Vendredi 29 mars 2024

Editorial

Hutu ou Tutsi, quand cela nous arrange…

17/02/2023 9
Hutu ou Tutsi, quand cela nous arrange…

Il y a quelques années, et plus exactement le 25 octobre 2012, l’ONG International Crisis Group, publiait un rapport au titre prémonitoire : « Bye-bye Arusha ? »

Ce document sonnait le tocsin pour ceux qui doutaient encore sur les intentions du parti au pouvoir, signataire de l’Accord Global de Cessez-le-feu, de se distancier, au propre comme au figuré, de l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation.

« On ne se sent pas lié à cet accord qu’on n’a pas négocié ni signé et c’est pareil pour l’unité chantée du bout des lèvres », lâchera un des ténors de ce parti lors de leur toute première célébration de la fête de l’Unité nationale.

Dans les gradins du monument de l’Unité, personne parmi ces cadres fraîchement sortis du maquis n’entend pas, comme le veut la coutume, tenir la main de son voisin et le balancer allègrement au rythme de l’hymne de l’unité nationale, ’’Ubumwe bw’Abarundi’’, chanté à l’unisson. Pourtant, un simple geste, symbolique.

Ils resteront gaillardement debout, figés, en position fixe, ignorant les sollicitations des petites mains de leurs voisins pour ’’sceller symboliquement cette unité retrouvée’’.
Un ’’throwback’’ qui en dit long sur ce qui va suivre, notamment le référendum constitutionnel, et finalement une Loi fondamentale qui stipule en son article 289 qu’« un délai de cinq ans est accordé au Sénat pour évaluer afin de mettre fin ou proroger le système de quotas ethniques dans l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire après la mise en place des institutions issues de la présente Constitution ».

Ce qui arrive aujourd’hui n’étonne donc pas les observateurs de la vie politique burundaise. C’était prévu. Ces quotas ethniques consignés dans l’Accord d’Arusha sont repris dans l’ancienne loi fondamentale. Les négociateurs insisteront sur ces quotas pour la promotion de la justice sociale, une réponse aux différentes discriminations vécues amèrement par le passé. Sont-elles finies ? Il n’y en a pas de nouvelles ?

Ces quotas sont également des garde-fous, un mécanisme de protection pour les minorités, des garanties pour ces dernières d’une représentation dans les sphères politiques, militaires … N’y a-t-il pas de ces craintes du passé toujours présentes ?

C’est avec un brin d’hypocrisie que les Burundais aujourd’hui se disent les yeux dans les yeux : « Turi bamwe, twonse rimwe ! », « Nous sommes les mêmes, des frères et sœurs nourris au même sein ! »
Hypocrites, sommes-nous ! Nous avons chanté l’unité, dansé même cette unité retrouvée, construit des monuments de l’unité, brandi des drapeaux de l’unité.

Nous disons dans toutes les langues que nous sommes ’’un seul peuple avec une seule même langue’’. Et c’est l’argumentaire du ’’Très Honorable Président du Sénat’’. Et pourtant, par le passé et même récemment, des gens sont morts simplement pour ce qu’ils sont.

En fait, nous chantons l’unité, mais nous redevenons Hutu ou Tutsi quand cela nous arrange ou arrange nos intérêts particuliers, maquillés, au besoin, en intérêt général.
Hypocrites, sommes-nous ! Nous sommes « Burundais », ces histoires de ’’nez épaté’’ ou de ’’long pif’’, ne tiennent plus, entend-on dire dans certains milieux.

Et pourtant, il y a un président, épris de « burundité » qui ne réussira pas à faire oublier cette dimension. Son tombeur ne tardera pas à en faire les frais avec les événements sanglants de Ntega-Marangara, le reste est connu.

Quelques voix s’élèvent pour dire : « Cessons cette mascarade, jouons pour une fois franc-jeu ». L’Accord d’Arusha, quoiqu’on n’en dise permettra que la question ne soit plus taboue. Les quotas ethniques proposés apporteront quelques corrections dans certaines institutions clés et des avancées dans la représentation de tous les Burundais.

Certes, ces quotas ne sont pas une réponse totale et définitive à la question ethnique. Il va falloir dépasser cela un jour. Mais est-il temps d’y mettre une croix, aujourd’hui ?

Le Président du Sénat devrait justement mener une enquête pour voir si toutes les communautés sont représentées dans les rouages essentiels des institutions, ce que préconisait l’Accord d’Arusha. Il serait étonné…

Forum des lecteurs d'Iwacu

9 réactions
  1. Africa Oyeee

    L’homme n’a jamais aimé quelque chose que lorsqu’il y tire un intérêt soit moral, social ou économique. Pendant la crise de 1993-2005 tous les hutus ou tutsi vice-versa qui vivaient dans l’autre camp changeaient automatiquement d’ethnie. Après la crise, ils ont repris leurs ethnies d’origines. Une ethnie est soit une question de sentiment, de sécurité et d’intérêt surtout.

  2. Kibinakanwa

    C est la folie, de la criminalité, un manque de vision atavique, les mots me manquent.
    Faites la promotion de la méritocratie, SVP et laisser de coté ces quotas!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!.
    Mettez les meuilleurs en avant. Basta. Nous sommes nous les Barundi, tous des misérables damnés de la terre vivant dans le pays le plus pauvre et le plus corrompu du monde.
    Le Rwanda était il n y a pas longtemps la copie conforme au point de vue économique. Nous avons honte quand on voit leur PIB. Une blague de mauvais gout circule. Un burundais va au Rwanda et s émerveille sur les progres du Rwanda. Avuga ati mwadusize
    Le Rwandais amusubiza. Oya ntitwabasize car nous ne prenons pas la meme direction.

    Natwe ngo dushire imbere les quotas zo Kwa Kayibanda. Ciel!!!!!!!!!!!!!!!
    Merci au cas ou vous publieriez ma colère

    • Africa Oyeee

      Les économistes le savent bien plus que les autres, les PIB en Afrique n’est pas un indicateur fiable pour mesurer ou comparer les économies. Tu sais toi-même comment se calcule le PIB. C’est normal qu’un pays comme le Rwanda qui exerce une pression fiscale que l’on connait tous puisse avoir un PIB plus élevé que celui du Burundi. En plus de cela, il faut noter aussi la production des sociétés étrangères. Cela est inclus dans le PIB alors qu’en réalité ça n’appartient pas aux rwandais. Et en fin, tu sais que certains experts affirment, je ne suis pas totalement sûr mais ça se dit, que le Rwanda fabriquerait parfois des chiffres. Nivyo abanyarwanda bakunda kwita gutekinika. En tant que connaisseur de la région, si l’on compare la vie au Rwanda et celui du Burundi, le choix est clair.

  3. Kanda

    Hutu ou Tutsi, quand cela nous arrange…
    Le député Rwasa et les siens sont-ils d’accord avec toi ?
    Je pense que Kagame et le Rwanda réussissent bien sur plusieurs aspects sans ces quotas.
    Selon CountryEconomy
    PIB annuel 2021 Burundi 2.454 M€ vs 9.351 M€ Rwanda
    PIB par hab 2021 Burundi 200 € vs 704 € Rwanda
    Même côté Paix et Sécurité, le Rwanda affiche mieux que le Burundi.

    Le pouvoir c’est du Gustave : il avale tout ce/celui qui s’oppose à lui, Tutsi, Hutu ou Hutsi et autre.
    Le Peuple a besoin du Pain et de la Paix, pas de vos quotas. Ces Hutu et Tutsi au pouvoir n’apporte pas leurs gains honnêtes et / ou malhonnêtes dans aucun autre foyer pauvre. N’en profitent que ceux qui ont les intérêts en commun, pas forcément ceux qui ont les ethnies en commun.

    Censure ou pas censure, quand cela nous arrange.

  4. Emery-Délice

    Ndakunda abanditsi b’ibimenyeshamakuru nka wewe. Bavuga ibintu uko biri,babibona,ataho bahagaze. Abandi Bari bakwiye kubafatirako akarorero.

    J’aime des journalistes comme vous, Avec toute impartialité, laissent les lecteurs eux-mêmes observer des réalités soi-disant cachées par la ruse de ceux qui chantent l’unité qui en vrai n’y est pas.

  5. Kanda

    Editorial : Hutu ou Tutsi, quand cela nous arrange… […]. Et pourtant, par le passé et même récemment, des gens sont morts simplement pour ce qu’ils sont.
    ntare minott: Actuellement, les Hutus…,du parti au pouvoir, dominent partout.
    Mais l’évidence est telle que: au sein même de ces institutions, au sein du parti au pouvoir, certains Hutu aimeraient être Tutsi pour arracher les postes réservés aux Tutsi. Certains Tutsi aussi se disent qu’ils pourraient plus de chance à occuper tel ou tel poste s’ils étaient Hutu. Même dans l’opposition comme chez l’Uprona.
    Hutu ou Tutsi, ça importe beaucoup et parfois très peu ou rien: les chanceux ou les malins parviennent à se placer. Pour encore longtemps, l’armée a et aura toujours un Ministre Tutsi, le DG Police est Tutsi, le no. 2 du SNR sera toujours Tutsi, le VP sera toujours Tutsi, l’Ombudsman aussi. Difficile d’avoir ces postes quand on est Hutu et pourtant pleins de Hutu convoitent ces postes.
    Vous n’allez pas dire que Rwasa ou Magera ou les Jeunes de son parti sont mieux traités par ce pouvoir dit Hutu que Gashatsi ou Gaston Sindano Sindimwo ou les JRR de la ‘mouvance’.
    Les ONG sont essentiellement Tutsi, l’économie structurée comme les banques et entreprises solides, c’est pareil.
    Et entre temps, ceux dont l’identité ethnique est douteuse sont refusés de tous. Très compliqué aussi pour les enfants des couples mixtes.
    Morphologie dommageable! Brûlé à Nyakabiga ou tiré dessus à Musaga, très déplorable que que certaines personnes ont été victimes jusqu’à la mort: politique criminelle.

    Hutu ou Tutsi, quand cela nous arrange… Il nous faudra encore des générations sans conflit pour y mettre fin.

  6. ntare minott

    Actuellement, les Hutus…,du parti au pouvoir, dominent partout. Personne ne doit s’en lamenter ou leur implorer de respecter les quotas d’Arusha. Ça serait une peine perdue.
    À Buyoya les quotas lui ont été imposés, donc la logique est de les imposer aussi aux actuels dominateurs.

    • Stan Siyomana

      @ntare minott
      Rappelons que la fameuse repartition de la population burundaise (Twa=1%, Tutsi=14%, Hutu=85%) nous vient d’un recensement effectue par les colons allemands en 1896?DONC AU 19 EME SIECLE, ALORS QU’ILS NE CONTROLAIENT PAS ENCORE TOUT LE PAYS.
      Pour moi, si l’on veut vraiment rester dans ce systeme de quotas ethniques au 21 eme siecle la logique aujourd’hui serait d’etablir des criteres pour savoir qui est qui, et puis faire un nouveau vrai recensement, et apres appliquer ce systeme de quotas.
      Pour moi ce n’est pas normal, ce n’est pas proportionnel, c’est encore une injustice quand on accorde que 40% de ceci ou cela a un groupe qui ne representerait que 14% de la population.
      Pour moi, le Burundi avancerait mieux sur le plan socio-economique s’il appliquait un vrai systeme de meritocratie.
      A BAS LES QUOTAS ETHNIQUES!!!

      • PCE

        @ Stan Siyomana
        D’accord avec vous mais à condition que le Burundi accepte de dire la vérité. Car je connais bien des Burundais qui sont entrés au sein de l’armée ou d’autres administrations après avoir affirmé le contraire de ce qu’ils sont ethniquement. Et personne n’a vérifié -ou n’a voulu vérifier. Car en effet les histoires de hutu et tutsi les Burundais n’en ont rien à cirer , ce n’est qu’une stratégie pour accéder au pouvoir . Ceci étant dit – et c’est cela qui complique les choses au Burundi- les amitiés se se construisent , dans la majorité des cas, sur ces critères là .

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