Vendredi 26 avril 2024

Sécurité

La recrudescence de la criminalité inquiète

21/08/2020 Commentaires fermés sur La recrudescence de la criminalité inquiète
La recrudescence de la criminalité inquiète
Sur la colline Rugari, la famille de Zéphyrin Ntirandekura a été décimée.

Des personnes tuées par des armes à feu, des gens brûlés dans leurs maisons, des familles décimées… Ce mois d’août a été marqué par plusieurs cas d’assassinat. Alors que les circonstances de l’incendie du 5 août sur la colline Rugari de la commune et province Muyinga restent obscures et les bourreaux inconnus, la peur gagne de plus en plus la localité. Des reporters d’Iwacu sont allés à leur rencontre.

Par Edouard Nkurunziza et Fabrice Manirakiza

En province Kayanza, un policier du nom de Philbert Nduwayo a été tué par son collègue. Un civil qui transportait cet agent de l’ordre a été grièvement blessé. C’était ce lundi 17 août au chef-lieu de la province Kayanza. En commune Buganda de la province Cibitoke, un homme a été tué, poignardé par un autre homme qui l’accusait de sortir avec son épouse.

Dans cette même province, dans la zone Buhayira sur la colline Nyarunazi, une femme a tué son mari. Elle lui a assené un coup de houe sur la tête, samedi 15 août. Par après, elle a déposé le corps dans la maison, puis elle a mis le feu à la maison. Sur la colline Cimbizi en province Bubanza, un homme a été tué, décapité par des personnes jusqu’ici inconnues. Des vaches et des chèvres ont également été blessées. Sur la colline Gifurwe de la même province de Bubanza, 5 personnes, dont 3 enfants, ont été blessées par une grenade. Ces enfants avaient trouvé cette grenade dans un buisson. En province Rutana, dans la commune Bukemba, 4 personnes ont été blessées par une grenade, dont une fillette de 8 ans et un candidat aux élections collinaires. C’était le 15 août. Sur la colline Gahahe en commune Mutimbuzi, 3 enfants ont été tués par une grenade. Dix autres personnes ont été blessées. Trois personnes ont été arrêtées pour raisons d’enquête. En commune Isale de la province Bujumbura, 3 enfants sont morts, brûlés dans leur maison. En province Bururi, un corps sans vie d’un certain Dominique Niyondiko alias Mababa a été retrouvé, dimanche 15 août, sur la colline Muheka de la commune Songa. Dans cette même province, un corps d’un jeune homme a été retrouvé à proximité de la rivière Jiji. C’était un étudiant. Le mobile de cet assassinat n’est pas connu. Un autre corps d’un certain Dieudonné a été retrouvé dans une plantation d’arbres sur la colline Ndagano de la commune Vyanda. Il a été poignardé 3 fois. Il était sur le point de se marier. Un corps sans vie d’un jeune de 12 ans a été découvert sur la colline Kanyabitumba en commune Buyengero de la province Rumonge. Il a été décapité. Trois personnes ont été arrêtées. En province Makamba, en commune Kayogoro, un jeune homme de 20 ans a tué son frère du nom de Richard Gashirahamwe. Il l’accusait de lui avoir volé 70.000 BIF. Il lui a assené un coup de machette sur la tête.

Horreur à Rugari

La colline qui hébergeait feu Zéphyrin Ntirandekura est silencieuse. Saïd Havyarimana et sa femme, de retour des champs, conversent entre eux tout bas, devant leur domicile. Et puis, un champ de bananiers. Non loin derrière, l’habitation de Romuald Ntegirije, l’oncle du défunt. Lui aussi est là, avec quelques femmes. Ce mardi, Melchior, un autre voisin n’est pas là. Mais Alphonse Cishahayo, l’autre oncle de feu Ntirandekura vient de rentrer de ses travaux champêtres. Le « rugo » compte 7 habitations voisines de celle de la famille défunte. Dont celle de Mathilde Minani, 76 ans, grand-mère de Ntirandekura.

Recroquevillée à même le sol, dans la bananeraie, Mme Minani ressasse la tragédie. Elle pleure de temps en temps ses arrière-petits-enfants partis en fumée : «Comment m’en sortirais-je. Je vivais grâce à mes arrière-petits-enfants. Ils me procuraient de l’eau, de quoi manger, du bois de chauffage. Ils m’occupaient. Sans eux, je me vois mourir tel un chien.»

Mathilde Minani s’en souvient, son petit-fils n’avait aucun litige, avec qui que ce soit. Elle pleure, appelle au châtiment des bourreaux. Son petit-fils, Zéphyrin Ntirandekura, vivait à quelques pas de son habitation. Mathilde Minani, toute en sanglots, montre du doigt l’endroit qui fut l’habitation des siens…

La scène est effroyable. Quatre jeunes avocatiers, quelques manguiers, des plants de citronniers… Et puis, à l’horizon, des toitures blanchâtres : le marché de Murama. La maison de Zephyrin Ntirandekura n’obstrue plus la vue. Elle est partie en fumée dans cet incendie du mercredi 5 août 2020. Des restes ? Quelques troncs d’arbres plantés par-là en rectangle, calcinés. Des arachides, des grains de haricots déversés dans des décombres noircies par le feu. Une petite cuillère. «Les victimes étaient entassées par ici, parents et enfants ensemble », raconte Saïd.

La vie de la famille Ntirandekura a été fauchée après 21heures, au soir de ce mercredi, dans un grand silence. Aucun secours. Dans cette nuit, Melchior, Saïd Havyarimana, Alphonse Cishahayo, Romuald Ntegirije et les autres habitants de la localité n’ont perçu aucun cri des victimes selon leurs témoignages. Zépherin Ntirandekura, Constance Nyambere, son épouse, et leurs 3 enfants (Claudine Ahishakiye, Chanella Akimana et Alexandre Nininahazwe) seront retrouvés après l’incendie, complètement calcinés, méconnaissables. «Nous avons attendu pendant longtemps sans savoir où pouvaient être nos voisins», se rappellent-ils.

La découverte macabre

Alphonse Cishahayo a été le premier à appeler au secours.

Alphonse Cishahayo se réveille aux environs de 22 heures. Il avait entendu des crépitements. Quand il sort de sa maison, il voit la maison de son voisin en feu. «J’ai appelé mon voisin Romuald. Je lui disais que la maison de notre neveu est en feu», confie Alphonse Cishahayo, un voisin de la famille. «Nous sommes allés éteindre l’incendie, mais on ne voyait personne. On se demandait où étaient les membres de la famille de Zéphyrin», ajoute Romuald Ntegirije, son oncle. Puis, l’’incendie est maîtrisé.

Les habitants de la colline Rugari vont faire une découverte macabre. Zéphyrin Ntirandekura, chef de famille, Constance Nyambere, son épouse, et ses 3 enfants Claudine Ahishakiye, 14 ans, Chanella Akimana et Alexandre Nininahazwe sont entassés dans la chambre.

Les autorités administratives et policières se sont rendues sur les lieux. Dans la foulée, Alphonse Cishahayo et Romuald Ntegirije, les oncles de Zéphyrin, la victime, ont été appréhendés pour des raisons d’enquête. Ils ont été relâchés par après.

Quels sont les mobiles et les assassins ?

Selon Romuald Ntegirije, la population vit dans la peur.

«Nous nous posons tous la question. On aimerait avoir la réponse?», indique Alphonse Cishahayo. La peur règne au sein de la population. «Depuis ce jour, on ne dort plus pendant la nuit. Si les bourreaux ne sont pas arrêtés, on aura jamais la paix», confie Mathilde Minani.

Les habitants de la colline Rugari affirment que Zéphyrin Ntirandekura n’avait aucun problème avec les voisins. Pas de conflits fonciers. « Il était en bons termes avec tout le monde. Il avait même acheté sa propre propriété», indique un autre habitant du coin. Les habitants de Rugazi écartent aussi le mobile politique. «Sur notre colline, nous sommes tous du Cndd-Fdd», souligne Romuald Ntegirije.

Les habitants de Rugari pensent plutôt à un acte de banditisme. «La famille avait une grosse casserole qu’on utilisait dans les fêtes sur toute la colline. Elle avait beaucoup d’assiettes, des lapins et des hamsters. On n’a rien trouvé».

Certaines sources à Rugari indiquent que Zéphyrin Ntirandekura avait reçu une somme de 300.000 BIF dans une association de cette localité. «Je pense que ces bandits cherchaient cet argent», confie un habitant de cette localité.

Les habitants de la colline Rugari pointent du doigt un certain S. Ce dernier est un voisin de Zéphyrin Ntirandekura. «On l’a attrapé plusieurs fois en train de cambrioler cette famille. Interrogé par la police, il aurait avoué ce crime», affirme E.K, un voisin de la famille.

Après l’assassinat de ses arrière-petits-enfants, Mathilde Minani est traumatisée.

Selon ces mêmes habitants, c’est un groupe de plusieurs personnes qui auraient commis ce crime. «Nous pensons qu’ils ont d’abord tué les enfants et leur mère. Ils ont attendu le père. La famille a été maîtrisée, car on aurait entendu des cris».

Emery Haragirimana, fils du défunt, a appris avec surprise le massacre de sa famille, trois heures plus tard. «On me l’a dit par téléphone vers minuit, je n’en croyais pas mes oreilles ». Et il s’est rendu sur les lieux. Tout d’abord pour lui, c’est comme si les habitants de cette localité avaient une dent contre sa famille. Il raconte avoir appris que Zépherin Ntirandekura a poussé des cris, appelant au secours, en vain. « Il a été tué de retour du boulot, sans doute à l’aide de machettes, puis emmené dans la maison. J’ai vu du sang qui a coulé tout le long de ce trajet ».

Le jeune homme, désormais orphelin de tous parents ne doute pas que S. doit avoir trempé dans ce massacre. « Il était réputé teigneux, bandit de carrière. Il a même tué sa femme. Qu’il ne soit surtout pas relâché ». Ce mercredi, confie Emery Havyarimana, sa mère, trésorière de trois coopératives locales d’épargne, avait encore reçu une cotisation de 300 cent mille BIF. «S. et d’autres probablement, auraient voulu se précipiter avant qu’elle n’amène le montant à la micro finance ».

Emery Haragirimana demande que tous les bourreaux soient identifiés et appréhendés et que justice soit rendue. Claude Barutwanayo, gouverneur de la province Muyinga n’a pas voulu s’exprimer. Iwacu a cherché le procureur de la République à Muyinga en vain.

Réagissant, mardi 18 août lors d’une conférence de presse à Kirundo, le porte-parole du ministère en charge de la Sécurité publique que ces cas de criminalité par incendie occasionnée par la saison. Pendant la saison sèche, explique Pierre Nkurikiye, il est facile de brûler une maison et difficile de l’éteindre. « Les criminels profitent de ce contexte et commettent les forfaits ». Et de souligner que d’après les enquêtes menées, ces crimes sont beaucoup plus des règlements de compte, dus aux conflits fonciers ou aux conflits familiaux.

Pierre Nkurikiye demande à la population de rester vigilante pour alerter à temps afin de réprimer efficacement les criminels. Il indique que 95 des auteurs de tels forfaits sont toujours appréhendés.

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