Octobre Rose est un mois dédié à la sensibilisation contre le cancer du sein. Au Burundi, cette lutte se heurte à plusieurs défis. Entre traitements coûteux, faibles revenus des patientes et absence de structures spécialisées, l’accès aux soins reste limité et entraîne des diagnostics tardifs.
A.N, hospitalisée à Tanganyika Hospital, est une femme atteinte du cancer du sein. Admise il y a quelques semaines, elle a d’intenses douleurs. Ses poumons sont également touchés. Elle respire à peine. Elle est actuellement sous traitement de chimiothérapie. Elle explique que les premiers signes de douleur remontent à plusieurs années.
« Depuis des années, je ressentais des douleurs au sein. Malgré plusieurs examens et traitements dans différents hôpitaux, mon état ne s’améliorait pas. Un médecin a finalement détecté une masse et m’a opérée. Après l’intervention, la boule retirée a été remise à des stagiaires pour analyse, mais je n’ai jamais eu de retour sur les résultats. »
Elle explique que les douleurs ont persisté et que des difficultés respiratoires sont apparues. Sur conseil d’une amie elle-même atteinte du cancer du sein et soignée à Tanganyika Hospital, elle est venue faire des examens. On a finalement trouvé la maladie. Après sa deuxième séance de chimiothérapie, elle affirme que son état s’améliore petit à petit.
J.N, la nièce de A.N, était venue rendre visite à sa tante hospitalisée. Informée d’une campagne de dépistage gratuit du cancer du sein à Tanganyika Hospital durant ce mois d’octobre, elle en a profité pour faire une consultation.
« Je ressens des douleurs dans le même sein gauche que ma tante. Ça m’a inquiétée car c’est un facteur de risque puisque la maladie peut être héréditaire. »
Elle raconte qu’après la consultation, les médecins lui ont recommandé de passer des examens. Mais, avec le coût élevé des examens, il lui est difficile de les passer.
« Les examens sont chers et je n’ai pas encore l’argent pour les payer. Si au moins il y avait une gratuité pour les examens, j’essaierais de me débrouiller pour le traitement. »
Des soins difficilement accessibles
Aline Mvugebanige est une mère de trois enfants qui habite à Gitega. Son père est mort d’un cancer de la gorge et sa mère d’un cancer de la joue. Elle découvre en 2017 qu’elle est atteinte d’un cancer du sein.
« C’était difficile à cette époque de se faire soigner au Burundi. Avec la faible capacité de traitement, le docteur qui m’a examinée a dû m’envoyer ailleurs pour me faire soigner. »
C’est en Ouganda qu’elle a pu subir une opération qui a conduit à l’ablation de son sein gauche. Elle raconte qu’après l’intervention, elle a dû suivre un traitement de chimiothérapie. Selon elle, ce n’était pas facile de suivre ce traitement à l’étranger, loin de sa famille, avec un enfant de 3 ans qu’elle avait laissé au Burundi.
« Les traitements liés à cette maladie sont trop chers. Si je n’avais pas d’amis qui me soutenaient, ça aurait été difficile pour moi de pouvoir me soigner. »
Aujourd’hui, bien qu’en rémission complète, elle poursuit un traitement de dix ans à base de médicament. Mais, l’accès à ces médicaments est un autre défi.
« L’accès aux médicaments au Burundi est difficile et très cher. Avant les médicaments étaient un peu disponibles, mais maintenant, pour les avoir, je dois les acheter au Rwanda ou en Ouganda à un prix très élevé. »
Le cancer du sein se soigne
Pour elle, le cancer du sein est une maladie grave qui avance souvent en silence. Elle ne présente de signes visibles qu’à un stade très avancé. Elle encourage les femmes à ne pas négliger l’autodiagnostic l’autopalpation avant d’aller consulter un médecin, car si la maladie est diagnostiquée tôt, elle peut guérir.
« Mon cancer était au stade 2. Heureusement, j’ai pu avoir un médecin qui m’a orientée pour traiter la maladie à temps. »
Elle demande à l’État de prendre en charge au moins une partie des coûts liés aux traitements comme le faisait autrefois le ministère de la Solidarité, pour soulager les malades. Elle souligne aussi l’importance de rendre les médicaments accessibles au Burundi. Cela éviterait aux patientes de se déplacer vers l’étranger.
Elle appelle à la création de centres spécialisés dans la prise en charge du cancer du sein, ainsi que la mise en place des programmes dédiés à la sensibilisation aux maladies chroniques tout en incluant le dépistage précoce du cancer du sein.
Des freins à un diagnostic précoce

Au Burundi, le cancer du sein est souvent détecté tardivement alors que la maladie est bien présente. Selon Dr Ernest Barekensabe, gynéco-obstétricien à Tanganyika Hospital, d’août 2021 à août 2025, l’hôpital a déjà traité 153 cas de cancer du sein dont 6 hommes.
Pour lui, le manque d’information constitue le premier obstacle. Il estime que la plupart des femmes burundaises ne sont pas suffisamment sensibilisées sur l’existence de cette maladie, surtout celles vivant dans des milieux éloignés des centres.
Il ajoute que le manque de moyens financiers constitue un autre frein majeur.
« Au regard des conditions de vie de la plupart des Burundais, qui présentent des moyens financiers limités, il leur est difficile de se faire traiter facilement le cancer du sein, surtout à temps. »
Concernant les coûts, il explique qu’un parcours de soins est très onéreux. « La consultation, les examens jusqu’au diagnostic confirmé coûtent environ un million de FBu. À cela s’ajoute une chirurgie estimée à deux millions, puis une chimiothérapie de 6 à 8 séances avec un coût d’au moins un million par séance, toutes les deux semaines. C’est une grande charge pour les patients aux revenus modestes. »
Le manque d’information ne touche pas uniquement les patients. Il souligne que certains médecins généralistes n’ont jamais eu de formation spécifique sur le cancer du sein pour pouvoir orienter correctement leurs patientes vers les structures adaptées.
Selon lui, l’autre défi concerne le manque de structures spécialisées. Seuls Tanganyika Hospital, le CMCK (Centre médico-chirurgical de Kinindo) et l’hôpital Roi-Khaled peuvent traiter le cancer au Burundi.
Il rappelle que le dépistage précoce est une clé essentielle pour augmenter les chances de survie. Il estime que certaines femmes hésitent à se faire examiner par crainte de découvrir une maladie dont elles n’auront pas les moyens pour la traiter.
« Il vaut toujours mieux savoir. Un diagnostic à temps permet non seulement de commencer le bon traitement, mais aussi de mobiliser la famille ou les proches pour trouver du soutien. Trop de patientes dépensent inutilement dans des soins inadaptés alors qu’un simple examen aurait pu faire toute la différence. »



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