Mardi 19 mars 2024

Société

Editorial spécial : Jean Bigirimana, 7 ans déjà

21/07/2023 2
Editorial spécial : Jean Bigirimana, 7 ans déjà

Une année. Deux ans. Aujourd’hui, 7 ans de silence. 7 ans de silence de la justice. 7 ans d’inaction. 7 ans d’impunité. 7 ans de deuil. 7 ans de douleur. 7 ans de questionnements.
Écœurant.

Puis, il y a ce mépris chaque fois que le dossier en rapport avec Jean Bigirimana, ce journaliste d’Iwacu porté « disparu » depuis le 22 juillet 2016 vers 13 heures, est évoqué pour réclamer justice.

Le refrain est rodé : « Le dossier reste ouvert, les enquêtes sont en cours, mais les victimes et les proches de Jean Bigirimana n’ont pas aidé pour faire avancer les investigations. Le Journal Iwacu n’a pas coopéré ». Y a-t-il pire cynisme ?

Des mots qui en disent long sur la volonté, pardon, le manque de volonté pour faire avancer ce dossier. Les Burundais savent que les confrères de Jean ont tout fait pour le rechercher dans la zone Bugarama où il a été aperçu pour la dernière fois. Bravant la peur et les menaces, les journalistes ont vérifié cette piste, fouillé la vallée de la Mubarazi.

Après quelques jours, les journalistes ont découvert dans la rivière, deux corps en état de décomposition avancé. L’un était lesté de pierres pour qu’il ne flotte pas. L’autre avait été décapité, probablement pour fausser toute identification.

Les deux corps ont été repêchés de la rivière Mubarazi, non loin de là où Jean a été vu pour la dernière fois à bord d’un pickup aux vitres teintées. Le Journal Iwacu a tout décrit, en détail. Curieusement, la demande formulée par le Journal Iwacu d’un test ADN sur l’un des corps est restée lettre morte.

Les deux corps en putréfaction ont été enterrés en catimini, après un « constat » hâtif effectué un soir par l’épouse de Jean Bigirimana encadrée par des policiers. Seule, apeurée, les yeux embués de formol dans une morgue lugubre de l’hôpital de Muramvya, elle n’aurait pas « reconnu Jean Bigirimana ».

Aujourd’hui, de son exil, Godeberthe Hakizimana affirme avoir des doutes, des remords. Elle réitère sa demande d’un test ADN sur l’un des corps sortis des eaux de la Mubarazi.

Cette mère de deux enfants, Douglas, 15 ans, et Timmy Terry, 10 ans, rêve de voir son mari inhumé dans la dignité.
Pour ma part, je refuse que le dossier de notre confrère Jean soit classé, devienne un ’’cold case’’ comme dans des films américains. Sauf que là, il y a un policier, un enquêteur obstiné, fouineur, courageux, qui ne recule devant rien pour mener les enquêtes avec l’énergie du désespoir afin de confondre, un jour, des criminels.

Ici, les tueurs ont une longueur d’avance, l’expérience, ils font tout pour faire taire les témoins gênants, les faire disparaître au besoin, effacer les preuves. Si cette rivière qui peut-être a vu les derniers instants de Jean, ou qui a accueilli son corps torturé pouvait parler…

La Mubarazi, d’une certaine manière, a déjà parlé en rejetant ce corps lesté de pierre et l’autre décapité. Les assassins voulaient que la rivière garde le secret, en emprisonnant dans ses fonds vaseux ces corps, ou qu’elle les charrie au loin, hors de vue et hors de portée des regards indiscrets.

Mais les rivières et les lacs sont réputés pour être indiscrets. Ils finissent par recracher tout ce qui vient les encombrer. La légende veut que certaines rivières parlent, la Mubarazi est-elle de celles qui parlent, murmurent ?

Forum des lecteurs d'Iwacu

2 réactions
  1. PCE

    Mettre le site en noir sur blanc , je trouve que c’est un bel hommage que vous rendez à Mr Jean Bigirimana. Bravo

  2. Rukara

    De quoi était accusé Jean Bigirimana pour être massacre sauvagement par le système sécuritaire de Nkurunziza président issu du parti CNDD-FDD?

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