Jeudi 28 mars 2024
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Quand le carburant tousse, la vie économique éternue

Économie

Quand le carburant tousse, la vie économique éternue


30/05/2017
Dossier réalisé par Egide Nikiza, Pierre-Claver Banyankiye, Parfait Gahama, Félix Haburiyakira, Renovat Ndabashinze, Martine Nzeyimana et Hervé Mugisha Images : Egide Nikiza, Pierre-Claver Banyankiye, Parfait Gahama, Félix Haburiyakira, Renovat Ndabashinze, Martine Nzeyimana et Hervé Mugisha

Queues de véhicules sur différentes stations-service, longues files sur les parkings, réduction des véhicules en circulation, perturbation des services… Iwacu revient sur les causes et les conséquences de la pénurie du carburant depuis avril dernier.

Dans son rapport du 24 avril dernier, la commission permanente chargée de la Bonne gouvernance à l’Assemblée nationale, énumère les causes de la pénurie du carburant. Cette commission parlementaire avance notamment le manque de devises et la panne informatique répétitive à l’Office burundais des recettes (OBR) qui entraîne le problème de connexion.

Les députés évoquent la spéculation des importateurs qui se servent des devises mises à leur disposition pour l’importation du carburant à d’autres fins. Ou bien, laissent-ils entendre, des propriétaires de certaines sociétés importatrices exportent le carburant sous le manteau vers la République démocratique du Congo (RDC).

A ce sujet, la commission restitue que le nombre de sociétés importatrices du carburant a considérablement diminué. « De dix sociétés, seules deux à savoir l’Interpetrol et le Delta Burundi importent encore du carburant. »

Les élus du peuple membres de la commission chargée de la bonne gouvernance à l’Assemblée nationale insistent également sur le manque de communication sur l’offre de devises que la Banque centrale alloue à l’importation du carburant. Selon eux, cela constitue un obstacle à l’OBR pour contrôler que la quantité du carburant importé correspond à la masse de devises leur confiée.

L’OBR s’en lave les mains

Côme Manirakiza, ministre de l’Energie et des Mines, explique la pénurie du carburant par « des problèmes techniques ». Il fait savoir que le gouvernement ne ménage aucun effort pour y mettre fin. « Les approvisionnements sont en cours. La situation va s’améliorer.» Et de faire savoir que le retour à la normale prendra « en peu de temps ».

De son côté, Audace Niyonzima, Commissaire général de l’Office burundais des recettes (OBR), dit que son organisation n’est pas bien indiquée pour donner des causes de la pénurie des produits pétroliers : «Notre compétence se limite au dédouanement seulement. »

Contactée pour s’exprimer sur la quantité de devises dont la banque centrale dispose, ses autorités se sont gardées de tout commentaire. Cependant, une source qui a requis l’anonymat à la Banque de la République du Burundi (BRB), soutient qu’il est déconseillé d’informer l’opinion sur la quantité de la monnaie étrangère en ce moment. «Si nous disons que nous n’en avons pas, cela conduira la situation à se corser davantage. Des gens perdront tout espoir d’une possible amélioration.»

La société civile dénonce la corruption et le favoritisme
Gabriel Rufyiri : « Une partie des devises allouées à l’importation du carburant est utilisée dans d’autres affaires. »

Gabriel Rufyiri, président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations (Olucome), évoque la mauvaise gestion des devises par le ministère de l’Energie et Mines. Selon lui, l’importation du carburant est entachée de corruption.

«Le gouvernement devrait privilégier le transport maritime. Cependant, il lui préfère la voie routière. Cette dernière est très chère et nourrit facilement le phénomène de la corruption.»

Cet activiste de la société civile déplore que le nombre de sociétés importatrices du carburant soit réduit de huit sociétés. Il estime que cette situation peut également expliquer le manque de carburant auquel le pays est confronté. «C’est une partie de devises attribuée à l’importation du carburant utilisée dans d’autres affaires.»

Faustin Ndikumana, président de Parole et action pour le réveil et le changement des mentalités (Parcem), ne s’en étonne pas : «Le Burundi n’a pas de stock stratégique carburant alors qu’il est enclavé. »

Il dénonce que des autorités figurent parmi les importateurs de l’or noir. «Leur casquette leur confère des facilités. Ils obtiennent facilement les devises et sont remboursés en priorité. » Et de faire savoir que cela crée des inégalités entre importateurs.

Toutefois, poursuit-il, certaines sociétés en arrivent à fermer par elles-mêmes. « Elles manquent de moyens pour l’importation.»

La société Kobil accusée par le Ministre de l’Energie et des Mines d’avoir joué un rôle important dans la pénurie du carburant, n’a pas voulu s’exprimer.

Analyse - Les symptômes d’une économie agonisante

L’économie du Burundi est à l’épreuve. Les effets de la carence en devises se font incontestablement sentir. Ce phénomène est dû au manque de devises dont l’offre ne parvient pas à satisfaire la demande.

Le Burundi dépense plus de devises qu’il ne reçoit. Les recettes d’exportation sont inférieures aux dépenses d’importation. Selon la loi de l’offre et de la demande, la valeur d’une monnaie augmente lorsqu’elle est plus sollicitée sur le marché de change. L’écart entre le taux de change officiel et le taux réel du marché justifie l’insuffisance de devises. Le taux de change officiel est artificiel : il ne reflète pas la réalité économique du moment.

De surcroît, l’évolution du taux de change officiel témoigne d’une certaine dépréciation du Fbu par rapport aux monnaies étrangères. Ce qui entraîne en principe une diminution des importations presque incompressibles pour le Burundi. La réduction de dix à deux sociétés importatrices des produits pétroliers prouve l’incapacité du marché de change à servir tout le monde.

Par ailleurs, le résultat de l’Office burundais des recettes (OBR) pour le mois d’avril de – 8,21 milliards de Fbu est inhérent au rétrécissement des importations et confirme également le manque de devises.

En théorie, pour pouvoir ajuster le taux de change réel au taux officiel, la Banque centrale doit vendre une quantité supplémentaire de devises pour acheter la monnaie nationale.

L’économie risque un effondrement

Les aides et les dons, les exportations, les emprunts externes et les investissements directs étrangers(IDE) sont les principales sources de devises pour le Burundi. Les dons et les aides se sont considérablement réduits depuis la crise politique de 2015 suite aux sanctions prises par les partenaires traditionnels du Burundi. Le montant total des dons et aides représente une part importante dans le budget de l’Etat à raison de plus de 50%.

Suite à ces sanctions, le besoin en devises se fait sentir. La preuve en est que le parlement Burundais, dans une proposition de résolution envoyée à l’Assemblée parlementaire paritaire UE-ACP (Afrique Caraïbe Pacifique), a demandé officiellement la levée des sanctions économiques prises contre le gouvernement burundais. Selon le parlement burundais, ces sanctions affectent énormément la population dans des domaines variés dont la santé, l’éducation, la sécurité alimentaire, etc.

Les exportations burundaises se sont réduites pendant ces trois dernières années. Du côté des emprunts, le Burundi est classé dans la catégorie des PPTE (Pays pauvres très endettés). Pour ce, le Burundi n’est pas éligible et crédible. Il perd l’accès aux emprunts auprès des institutions financières internationales (Fonds Monétaire Internationale, la Banque Mondiale et autres) et auprès des partenaires bilatéraux.

Le faible taux de croissance du PIB limite également les emprunts extérieurs : si le taux de croissance du PIB est inférieur au taux de croissance de la dette, il y aura risque de l’«effet boule de neige», c’est-à-dire le risque de voir la dette exploser au-delà de tout contrôle.

L’absence de la stabilité politique et macroéconomique, la corruption, le manque de transparence dans l’attribution des marchés publics, le climat défavorable aux affaires… limitent les IDE qui devraient compenser la balance commerciale depuis longtemps déficitaire.

Il est important de souligner que le déficit énergétique en général et la pénurie du carburant en particulier, plombent la relance de l’économie au Burundi.

Si elle persistait, l’économie burundaise risquerait de s’effondrer. A court terme, il faut que Bujumbura accepte le dialogue avec ses opposants politiques afin que les aides gelées par certains bailleurs de fonds puissent se débloquer. Et à long terme, il faut que le gouvernement élabore une politique claire visant la promotion et la diversification des exportations.

>> Evolution de quelques indicateurs macroéconomiques (2014-2016)

Tous les secteurs subissent le contrecoup de la pénurie du carburant
Des véhicules en attente d’être servis sur la station Kinindo city oil

Ce mercredi 24 mai, les conducteurs de taxis-voitures rencontrés au parking, devant l’hôpital prince Louis Rwagasore en mairie de Bujumbura, se demandent d’où viennent l’essence et le mazout disponibles sur le marché noir. Ils confient qu’ils s’achètent dans certaines zones de la capitale. Ils pointent du doigt les zones de Buyenzi et de Kinama.

Ces conducteurs font savoir que les vendeurs du carburant au marché noir ne donnent pas le carburant aux personnes qu’ils ne connaissent pas. « Cela, de peur d’être attrapé par la police ou les agents de la documentation. »

Ils regrettent qu’ils n’aient d’autre choix que d’aller s’approvisionner au marché noir. Et de confier que le prix d’un litre d’essence varie entre 4000 et 5000 Fbu pendant les jours ouvrables. Pendant le week-end, un litre d’essence coûte 6000 Fbu voire 7000 FBU. Et de préciser que le prix officiel d’un litre d’essence ou de mazout est de 2100 Fbu.

R.T., conducteur de taxi, soutient que la spéculation n’est pas un cas isolé. Il incrimine la collaboration des agents de la police.

« Ce commerce est un circuit fermée des policiers, propriétaires des véhicules et pompistes des stations. »
Il met en tête des spéculateurs, des propriétaires des jeeps de location. « Ils donnent des pots-de-vin aux pompistes. » Ainsi, poursuit-t-il, ils remplissent les réservoirs de leurs véhicules et les bidons dont ils disposent.

«Nous sommes sans voix ! »

Lundi 22 mai, 10h, au parking Musaga. Sur la station Kobil, de longues files d’attente, des bousculades… se font remarquer. Certaines personnes ont dans les mains des bidons, en attente d’être servies. Des chauffeurs de bus de type Hiace, des Probox, des véhicules appelés communément Kagongo, empruntant la RN7 jouent des coudes pour être servis, en vain.

Ils soutiennent que la quantité à laquelle ils ont droit est insuffisante. Avec 40 litres, affirme un chauffeur rencontré sur place, je ne peux pas faire trois tours comme d’habitude entre Bujumbura-Kibumbu. Pire, poursuit-il, il faut faire la queue pendant plusieurs heures pour en avoir.

«Nous sommes sans voix ! », glisse un propriétaire d’un camion de type Fuso. Ce transporteur de charbon indique que dans des conditions normales, sa consommation journalière en carburant tournait autour de 200 litres. «Avec cette quantité, je pouvais aller à Kayero en province Rutana, faire le chargement et transporter des sacs de charbons vers Bujumbura sans me soucier de la panne sèche en cours de route», explique-t-il. Et d’affirmer qu’il pouvait faire trois ou quatre tours par semaine. Avant de soutenir qu’il n’a droit désormais qu’à 80 litres. «Avec cette dernière, je ne peux qu’arriver à Nyagasasa. Et par semaine, je ne fais qu’un tour.»

Des lamentations tous azimuts

Chez les agences de transport, notamment Memento, Volcano, c’est la désolation. Au bureau de l’Agence Memento de Musaga, jusqu’à 10 h 30, seul un bus avait pu charger. Or, raconte une source au sein de cette compagnie, quatre bus seraient déjà partis. « Il arrive qu’aucun bus ne monte à l’intérieur sur les 29 dont nous disposons.» Et de dire que cela implique le chômage pour un bon nombre de son personnel.

«Deux vendeurs de tickets et trois aide-chauffeurs sont déjà désœuvrés en attente de la normalisation de la situation. »

A la Gare du Nord, même lamentations. Au nom de l’agence Volcano, Yves Ngendakuriyo indique que les conséquences sont énormes. « Nos bus perdent beaucoup de temps à la recherche du carburant et notre horaire n’est plus respecté.» Et de prévenir que son entreprise sera obligée de mettre une partie de son personnel au chômage si la situation perdure.

Les propriétaires de Hiace empruntant la RN1 ne sont pas épargnés. Sur les stations-services, ils ne reçoivent que 40 litres, raconte un des chauffeurs rencontrés à la Gare du Nord. « Et cela après avoir donné un pot de vin d’au moins 5mille Fbu aux pompistes », déplore-t-il.

Les passagers désemparés

« Je viens de passer quatre heures ici, mais je n’ai pas encore eu de bus pour me rendre à Ijenda », se lamente une maman croisée au Parking de Musaga, ce lundi, 22 mai. La soixantaine, elle dit n’avoir plus de force pour jouer les coudes avec les jeunes et les hommes.

La montée du prix du ticket, le manque de bus et de longues files d’attente, voilà le calvaire que vivent les passagers en ce moment de pénurie de carburant. Chez Volcano, il n’y a plus d’arrêt. « Quelqu’un qui veut aller à Kayanza, à Bukeye, il doit payer le même prix que celui qui se rend en province de Ngozi », raconte un des chauffeurs de cette agence.

Une façon selon lui de chercher à combler le temps perdu dans la recherche du carburant.
Idem pour l’agence Memento. « Si la destination du bus est le chef-lieu de la province Rutana, le prix du ticket est de 8000Fbu pour toute personne qui monte à bord », explique un chauffeur de cette agence. Néanmoins, nuance-t-il, avant la pénurie, il y avait une diminution pour les passagers de Bururi, par exemple.

Ceux qui envoient des correspondances à l’intérieur du pays ne savent plus à quel saint se vouer. « Je devais envoyer ce médicament à ma mère, ce samedi, en province de Mwaro. Mais voilà, nous sommes lundi, je n’ai pas encore pu le faire», regrette Egide Kabura, un habitant de Musaga, croisé au siège de l’Agence Memento dans cette zone. Il dit qu’il doute du sérieux des chauffeurs des autres bus privés.

Gabriel Nikoyagize, n’a pas pu, quant à lui, envoyer de l’argent, la semaine passée, à son fils, élève au Lycée de Mwaro. Il évoque le manque de bus de l’agence. Et de laisser entendre que cela entraîne une perte également pour ces agences. Car, explique un des percepteurs des tickets, tout courrier est payant. « Par exemple, pour un envoi de 25.000Fbu, l’agence fait entrer dans sa caisse 2000Fbu », détaille la même source.


Un coup dur aux structures sanitaires

« Un hôpital ne peut pas fonctionner sans électricité », déclare Dr Rémy Goragoza, directeur administratif et financier (DAF) à la Polyclinique Centrale de Bujumbura. Certains services doivent rester alimentés en électricité: la radiographie, le laboratoire, le bloc opératoire, des appareils biomédicaux, la néonatologie, etc. Il précise qu’une moindre coupure du courant peut entraîner de lourdes pertes.

Avec des délestages intempestifs, le seul recours est le groupe électrogène, indique Dr Goragoza. A cette Polyclinique, il signale que la consommation en carburant était d’environ 300 litres par mois. « Actuellement, en vue de rester efficace dans nos services, nous avons acheté une autre machine plus puissante et qui consomme beaucoup », souligne-t-il.

Ce qui entraîne, affirme-t-il, des dépenses énormes, qui, si la situation perdure, devront conduire à une révision des tarifs des services.

Par ailleurs, il ajoute que le personnel est de plus en plus irrégulier au travail. Et cela suite soit au manque de bus soit du carburant pour ceux qui ont leurs propres moyens de déplacement. « Cela entraîne une désorganisation du travail. »

Dr Goragoza propose aux services chargés de la question « carburant » de prendre des mesures permettant aux structures sanitaires de l’avoir facilement.

S’exprimant sous anonymat, un autre responsable d’un hôpital privé se dit dépassé. « Pour le courant de la Regideso, nous payions 50.000Fbu par mois. Aujourd’hui, pour pouvoir tourner notre groupe électrogène, nous dépensons 1 million de Fbu par mois », révèle-t-il, précisant que la consommation hebdomadaire tourne autour de 100 litres.

Et pire encore, le carburant n’est pas toujours disponible. « Comme nous ne pouvons pas déplacer le groupe électrogène vers une station-service, on y va avec des bidons. Or, la permission de s’approvisionner en bidons dure 48 h. Et c’est très facile que deux jours passent sans être servis », raconte ce responsable.

Ce qui influe négativement sur la qualité des services. Selon lui, il arrive des moments où l’administration des doses pour les hospitalisés se fait sur la lumière d’une torche. D’après lui, si la situation reste ainsi, les prix des soins, des services seront revus à la hausse.

Les télécoms en mode veille
Les entreprises de télécoms ne sont pas épargnées par la pénurie du carburant.

Outre le secteur des transports, la pénurie du carburant affecte également le monde de la télécommunication.

Emettre trois heures d’affilée n’est plus possible pour certaines radios. S.M. Un journaliste travaillant à la radio Culture, une chaîne émettant de 5h45-23h, témoigne qu’avec cette pénurie, leur chaîne tend à supprimer certains de leurs programmes. Ceci pour une utilisation rationnelle du peu de carburant à sa disposition. « Désormais, ce n’est que le journal et certaines émissions et publicités payantes qui sont priorisés ». Pire encore, ajoute-t-il : « Avec la conjoncture, les descentes sur terrain pour collecter l’information, c’est de l’histoire ancienne. »

Toutefois, à côté des radios qui font le « service minimum », il existe d’autres dont la situation va de mal en pis. La CCIB FM+ en est le parfait exemple. Depuis quelques jours, elle émet difficilement. « La situation devient intenable même les panneaux solaires qui nous servaient de solution de rechange ne fonctionnent plus », révèle un journaliste qui y travaille.

Les télécoms dans l’embarras

Depuis, environ deux semaines, certaines de leurs antennes de relais ne fonctionnent pas suite au manque de carburant. Un problème qui risque de se généraliser, mais aussi et surtout de produire des effets négatifs si la situation perdure. « L’expérience récente avec Smart, quand ses réseaux ont cessé de fonctionner presque une demi-journée, devrait servir de leçon. Imaginez ce qui serait advenu si Leo et Viettel avaient cessé d’émettre en même temps. Sûrement, une perte de centaines de millions de Fbu », analyse A.N., un commerçant.

Et aussitôt d’enchaîner : « Plutôt le ministère en charge de l’Energie et des Mines doit prendre en compte ses dérogations afin qu’elles soient priorisées lors de la distribution ». Et de conclure : « Même cas de figure pour les radios, parce qu’au-delà de tout, la liberté d’information en tout temps est consacrée par la Constitution.»


Le secteur de l’éducation n’est pas en reste

 

Pour Eric Nyandwi, il y a un impact sur l’avancement des programmes.
Pour Eric Nyandwi, il y a un impact sur l’avancement des programmes.

Les enseignements dans les écoles secondaires sont perturbés. Le retard des élèves et des éducateurs à l’origine duquel, cette perturbation due à la pénurie du carburant, s’observent dans un bon nombre d’établissements de la capitale.

D’après Eric Nyandwi, directeur d’internat au lycée Ngagara, les enseignements sont perturbés par le retard des élèves et des éducateurs. « Les élèves externes arrivent souvent en retard. » Il indique que ce temps perdu entraîne un impact sur l’avancement des programmes.

De cette pénurie, certains élèves et éducateurs essaient de trouver des solutions alternatives. « Nous nous levons très tôt le matin et marchons jusqu’à l’école.»

D’autres font savoir qu’il leur faut beaucoup d’argent pour arriver à temps. « Je paie chaque matin 1500 Fbu et si la situation reste telle qu’elle est, je ne serai pas en mesure de débourser cette somme », se lamente un des éducateurs de ce lycée, précisant qu’il payait normalement 700 Fbu par jour.

Frère Joseph : « La pénurie du carburant ralentit certaines activités à l’école. »
Frère Joseph : « La pénurie du carburant ralentit certaines activités à l’école. »

Même son de cloche au lycée Scheppers de Nyakabiga. Selon le directeur, Frère Joseph Nzeyimana, la pénurie ralentit certaines activités. « Les élèves et les éducateurs qui prenaient habituellement le bus sont obligés désormais de marcher. Ils arrivent en retard. Cela implique le non-respect de l’horaire. »

Le même retard est enregistré au niveau de l’administration. L’électricité étant absente toute la journée, l’école fait recours aux groupes électrogènes. « Nous utilisons des groupes électrogènes. Malheureusement, nous avons souvent du mal à avoir du carburant. Les correspondances et d’autres documents sont rédigés et imprimés à l’extérieur.» indique Frère Nzeyimana.

En outre, Il dit que la gestion financière de l’école pose problème. Il évoque l’approvisionnement en vivres. «Pour éviter la rupture des stocks, nous avertissons nos fournisseurs deux semaines avant. Mais comme eux aussi ont des difficultés pour avoir du carburant, ils revoient à la hausse les prix des denrées.» Et de conclure : « ça aura un impact sur le budget de l’école. »

Des prix de denrées grimpent
Selon les détaillants du charbon, le prix d’un petit sac est passé de 16 mille à 20 mille voire 22 mille Fbu.

Au marché dit chez Siyoni, les commerçants ne savent plus à quel saint se vouer. 1 kg de pomme de terre dont le prix était compris entre 750 Fbu et 800 Fbu est actuellement vendu à 1000Fbu. De même que la banane mûre, 1kg est passé de 700 à 1000 Fbu. Pour eux, ces prix font fuir les clients.

« Nous pouvons passer plus d’une semaine sans approvisionnement en pommes de terre», se plaint une commerçante en affirmant qu’à la même période de l’année, les prix de la pomme de terre chutent jusqu’à 650fbu le kilo.
Mardi, à 6h30, la place réservée aux bananes dans ce même marché était quasi-déserte. «Les camions n’étaient pas encore là à 7h, Ce qui est inhabituelle», se plaint une tenancière d’un restaurant qui s’y approvisionne.
Toutefois les prix du haricot couramment appelés kirundo ont baissé. «C’est la période des récoltes », font savoir ces commerçants. Alors qu’ 1kg était vendu à 1600Fbu, il est actuellement vendu à 1200Fbu.

Dans le quartier Kamenge, un léger mieux s’observe. 1kg de haricots kirundo est vendu à 1100Fbu voire 950Fbu. Toutefois, nuancent ces commerçants grossistes, à la même période de l’année le prix du haricot Kinure oscille entre 800 et 850Fbu.

A cette cherté de certaines denrées alimentaires s’ajoute la rareté du charbon. Dans différents quartiers de la mairie de Bujumbura, les petits détaillants décrient le peu de quantité qu’ils reçoivent de leurs approvisionneurs.

Cette situation commence à se sentir dans les ménages. Dimanche, E.N. habitante du quartier Kinyankonge s’est résolu à demander du charbon à ses voisins pour faire la cuisine le soir. «J’ai cherché le charbon à partir de 15h jusqu’à 19h en vain.»

Mardi, L.M. une mère habitant le même quartier regrette qu’elle débourse plus d’argent pour acheter du charbon : «C’est rare que je donne plus de 1500Fbu pour le charbon, mais depuis deux jours je verse 2.000Fbu»

De trois tours la semaine à un seul les deux semaines

Des bus de l’agence Volcano coincés au parking faute de carburant.
Des bus de l’agence Volcano coincés au parking faute de carburant.

«Nous achetons aujourd’hui la moitié d’un sac de charbon à 20mille Fbu alors que nous achetions le même sac quelque semaines auparavant à 16 mille», laisse entendre un détaillant du quartier 7 de la zone Ngagara en affirmant, qu’à leur tour, il le revend à 25 mille Fbu.

Dans le quartier 9 de la même zone, tout près de l’endroit communément appelé « kwa commune », un point de vente jadis rempli de sacs de charbon d’après les habitants est presque vide. Seuls deux sacs sont sur les lieux. Ce commerçant fait savoir que les fournisseurs viennent à un rythme irrégulier arguant des problèmes de carburant : «Aujourd’hui nous achetons à 22 mille un sac que nous achetions à 16 mille.»

B.N., fournisseur, affirme que le charbon est toujours disponible à l’intérieur du pays. « Nous sommes seulement confrontés à un problème de carburant.»

Il fait savoir que contrairement aux traditionnels quatre tours qu’il faisait chaque semaine -entre Bujumbura et l’intérieur du pays-, il est actuellement contraint d’en faire un seul toutes les deux semaines. «Je peux passer quatre jours à faire la queue sur des stations ».

De retour de l’intérieur, B.N. est résigné : «C’est la même routine, mon camion est à sec, je vais faire la queue et je ne sais pas quand je serais servi.»

Au moment où nous mettons sous presse, des stations-service en mairie de Bujumbura distribuent de l’essence. Cependant, le gasoil se fait toujours attendre.

OBR

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Forum des lecteurs d'Iwacu

6 réactions
  1. Cet article est bien documenté avec des analyses pertinentes, avec évidences à l’appui. Invitez le Ministre Barandagiye à le lire afin qu’il cesse de fantasmer sur les projets du genre « Silicon Valley ». Mais, pardon, il sait qu’il distraie le peuple de vrais sujets qui handicapent le Burundi.

  2. RUGAMBA RUTAGANZWA

    Entre temps la propagande haineuse rappelant un passé douloureux et manipulé aux mineurs, va bon train. Je me demande si les gens qui font répéter à longueur de journée à des enfants des slogans réveillant la haine dans leur cœur se rendent compte de leur irresponsabilité. J’ai l’impression que notre pays est perdu noyé sous le poids d’un 3è mandat difficilement tenable et de plus en plus sanglant… !

  3. Karabadogomba

    Bravo à Iwacu pour cette enquête sur la pénurie-carburant. De Finlande, j’ai le portrait de ce beau-pays qui, malheureusement, est en train de se diriger dans le gouffre.
    Ca fait pitié et peur!

  4. Democracynow

    Le Burundi va être un état du type  » fail State ». Je pense que vos politiciens vous conduisent dans un suicide collective: D’ici peu, la BNB va ne pas pouvoir payer le papier sur lequel imprimer le FBu. Demande au Vénezuela ce qui se passe.

  5. Mafero

    Tout va bien, le pays est sécurisé à 99.8%, le week-end dernier les autorités ont couru dans toute la capitale pour montrer à l’opinion tant nationale qu’ internationale que le pays que le pays se porte bien… Pour les seuls 0.2% de la population qui ont faim ( quelques 48.000 familles) chacune va bientôt bénéficier 20.000 FRS BU pendant deux ans et fini la pauvrété au Burundi.
    Je ne suis pas mathématicien (et Dieu merci!) mais 48.000 x 20000 (1 sac de charbon ou 4 litres d’essence) x 24 mois le Burundi risque d être un dragon économique d’ Afrique!

  6. bazir

    Ca c’est ce que l’on appelle une economie mise a genoux. Le pays de Pierre NKURUNZIZA est au point mort kabisa. signe d’un gouvernement fantome.

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