Vendredi 26 avril 2024

Politique

Buhiga : Militants du CNL, des citoyens de seconde zone ?

26/09/2019 Commentaires fermés sur Buhiga : Militants du CNL, des citoyens de seconde zone ?
Buhiga : Militants du CNL, des citoyens de seconde zone ?
En commune Buhiga de la province Karusi, certains documents administratifs ne seraient plus accordés aux Inyankamugayo.

Des documents administratifs ne seraient plus délivrés aux Inyankamugayo de la commune Buhiga en province Karusi. Objectif : les bloquer au processus électoral de 2020. Ils dénoncent un «excès de zèle» de certains administratifs.

« Un blocage coupable », expression choisie par des militants du CNL pour dénoncer leur manque d’accès aux documents administratifs. Ils sont désemparés.

Depuis juillet dernier, pour un CNL, solliciter une carte nationale d’identité (CNI) est un véritable parcours du combattant. Les demandes, d’habitude soumises individuellement, relèvent désormais de la latitude du seul administratif à la base. Le chef de colline ou de zone. «Si tu t’aventures tout seul, on te déboute : il n’y a plus de fiches ici».

Pour ces militants, il est normal de passer par les autorités. Le hic, il n’est pas toujours aisé de se confier à elles. La plupart des militants du parti au pouvoir, ne peuvent pas oser chercher une CNI pour le compte d’un Inyankamugayo. «Ils trouvent que cela serait faciliter la tâche à son adversaire».

En cette période, les administratifs savent que la recherche des cartes d’identité a pour premier but, la participation au scrutin prochain. Ainsi, une aubaine pour eux de nous bloquer, analyse un représentant local du CNL.

A Buhiga, une situation qui n’est pas nouvelle du tout. Lors des élections de 2010 et 2015, dit-il, on avait usé de la même stratégie. Sauf qu’aujourd’hui, situation plus grave qu’alors, on va très vite en besogne. «S’ils nous refusent les documents presqu’une année avant, quelle sera la situation pendant la campagne électorale? »

Pour ce représentant du parti de Rwasa, là où le bât blesse encore, c’est au niveau des élèves. Certains, alors qu’ils n’avaient ménagé aucun effort dans la recherche de leurs CNI, viennent d’être orientés dans des écoles à régime d’internat sans en décrocher. «Il sera particulièrement difficile pour eux de participer aux élections. D’autant plus qu’ils n’auront plus suffisamment de temps pour la réclamation de ce document requis».

Et de demander à la CENI de revoir les documents requis pour la participation électorale. «Il importe que les cartes d’étudiant soient aussi considérés.»

Empêcher l’accès aux crédits

Hormis les CNI, des Inyankamugayo disent n’avoir plus droit aux titres fonciers depuis août. Phocas Sindaruhuka, président du parti Cndd-Fdd en commune Buhiga, aurait interdit la délivrance des certificats fonciers aux représentants du CNL. Iwacu a rencontré quelques plaignants.

Selon leurs témoignages, lors des cérémonies de l’Imbonerakure day, le 17 août dernier, il a dissuadé les agents du service foncier de Buhiga : «Si ces militants du CNL accourent sans cesse pour demander les certificats fonciers, c’est pour avoir de quoi hypothéquer afin de décrocher des crédits. Des frais qu’ils utiliseront pour la propagande électorale.»

Et il savait ce qu’il disait. Etienne Ndayishimiye, Révérien Ruterakagayo et Elysé Ndihokubwayo, trois principaux représentants du CNL en commune Buhiga, avaient en effet introduit les demandes de ce certificat, depuis quelques jours. Le 6 août, le service foncier avait délimité leurs propriétés. Il ne restait que l’octroi du document. «Vous l’aurez éventuellement dans une décade », leur promettaient les agents du service.

Les paroles de Phocas Sindaruhuka, le samedi 17 août, ne sont pas tombées dans les oreilles d’un sourd. Dans la semaine qui a suivi les cérémonies, Etienne Ndayishimiye est allé réclamer son certificat. Au service foncier, un agent l’a clairement désillusionné : «Au parti, on nous a interdit de vous accorder ce document. Confie-toi, peut-être, à l’administrateur communal. Sinon, le certificat est disponible, bien confectionné.»

Déboussolé, ce président du CNL à Buhiga s’est tourné du côté d’Euphrasie Ntakarutimana, l’administrateur. Les tractations n’aboutiront à rien. Selon Ndayishimiye, cette autorité administrative a d’abord joué à l’ignorant : «Je n’étais pas au courant de cette situation. Je vais m’y mettre.»

Sauf que la suite n’a pas été rassurante. Sans réponse aux doléances, Etienne Ndayishimiye et Elysé Ndihokubwayo sont retournés chez l’administrateur. «Ses réponses ont été soit évasives, soit confuses». Selon eux, Mme Ntakarutimana a tantôt avancé la pénurie, tantôt le respect du délai prévu pour la remise de ces certificats. «Elle nous parlait de 31 jours, ce qui est faux. Et même si c’était vrai, ce délai est déjà dépassé.»

Ces militants du CNL demandent d’être rétablis dans leurs droits : «Nous nous sommes confiés, par trois fois au gouverneur, mais nos doléances sont restés sans réponse.» Ils appellent toute autorité compétente à voler à leurs secours. Et de rappeler qu’ils sont des Burundais comme tant d’autres. «Ce n’est qu’un excès de zèle de certains administratifs. Sinon, même si c’est pour solliciter des crédits, nous en avons pleinement le droit».

«Des mensonges»

Pour Euphrasie Ntakarutimana, ces informations sont des mensonges.

L’administrateur de la commune Buhiga qualifie ces propos de ‘‘mensonges’’. D’après elle, les cartes nationales d’identité restent toujours accordées aux demandeurs. «Ce problème des militants du CNL, moi je n’en suis pas au courant».

S’agissant des certificats fonciers, un des agents de ce service assure qu’ils sont toujours délivrés. «Nous le faisons depuis six ans.» Interrogé sur le deux poids deux mesures, selon l’appartenance politique, il rétorque : « Je n’ai pas la latitude de m’exprimer sur un sujet concernant les partis politiques.»

Pour sa part, Phocas Sindaruhuka, président du Cndd-Fdd en commune Buhiga, rejette en bloc les allégations lui reprochées : «Je n’ai jamais tenu le discours que vous évoquez. Comment le pourrais-je ? Les cérémonies étaient d’envergure provinciale.»

M. Sindaruhuka déplore que des gens politisent ce qui est de nature apolitique. «Ce n’est que chercher la petite bête. A ce que je sache, il y a pénurie de certificats fonciers dans notre commune. Personne n’en obtient, ces derniers jours, quel que soit son parti politique». Il leur demande de faire preuve de patience.

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