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Colette Braeckman, sur les élections en RDC : « L’opposition n’a pas su s’unir »

05/06/2013 Commentaires fermés sur Colette Braeckman, sur les élections en RDC : « L’opposition n’a pas su s’unir »

L’UDPS* de Tchisekedi, l’Eglise catholique, ont estimé que les dernières élections étaient biaisées et pas crédibles. Notre invitée, la journaliste belge Colette Braeckman couvre la région depuis une vingtaine d’années. Éclairage. <doc3104|left>{Tchisekedi est en résidence surveillée depuis qu’il s’est autoproclamé président. Qu’est-ce qui risque de se passer ?} Je crois que ça va rester comme ça. Cela va pourrir sur place, c’est le Congo. Tchisekedi s’est autoproclamé président, mais c’est un acte solitaire et il n’y a que lui et ses partisans qui croient en lui. Son idée c’est de provoquer un peu pour être un martyr et c’est pour ça que le pouvoir l’a confiné dans sa maison. {Les députés UDPS vont-ils suivre leur leader ?} Il y a une contradiction parce que les parlementaires de l’UDPS constituent le groupe parlementaire le plus important après le groupe du PPRD* de Kabila. Ce sont 42 députés élus. Ils sont contents de toucher des indemnités en faisant le travail pour lequel ils ont été élus, notamment en défendant leurs électeurs. Or, Tchisekedi dit que les élections présidentielles et législatives ne sont pas valides. Donc ces 42 députés de l’UDPS ne pourraient pas siéger. Pourtant, ils constituent le groupe le plus important de l’assemblée nationale qui pourrait être associé au pouvoir. Ils sont donc dans la contradiction complète puisque si c’est élus ne siègent pas, cela renforce automatiquement le camp de la majorité, ce qui est évidement le contraire de ce que Tchisekedi souhaite. Et s’ils siègent, parce qu’ils ont été élus, cela signifie que les élections sont valides. {Vous avez dit que ces députés sont contents d’être élus, puisqu’ils pourront toucher les indemnités ?} Tchisekedi leur interdit de siéger mais ces députés sont élus avec 6.000 $ d’indemnités, avec l’espoir pour l’un d’entre eux d’être vice-président de l’assemblée. Ils vont être associés dans des commissions parlementaires, et beaucoup de responsabilités leur seront proposées. Personnellement, ça m’étonnerait qu’ils résistent longtemps à l’attrait du pouvoir. Sans oublier la confiance de ceux qui les ont élus pour qu’ils les représentent. A mon avis, c’est un choix difficile et je pense que ce serait une erreur s’ils refusent de siéger. {En RDC, certaines voix demandent que les élections soient refaites ?} On ne va pas recommencer les élections au Congo et Tchisekedi rêve s’il le pense. On ne va pas repayer des élections aussi chères, la communauté internationale ne le demande pas. Kabila a prêté serment. Même s’il n’y avait pas beaucoup de représentations quand il a prêté serment, personne n’a remis en cause l’ordre d’arrivée des candidats. {Que devrait faire l’opposition au stade actuel ?} L’opposition doit en tirer des leçons. Dire qu’elle a perdu parce qu’elle n’a pas su s’unir sur une candidature commune de l’opposition pour plus de chances de l’emporter. L’opposition doit se mobiliser pour empêcher qu’on change la constitution, pour obliger Kabila à ne pas dépasser deux mandats et s’organiser pour présenter un candidat crédible et populaire lors des prochaines élections. Je crois que c’est un combat d’arrière-garde. {Au Burundi certains partis ont boycotté les élections. Quelle analyse ?} La chaise vide et les abstentions donnent des arguments au parti au pouvoir. C’est obtenir le résultat contraire à ce qu’on veut en renforçant la majorité en marche. C’est, au minimum, une erreur de calcul. {Comment expliquez-vous la fermeté de l’Eglise catholique face aux résultats des élections présidentielles et législatives ?} Je crois qu’il y a effectivement eu des irrégularités, des fraudes. C’est sûr. D’après certains techniciens, il y a eu beaucoup d’irrégularités dues à des problèmes logistiques. Il y a eu la même chose en 2006, mais j’ai parfois tendance à me dire qu’en 2006 c’était l’abbé Malumalu qui dirigeait tout le processus électoral, et il avait le soutien de toute l’Eglise catholique et de tout le monde chrétien au Congo et dans le monde. {Qu’est-ce qui a changé cette fois ?} Le président Kabila a fait l’erreur de confier l’organisation des élections au pasteur Mulunda, son conseiller privé et, certains disent, son confident. Même si Mulunda est de bonne volonté, donner cette tâche à quelqu’un qui est aussi proche du président nourrit évidemment toutes les suspicions et toutes les craintes. Ensuite, Mulunda est protestant. Que l’Eglise catholique se soit vu retirer l’organisation des élections au profit des protestants joue aussi à mon avis, il ne faut pas rêver. {Est-ce que toute l’Eglise adopte la même attitude ?} Non, ce n’est pas toute l’église, pas toute la commission épiscopale, ce sont surtout les chrétiens de Kinshasa. Il y a un évêque de Beni, je crois, qui s’est désolidarisé, ainsi que certains abbés. A Kinshasa, des chrétiens sont très proches de l’UDPS qui a évidemment beaucoup de rancœur parce qu’il a le sentiment que son leader n’a pas été élu et qu’il y a eu fraude. Le papier que je fais c’est un peu « le Congo avance avec le regard dans le rétroviseur », comme si on était encore dans les années Mobutu avec la marche des chrétiens en 1992 : un pouvoir répressif d’un côté et des chrétiens martyrs de l’autre. {Cette situation préfigure déjà une mauvaise cohabitation entre l’Eglise catholique et le pouvoir de Kinshasa…} Les relations étaient déjà mauvaises, ce n’est pas nouveau. Il faut y voir aussi des raisons personnelles. Mgr Mosengwo était le responsable de la Conférence nationale dans les années 1991 et 1992, une conférence qui portait des espoirs de changement pour beaucoup. A la fin Mgr Mosengwo a raté parce que Mobutu a saboté la conférence. Mosengwo n’a jamais publié les deux rapports extrêmement importants : Il s’agit du rapport sur les biens mal acquis donc sur toute la corruption du régime Mobutu, et du rapport sur les crimes et les assassinats du régime. Mgr Mosengwo a gardé les deux rapports pour lui et par devers lui et ne les jamais publiés. Il a cédé, je pense, à la pression du pouvoir de l’époque. Cette conférence nationale s’est donc soldée par un échec. Mosengwo est un peu le perdant des années 90 et, depuis lors, il a toujours été opposé au pouvoir des Kabila. {Il semble aussi que Kabila s’est opposé à la nomination de Mosengwo comme cardinal…} Le pouvoir de Joseph Kabila a commis, à mon avis, une erreur. Mgr Mosengwo est un prince de l’Eglise. Quelqu’un de très important dans l’Eglise catholique et à Rome. Kabila a commis une erreur quand il a envoyé une délégation à Rome pour dissuader le Vatican de nommer Mosengwo cardinal primat de Kinshasa. C’était finalement une erreur parce qu’un Etat ne peut pas interférer dans les affaires de l’Eglise et celle-ci l’a pris très mal. Ils ont essayé de rattraper leur erreur après, quand Mosengwo a quand même été élu cardinal, ils ont envoyé une délégation pour le fêter. Mais le mal était déjà fait et il y a une profonde méfiance entre Mgr Mosengwo et le pouvoir de Kabila, pour de tas des raisons. {Quelle solution pour une paix dans l’Est du Congo ?} C’est vraiment difficile. Je me demande parfois s’il n’y a pas une sorte de « miracle » de ces FDLR que tout le monde traite depuis 17 ans. Toutes les semaines, vous et moi, lisons des communiqués, il y en a 100 ou 200 qui sont rentrés, quand vous allez au Rwanda dans leur camp d’accueil, près de Gihini, ils reviennent tout le temps et on en trouve encore au Congo. Il faut se demander s’ils ne repartent pas au Congo après quelques jours au Rwanda. Il faudrait verrouiller sérieusement la frontière avec des troupes internationales. Cela permettrait que les FDLR ne reviennent plus s’ils partent, ce qui sécuriserait le Rwanda parce que ça empêche toute crainte d’incursion. Mais cela rassurerait également les congolais parce que les FDLR ne pourraient pas revenir. {Le trafic des minerais congolais} Il est profitable pour tellement de gens, c’est un business qui rapporte et qui arrange beaucoup de monde, au Rwanda, au Congo, et dans les pays occidentaux. C’est donc malheureusement un problème qui dure malgré tous les rapports des experts, les déclarations de l’ONU. Le fait que le chaos dure à l’Est du Congo arrange beaucoup de monde pour qu’on y mette fin. {Et votre avis sur le rapport des experts de l’ONU sur les mouvementes armés en RDC ?} Il est évident qu’il y a encore des mouvements armés en RDC, d’origine locale ou étrangère, comme les FDLR* ou les FNL* aussi. J’espère que les experts ont des sources crédibles, d’habitude ils travaillent avec des ONG présentes sur terrain qui leur font des rapports. (…) Mais je mettrai quand même des points d’interrogation quant à leur totale fiabilité. {Des opposants burundais qui de mèche avec certains rebelles en RDC ?} Je l’ai lu comme vous mais, honnêtement, je n’en sais pas plus. Je n’avais jamais eu d’autres sources, privées ou professionnelles, qui le confirment. Mais je ne veux pas dire que c’est faux. _______________ { – UDPS : Union pour la Démocratie et le Progrès Social – PPRD : Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie – FDLR : Forces Démocratiques de Libération du Rwanda – FNL : Front National pour la Libération}

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