À l’occasion de la Journée mondiale de la démocratie, célébrée chaque année le 15 septembre, l’organisation PARCEM a organisé ce mardi 17 septembre 2024, à l’hôtel City Hill, une conférence-débat sur le thème : « Le rôle des élections dans le renforcement de la démocratie et de la stabilité politique. Quelles suggestions pour les échéances électorales 2025-2027, 2030, 2034 et 2035 ? »
Cette rencontre a rassemblé des figures politiques de premier plan ainsi que des experts, qui ont échangé sur l’importance des élections pour garantir une transition pacifique du pouvoir.
Si le Burundi dispose d’une politique de développement à l’horizon 2040-2060 et d’un Plan National de Développement révisé (2023-2027), ces documents sont loin d’être des garanties suffisantes.
La gouvernance, la stabilité politique et le leadership restent des conditions indispensables à la réalisation des objectifs de ces projets ambitieux, comme l’a rappelé l’organisation Parole et Action pour le Réveil des Consciences et le Changement des Mentalités.
Au cours de cette conférence-débat, le politologue, Dr Guillaume Ndayikengurukiye, facilitateur du débat, a mis en lumière l’importance d’une infrastructure électorale robuste, un des piliers de la démocratie.
Selon lui, une telle infrastructure est essentielle pour garantir des élections transparentes et apaisées. « Le Burundi ayant opté pour l’élection comme mode d’alternance au pouvoir, ce processus est devenu un pilier du système politique du pays », a-t-il déclaré.
Pour que les élections soient véritablement représentatives, note-i-il, les partis politiques doivent jouer un rôle fondamental. Dr Ndayikengurukiye a souligné leur triple mission : « Définir des programmes clairs, fédérer leurs bases autour d’un projet politique cohérent, et adopter un fonctionnement interne transparent. » Il a également insisté sur la nécessité d’une démocratie interne au sein des partis pour permettre une sélection équitable des candidats.
La neutralité des institutions en question
L’un des points saillants de la discussion a été l’importance de la neutralité des institutions judiciaires et des forces de défense et de sécurité. « Le pouvoir judiciaire et les corps de défense et de sécurité doivent travailler comme des corps républicains », a insisté le politologue Guillaume Ndayikengurukiye.
D’après lui, l’indépendance de ces institutions est indispensable pour prévenir les manipulations électorales et garantir des élections libres et apaisées.
Le Pr Evariste Ngayimpenda remonté contre les listes bloqués
L’intervention du professeur Evariste Ngayimpenda, Recteur de l’Université du Lac Tanganyika et figure du parti UPRONA, a dressé un bilan sévère du système électoral actuel.
Pour lui, le manque de maturité électorale, tant au niveau des lois que des comportements, continue de freiner la démocratie au Burundi. Il a critiqué l’attitude des dirigeants politiques qui se comportent comme des « monarques », ce qui, selon lui, alimente les tensions électorales.
L’un des points les plus critiques soulevés par Pr Ngayimpenda concerne l’inégalité des moyens entre les candidats. « Certains bénéficient des ressources de l’État, comme le carburant et la sécurité, tandis que d’autres n’ont ni protection suffisante ni moyens financiers pour mener leur campagne », a-t-il déploré. Cela fausse la compétition et confère un avantage aux candidats du pouvoir en place.
Le professeur Ngayimpenda a également dénoncé l’utilisation des listes bloquées qui permettent à des candidats impopulaires d’être élus grâce au soutien de leur parti, ce qui empêche une véritable représentation des électeurs.
Cette critique est partagée par plusieurs autres intervenants, dont Tatien Sibomana, un autre membre influent du parti UPRONA et juriste qui a évoqué le manque de consultation des partis politiques dans la gestion électorale. Selon lui, « la crédibilité des élections est compromise par un manque de volonté politique, ainsi que par le manque de neutralité des forces de sécurité et de la Cour constitutionnelle ».
Dr Yves Sahinguvu, ancien premier vice-président et membre du parti du prince Louis Rwagasore, a, quant à lui, insisté sur l’importance du respect de la règle de la majorité tout en protégeant les droits des minorités pour garantir une démocratie inclusive. « Il faut respecter la règle de la majorité, mais il est tout aussi important de reconnaître les droits des minorités », a-t-il fait comprendre.
Pour lui, les élections ne peuvent être véritablement démocratiques que si elles sont inclusives et transparentes, et si toutes les voix, y compris celles des minorités, sont entendues.
La question de la légalité et des libertés individuelles
Pour l’honorable Agathon Rwasa, leader de l’opposition, le respect de la Constitution est indispensable à la stabilité politique. Il a critiqué la non-application de la Constitution après le décès de Pierre Nkurunziza, qui aurait dû être suivi d’une transition menée par le président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda.
Ce leader a également pointé du doigt les atteintes aux libertés individuelles, dénonçant le harcèlement des citoyens et la confusion persistante entre « parti et État ».
Pour l’Honorable Rwasa, « la non-utilisation des cartes biométriques » dans les prochaines élections et la confusion entre « parti et État » rendent toute élection crédible impossible. Il a ainsi appelé à un « respect scrupuleux de la loi », à la « liberté de choix du peuple » et à une « justice indépendante »
Vers une démocratie plus transparente
L’ex-secrétaire général du CNDD-FDD, Jérémie Ngendakumana, s’est inquiété du rythme effréné des élections prévues entre 2025 et 2035. Pour lui, « les bonnes élections demandent des moyens colossaux », et leur fréquence pourrait détourner l’attention des priorités de développement du pays. Il en appelle à un équilibre entre la tenue régulière des scrutins et la poursuite des objectifs ambitieux de la Vision 2040-2060.
Léonce Ngendakumana, membre du parti Sahwanya Frodebu et ancien président de l’assemblée nationale, a souligné l’importance de sensibiliser les citoyens à leurs droits constitutionnels.
Selon lui, « la transparence des élections et le respect des procédures sont essentiels pour atteindre les objectifs de développement. Sans cela, les aspirations à un Burundi émergent d’ici 2040 resteront hors de portée ».
Il a également déploré les cas d’emprisonnements arbitraires, de disparitions forcées et d’exils forcés. Il a rappelé que « le peuple est la source du pouvoir. Sans les citoyens, il n’y aurait ni députés, ni président, ni administrateurs ». Pour Léonce Ngendakumana, il y a nécessité d’une véritable participation citoyenne : « Ubuntu burihabwa », un slogan cher à l’ancien chef rebelle Agathon Rwasa.
Il est à noter que ni les membres de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) ni les représentants officiels du gouvernement n’ont participé à cette conférence, pourtant d’une importance capitale.
La conférence-débat a révélé les défis à relever pour des élections transparentes et équitables au Burundi : l’égalité des moyens, la neutralité des institutions et le respect des libertés, des conditions indispensables pour renforcer la démocratie.
À l’approche des prochaines échéances électorales, il est essentiel que toutes les parties prenantes s’engagent à améliorer ces aspects pour garantir un avenir politique stable et inclusif.
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