout programme nucléaire visant à faire la guerre … »

Non-alignement et terrorisme …

Ce rapprochement entre le Burundi et l’Iran a pourtant provoqué un tollé, aussi bien du côté des opposants au régime que des simples observateurs. Pour eux, il est dangereux de s’allier à un Etat qui nie la Shoah, prône la mort d’Israël et est rejeté par les Etats-Unis et l’Union Européenne. Ils trouvent que les relations diplomatiques et économiques entre l’Iran et le Burundi vont avoir des retombées sur celles avec certains Etats de l’Occident, sans oublier Israël.

Selon le président de l’ADC-Ikibiri, Léonce Ndengakumana, les relations diplomatiques entre le gouvernement du Burundi et celui de Téhéran est un piège qui pourrait conduire le pays vers un gouffre : « Ces relations peuvent nous amener des problèmes surtout que l’Iran est perçu comme un ennemi des pays qui assistent le Burundi, » déclare Ngendakumana, ajoutant qu’envoyer les soldats burundais en Somalie et en même temps nouer des amitiés avec l’Iran, revient à faire une chose et son contraire.
En effet, le Burundi a envoyé ses militaires pour combattre les islamistes en Somalie, et se dit prêt à faire de même au Mali. Mais il convient de nuancer ce point de vue. Si l’Iran finance le Hezbollah (Liban) et le Hamas (Palestine), il n’a pas été démontré que c’était le cas pour les Shebab somaliens, Al-Qaeda au Maghreb islamique ou encore l’Azawad.

Les prises de position burundaises

Bien que le Burundi soit officiellement membre des pays non-alignés, les positions que le gouvernement adopte depuis quelques années laissent dubitatif. Certes, un pays non-aligné tisse des liens avec tous ceux qui respectent son indépendance et sa souveraineté, mais doit le faire en évitant de s’aliéner les autres partenaires bilatéraux. La diplomatie burundaise  qui, d’habitude, adoptait une certaine neutralité, a commencé ouvertement à  afficher  ses intérêts en prenant parti dans certains conflits internationaux. Après avoir reconnu la Palestine, ennemi ancestral d’Israël, le Burundi a reçu le président soudanais, Omar el-Bashir, un autre ennemi de l’Etat juif. Pourtant, le Burundi qui aide la  Somalie à lutter contre le terrorisme  devrait se rappeler que le mouvement islamiste du Hamas, au pouvoir en Palestine, ne reconnait pas l’Etat juif et qu’il s’est fixé comme objectif de le détruire.
Cependant, jusque-là, les relations entre Tel-Aviv et Bujumbura sont encore au bon fixe. En février 2012, l’ambassadeur de l’Etat d’Israël, avec résidence à Addis-Abeba, Odeb Ben Haim, a salué la contribution du Burundi dans la mission de maintien de la paix en Somalie, soulignant que le Burundi devient de plus en plus « un partenaire incontournable » dans le concert des nations.

L’Iran et l’ONU

En quoi cette relation peut-elle profiter à Téhéran ? C’est à ce niveau qu’il faut élargir le spectre de vision. Depuis son accession à la présidence iranienne, Mahmoud Ahmadinejad s’est efforcé de bâtir des liens diplomatiques en Afrique et en Amérique latine, viviers des pays non-alignés. D’un côté, il est bien question de pétrole, d’uranium et de minerais. De l’autre, lors d’un vote à l’Assemblée des Nations unies, un vote est un vote, et chaque pays compte.

<quote>La visite présidentielle burundaise en Iran aura été marquée d’une incartade diplomatique qui n’est pas passée inaperçue sur internet. Sur une photo officielle, on peut en effet apercevoir que les étoiles du drapeau burundais ne comptaient pas 6 mais bien 5 branches ! Suffisant pour provoquer l’indignation des internautes et la colère de Pierre Nkurunziza. Tout cela s’est réglé en interne, le Burundi ne pouvant se permettre une sortie furibarde alors que Téhéran venait d’accorder une aide non-conditionnée de 2 millions de dollars.</quote>

L’Iran et l’Afrique

L’Iran ne néglige aucune relation pouvant lui procurer un jour une voix à l’ONU ou amener les autres pays du sud à devenir ses alliés. C’est ainsi que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a entamé, dimanche 14 avril, une mini-tournée africaine (la 2e depuis qu’il est à la tête de la République islamique) qui doit se conclure par un passage au Ghana. Le président iranien, qui achève son mandat en juin, et dont la dernière tournée en Afrique remonte à 2010, a commencé par le Bénin, avant de s’envoler pour le Niger, quatrième producteur mondial d’uranium.

En effet, indique le site de Jeune Afrique du 17/04/2013, l’Iran a besoin d’uranium pour développer son programme nucléaire controversé, alors qu’il est sous le coup d’une série de sanctions économiques des Occidentaux. Les puissances occidentales et Israël soupçonnent Téhéran, malgré ses démentis, de dissimuler un volet militaire sous couvert d’activités nucléaires civiles.

<quote>Bernard Hourcade, directeur de recherche (CNRS) et spécialiste de l’Iran.
Pour l’Iran, l’Afrique est une zone stratégique. La République islamique se conçoit comme une petite Chine, un acteur international aux ambitions majeures. Comme la Chine, elle souhaite profiter du retrait des grandes puissances occidentales sur le continent pour étendre son influence. Isolée diplomatiquement, elle y cherche aussi un soutien politique. Ces relations s’opèrent sous trois bannières : Celle des relations diplomatiques et économiques d’aide au développement ; une autre qui vise à étendre l’influence islamique par la distribution d’ouvrages ou des invitations en Iran pour effectuer des études ; et, enfin, une coopération, que l’on peut qualifier de révolutionnaire, avec le trafic d’armes. (Source : Interview de Vincent Duhem pour afrik.com le 21 janvier 2011)</quote>

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