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Affaire Pirard/Bayaganakandi : un dossier qui n’en finit pas…

11/06/2013 Commentaires fermés sur Affaire Pirard/Bayaganakandi : un dossier qui n’en finit pas…

Huit ans de prison viennent d’être requis contre le Colonel Epitace Bayaganakandi pour stellionat, abus de confiance et tromperie, dans une affaire l’opposant à Luc Pirard. Un dossier que le parquet général de la République avait pourtant classé sans suite en 2009. Une affaire qui n’est pas prête d’être finie.

Epitace Bayaganakandi, dans ses bureaux ¢Iwacu
Epitace Bayaganakandi, dans ses bureaux ¢Iwacu

Le 28 mai, lors de la 3e audience du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Bujumbura, huit ans de prison ont été requis contre le Colonel EpitaceBayaganakandi par le Ministère Public. Autre élément : un dédommagement financier à hauteur de 2,155 milliards de Fbu pour compenser la perte de terrains vendus illégalement a été demandé.
Lors de cette audience, les avocats du Colonel Epitace Bayaganakandi n’ont pas pu s’exprimer. Comme l’a signalé maître Isidore Rufyikiri, avocat de Luc Pirard, lors d’un procès au pénal, les avocats peuvent accompagner leur client, mais pas le représenter. Or, et pour la troisième fois consécutive, M. Bayaganakandi ne s’est pas présenté.

Bataille juridique

Une version que conteste le conseil du colonel. Selon maître Léonidas Nyamwana, dans cette audience, il s’agissait de parler d’une question de droit et de forme qui n’exige pas la présence de leur client. Il explique ainsi qu’au moment des faits, son client, membre du gouvernement, jouissait du privilège de juridiction, et son dossier a été instruit par un magistrat du parquet général près la Cour Suprême, pour être classé sans suite en 2009. Me Nyamwana ne comprend donc pas comment ce dossier s’est retrouvé au niveau du Tribunal de Grande Instance en mairie de Bujumbura 10 ans après, sans qu’il y ait de nouveaux éléments. Pour lui, le plaignant a été débouté de ses prétentions en 2009 par la Cour Suprême.
Pourtant, d’après Me Rufyikiri, puisque M.Bayaganakandi n’est plus membre du gouvernement et que les faits qui lui sont reprochés n’ont aucun lien avec ses anciennes fonctions politiques, il doit comparaître devant le TGI. Par ailleurs, le classement sans suite du dossier était basé sur l’absence d’évidence de la mauvaise foi du colonel. Or, précise encore Me Rufyikiri, il n’est en aucun cas question de mauvaise foi parmi les chefs d’accusation.

Des faits remontant à la fin des années ‘90

L’ensemble de ce dossier concerne en fait une société, Immotcos.a.r.l. Début 1994, les deux hommes deviennent associés, à parts égales dans une société, Immotco, qui avait pour objet social principal les opérations immobilières. Notamment la poursuite d’achats de terres dans la zone Musaga, la production et la vente de terrains viabilisés. L’association Pirard-Bayaganakandi se met donc au travail.
En 1996, Epitace Bayaganakandi aurait revendu des parcelles à son profit personnel sans en avertir son associé. Trois ans plus tard, le Colonel aurait également procédé à la liquidation de la société, après « s’être rétrocédé » les parts de Luc Pirard, alors que celui se trouvait au Kenya.
Cependant, dans la note de classement du dossier en 2009, il est indiqué que, outre que les terrains en question appartiennent à l’Etat, l’apport de M. Pirard dans l’achat des terrains par la société était minime, et M. Bayaganakandi devait effectuer des dépenses supplémentaires. Et, face au départ de M. Pirard, qui s’occupait de la gestion de la société, et craignant que les charges ne continuent à s’accumuler, M. Bayaganakandi entreprit de dissoudre la société, qui ne fonctionnait plus et était presque en faillite.

Ce n’est qu’en 2000 que le Belge est revenu au Burundi et a pu constater l’abus de confiance et de biens sociaux. C’était le début d’un combat qui n’est toujours pas terminé aujourd’hui.

Le 5 avril 2002, Me Ntakiyica, un des avocats de Luc Pirard, porta plainte contre le colonel Bayaganakandi, auprès du Procureur Général de la République, aux motifs de stellionat, abus de confiance et abus de biens sociaux. Le procureur général interdit alors toute nouvelle transaction sur les terrains appartenant à l’ex-Immotco, avant la fin de l’instruction du dossier, mais en vain, puisque un des terrains sera vendu.

Entre 2002 et 2007, le dossier n’avance guère et l’interdiction de vente des terrains concernés reste d’application. Pourtant, de 2007 à 2011, les deux parcelles de Gasekebuye ont été progressivement morcelées et vendues, en toute illégalité, par des personnes se prétendant propriétaires.
Les 25 mars et 16 avril 2008, M. Luc Pirard écrivit même au président de la République du Burundi pour implorer son intervention afin que justice lui soit rendue. Le 08 janvier 2009, le chef de cabinet du président de la République écrivit au ministre de la justice pour que l’affaire soit instruite. Cependant, le même mois, le Procureur Général de la République transmet au ministre de la Justice, avec copie au Président de la République, une note rédigée par le Magistrat Instructeur, proposant le classement sans suite du dossier, « pour absence d’infractions ».

Dans cette note, le Magistrat Instructeur concluait que les terrains dont il est question dans ce dossier sont du domaine de l’Etat, et qu’aucune personne, quelle qu’elle soit, n’avait le droit de propriété sur ces terrains. Et que donc, faute d’infraction, le dossier doit être classé.
Fin juillet 2012, M. Luc Pirard était reçu par le ministre de la Justice et par le Procureur Général de la République, M. Valentin Bagorikunda, pour leur demander la réouverture du dossier, ce qui a été accordé.

Ce n’est qu’en août 2012 que le dossier est rouvert, la seconde instruction est, quant à elle, clôturée à la fin de cette même année. Le Magistrat Instructeur a retenu contre le Colonel Epitace Bayaganakandi les charges d’« abus de confiance, stellionat et tromperie » et requis une peine de servitude pénale de huit ans. Le dossier a été transmis pour jugement au Tribunal de Grande Instance de Bujumbura.

La bataille juridique est donc épique et s’annonce encore longue. Car, même si Luc Pirard et son avocat l’emportaient devant le TGI, ils s’attendent à un appel. De son côté, Me Nyamwana se déclare confiant et, interrogé, son client, le colonel Epitace Bayaganakandi, sans faire de commentaires, se dit pourtant serein.

Éviter la justice si possible

Un autre volet du dossier Pirard-Bayaganakandi ne figure pas (encore) dans les cours de justice. Il concerne la vente de trois parcelles pour une superficie totale de 7 ha 16 a et 83 ca du Colonel à l’homme d’affaire en 1993, soit avant l’entrée de M. Pirard dans la société Immotco. Epitace Bayaganakandi aurait dû procéder à un transfert du titre de propriété. Cela n’a jamais été le cas. Luc Pirard et son avocat entendent là trouver un arrangement à l’amiable. Si ce n’était pas le cas, il faudrait alors aller en justice. Pour ce qui serait, peut-être, un autre thriller judiciaire.

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