Jeudi 25 avril 2024

Culture

Au coin du feu avec Aloys Niyoyita

21/12/2019 Commentaires fermés sur Au coin du feu avec Aloys Niyoyita
Au coin du feu avec Aloys Niyoyita

Dans le Burundi traditionnel, le soir, au coin du feu, la famille réunie discutait librement.
Tout le monde avait droit à la parole et chacun laissait parler son cœur. C’était l’heure des grandes et des petites histoires. Des vérités subtiles ou crues. L’occasion pour les anciens
d’enseigner, l’air de rien, la sagesse ancestrale. Mais au coin du feu, les jeunes s’interrogeaient, contestaient, car tout le monde avait droit à la parole. Désormais, toutes les semaines, Iwacu renoue avec la tradition et transmettra, sans filtre, la parole longue ou lapidaire reçue au coin du feu. Cette semaine, au coin du feu, Aloys Niyoyita.

Votre qualité principale?

L’empathie. Quand je vois les enfants et les jeunes, je les compare toujours aux miens et j’ai envie de les voir réussir et avancer mieux que moi.

Votre défaut principal ?

J’aime être en compagnie des gens et surtout des femmes. Mais attention j’aime et respecte mon épouse. Je m’impose des limites.

La qualité que vous préférez chez les autres ?

Je pense que c’est également l’empathie. Je souffre toujours avec celui qui souffre et je me sens dans l’obligation de l’aider à s’en sortir.

Le défaut que vous ne supportez pas chez les autres ?

L’extrémisme ethnique et toute forme de ségrégation. C’est exécrable, des gens rongés par ce défaut n’ont rien compris de l’«Ubuntu », de l’humanisme de toutes ces valeurs qui font de nous des hommes.

La femme que vous admirez le plus ?

Ma femme, bien sûr. C’est ma conseillère, ma consolatrice, c’est la mère de mes enfants, c’est ma sœur, c’est ma mère, elle est tout pour moi.

L’homme que vous admirez le plus ?

Il y en a plusieurs, mais sans hésiter je dirais Nelson Mandela. Il avait des qualités qui sont de plus en plus rares de nos jours. Il reste et restera une source d’inspiration pour moi. Et pas mal de nos dirigeants devraient s’inspirer de sa lutte, de sa vision.

Votre plus beau souvenir ?

A Roben Island quand j’ai visité la prison de mon héros Nelson Mandela, m’étendant sur son petit lit de prison, cassant les pierres en  utilisant le même marteau qu’il a tenu pendant longtemps dans ses mains lors des travaux forcés imposés par le régime d’apartheid.

Votre plus triste souvenir ?

Une fois adolescent et à l’internat, j’avais été aperçu en compagnie d’une amie de classe. Tout de suite, la directrice de l’internat nous a convoqués dans son bureau et nous a renvoyés pour deux semaines nous exigeant de revenir avec nos parents.

Honteux, je n’ai pas pu oser rentrer à la maison et raconter cette histoire. Je suis resté chez un ami à Muyinga. Je lui ai  demandé d’intervenir comme le feraient mes parents.

Je l’ai payé pour ce service. Il a bien joué son rôle. Il l’a pris au sérieux. Il m’a même administré quelques coups devant la directrice d’internat. Il me tapait fort, je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Je pensais à l’argent que je lui avais donné. (Rire)

Quel serait votre plus grand malheur ?

Je vis déjà mon plus grand malheur, l’exil. Même professionnellement, je suis touché. Je pense que ceux qui ont suivi mes émissions radio au Studio Ijambo ou Radio Isanganiro ou lisent mes articles peuvent témoigner.

Je me suis toujours battu pour qu’il y ait plus d’amour et de respect entre Burundais. Je me suis toujours inscrit en faux contre toute forme de violence. Malheureusement, c’est un cycle infernal, c’est recurrent ce que des politiciens sans foi ni loi imposent aux Burundais, un peuple socialement doux et uni dans ses différences.

Hélas, aujourd’hui, je me sens malheureux quand j’entends de la bouche de certaines autorités des discours divisionnistes, transpirant la haine et incitant à la violence. Ces dirigeants sont pourtant censés travailler pour l’unité et le développement du peuple burundais.

Le plus haut fait de l’histoire burundaise ?

Je pense que c’est la signature de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi. Pour moi ce document historique marquait la fin des violences et le début d’une vie paisible au Burundi.

La plus terrible ?

Le vote du « oui » à la nouvelle Constitution le 17 mai 2018, si vraiment le « oui » a remporté, ce dont je doute très fort.

Le métier que vous auriez aimé faire ?

Je fais mon métier de rêve déjà, le journalisme. C’est un métier passionnant, plein de surprise, avec beaucoup de rencontres, du petit peuple aux grands de ce monde, ceux-là qui nous gouvernent, qui décident, qui font et défont.

Votre passe-temps préféré ?

Les boîtes de nuit. Attention je ne suis pas un soulard et ceux qui me connaissent le savent très bien. Seulement j’aime voir les gens se lâcher, heureux, trinquant et riant, même entre inconnus.

Il y a là la joie de vivre. J’aime quand les gens te piétinent et te demandent pardon. Et ces filles qui passent, qui défilent les unes après les autres dans des tenues élégantes les unes plus que les autres, rivalisant pour qu’on les regarde. Après je rentre heureux.

Le lendemain matin, je dois aller à l’Eglise pour suivre la deuxième messe dominicale. Les choses mondaines ne me font pas perdre ma spiritualité de chrétien catholique. Dans les boîtes de nuit, j’y rencontre des gens heureux qui célèbrent la vie et non des gens qui parlent sournoisement des autres.

Votre lieu préféré au Burundi ?

’’Home, sweat home’’. Là, sans hésiter, c’est ma ville natale de Muyinga. Elle m’a vu grandir, je l’ai vue s’épanouir, se développer avec beaucoup d’ambiance.

Le pays où vous aimeriez vivre ?

C’est le Burundi, ma patrie, ma terre natale, ’’my motherland’’ comme disent les Anglais. Je trouve le mot plus profond que son équivalent en français. Il y a beaucoup d’endroits paradisiaques, mais le Burundi reste mon eldorado malgré ses problèmes.

Le voyage que vous aimeriez faire ?

En Jamaïque avec l’objectif de m’incliner devant la tombe de Bob Marley, le roi ou peut-être le prophète du reggae. Sa musique me berce depuis mon enfance, ses textes sont profonds et me font toujours rêver.

Votre rêve de bonheur ?

Voir mes enfants grandir heureux entourés par l’affection parentale. Devenir grand-père et mourir avant tout le monde. Je n’aimerais pas assister aux funérailles de qui que ce soit de ma petite famille.
J’aimerais vivre vieux et mourir de ma mort naturelle, entourée par ma femme, mes enfants et petits-enfants.

Mais mon grand rêve, c’est de voir nos politiciens faire tout pour unir le peuple. Il faut que les gens deviennent des Burundais et non des Hutu ou des Tutsi, des Ganwa ou des Twa.

Votre plat préféré ?

Les gens seront surpris par mes goûts culinaires. J’adore le riz et le haricot. Je ne suis pas un fan des plats exotiques. J’aime ce plat simple. Si tout Burundais pouvait en avoir, je serais comblé.

Votre chanson préférée ?

C’est la chanson de Bob Marley, ’’One Love’’, un hymne à l’amour, à l’unité, à l’harmonie. C’est plein d’humanité et d’humilité.

Quelle radio écoutez-vous ?

J’en écoute plusieurs, mais ma préférée c’est RFI pour ses innovations et sa créativité. Elle m’inspire dans mon travail de formateur en production radio.

Avez-vous une devise ?

Elle n’est pas de moi, mais je la tire du rastafarisme: ’’amour et respect de l’autre’’. Si tout le monde pouvait s’en imprégner, il y aurait pas mal de changements positifs.

Votre souvenir du 1er juin 1993 ?

Des tensions entre étudiants au campus universitaire de Mutanga, il y a eu des déçus, des mauvais perdants d’un côté et un peu de triomphalisme pour les autres.

Votre définition de l’indépendance ?

Une certaine autonomie des Burundais responsables et intègres à gérer des affaires du pays pour le bien de tous les Burundais et les étrangers vivant dans notre pays.

Votre définition de la démocratie ?

Pour notre pays, il faudrait d’abord des élections libres et transparentes avec des résultats acceptés par toutes les parties prenantes, sans tricherie. Ensuite le parti ayant obtenu la majorité des voix dirigerait pour tous dans le strict respect d’un Etat de droit et des Accords d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi.

Votre définition de la justice ?

C’est faire faire respecter la loi par et pour tous, et ce, de manière équitable et indépendante. C’est tout faire pour lutter contre l’arbitraire.

Si vous devenez ministre de l’Information, quelles seraient vos premières mesures ?

Ma première proposition serait d’avoir un Conseil national de la communication réellement indépendant. Les médias et les associations des journalistes choisiraient eux-mêmes les membres de cet organe.
Ils mettraient en place un tribunal des pairs pour qualifier et sanctionner les délits de presse. Le gouvernement devrait se tenir éloigné du travail des journalistes.

Croyez-vous à la bonté humaine ?

Je crois fermement dans le principe que l’homme ou la femme naît naturellement bon, c’est le voisinage qui le transforme en loup ou en agneau.

Pensez-vous à la mort ?

Oui, mais bizarrement quand même ! Quand j’accompagne un cortège funèbre et j’assiste à un enterrement, j’ai toujours l’idée que c’est un accident qui lui est arrivé parce que la personne a été peut-être imprudente, donc que c’est de sa faute. Mais je pense que je me trompe, c’est un mystère.

Sinon quand je pense que je mourrai un jour, c’est avec l’idée que ce n’est qu’un changement de lieu de vie, que c’est une réincarnation pour aller renaître ailleurs. Et je me fais toujours l’idée de naître dans un pays riche et famille aisée.

Si vous comparaissez devant Dieu, que lui diriez-vous ?

Beuh, qu’il savait tout de moi. Qu’il m’a créé en connaissant mes défauts et qualités. Donc que s’il m’est arrivé de pécher, il savait déjà depuis le jour ou le spermatozoïde de mon père a fécondé l’ovule de ma mère que je pécherai le jour « J » et la seconde « S ».

Donc que ce n’était pas de ma faute, mais la sienne car il aurait pu me créer parfait comme Jésus. Je lui demanderai donc de me pardonner et de me laisser rejoindre les autres au paradis.

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Bio express

Je suis né en 1969 à Muyinga, marié et père de 5 enfants. Je suis détenteur d’une licence en langue et littérature anglaises. J'ai fait mes études à l'Université du Burundi au campus de Mutanga. Il faut dire que je suis un touche-à-tout. A l'université, je faisais un peu de photographie et j’ai été DJ les weekends au campus et animateur dans des mariages à l'intérieur du pays. Ceci me faisait gagner un peu d'argent en plus des 3.000 francs de bourse universitaire. Apres mes études j'ai été d'abord enseignant d'anglais au Lycée du Saint-Esprit. Mais les après-midi je devenais taximan ou je conduisais les camionnettes communément appelés ’’transville’’ assurant le transport des biens ou des marchandises dans la ville de Bujumbura. C’est en 1998 que j'ai rejoint le journalisme en apprenant sur le tas, aidé par une collègue, Agnès Nindorera. Plus tard, j'ai suivi des formations de renforcement dans la production radiophonique en Angleterre, en Hollande et en Afrique du Sud. Aujourd'hui, je suis formateur en production des émissions radiophoniques, sur le thème, "Radio participative pour la construction de la paix". Un travail que je fais dans beaucoup de pays subsahariens.

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