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Politique

Sommet de la CEA : La guerre épistolaire

03/12/2018 Commentaires fermés sur Sommet de la CEA : La guerre épistolaire
Sommet  de la CEA : La guerre épistolaire
Museveni estime que les autorités burundaises étaient bien au courant de la tenue du sommet

Vendredi, 30 novembre 2018, se tient à Arusha le 20 è Sommet ordinaire des chefs d’Etats de la communauté est-africaine. Bujumbura avait demandé un report pour « mieux se préparer ».

Samedi 24 novembre 2018, le président Pierre Nkurunziza écrit à Yoweri Museveni que son pays n’est pas prêt pour le sommet. Dans cette correspondance, il fait savoir qu’il a demandé un report de deux semaines du conseil des ministres, rendez-vous précédant celle des chefs d’Etats de la CEA.

Le numéro un burundais explique sa requête par le retard pris par la lettre d’invitation pour parvenir sur son bureau. Conformément aux règlements intérieurs, il rappelle qu’il faut aviser un Etat quatre semaines auparavant.

Le lendemain, dimanche 25 novembre 2018, la réponse du président en exercice de la CEA ne se fait pas attendre. L’Ougandais clarifie sa position. Il n’est pas d’accord pour le report du sommet. Arguant que ce n’est pas dans l’intérêt de la communauté d’ajourner le Sommet. «Il se penchera sur de sérieux points à l’ordre du jour qui sont en suspens depuis si longtemps. Certaines questions à l’ordre du jour doivent être vidées sans tarder ». Il réfute les allégations de Bujumbura qu’il n’a pas été avisé à temps.

Une décision pas du tout nouvelle

Le conseil des ministres de la CEA a approuvé le calendrier des activités pour la période allant de juin à décembre 2018. Et dans ces activités, le sommet ordinaire des chefs de l’Etat y figure. Ceci a été communiqué à tous les chefs d’Etats de l’organisation. Une preuve, selon le président ougandais, que les autorités burundaises étaient bien au courant. En outre, il soulève les pertes financières que ce report pourrait engendrer « Le secrétariat a déjà passé des contrats avec des prestataires de services et leur annulation pourrait avoir de graves conséquences juridiques et financières qui pourraient être évitées ».

Dans la foulée, M Museveni indique que sa décision de « non-report » n’est pas du tout nouvelle. En effet, en date du 22 novembre, il a accueilli des envoyés spéciaux du Président Nkurunziza. Une délégation composée par le ministre des Affaires étrangères Ezéchiel Nibigira et le secrétaire du parti au pouvoir, Evariste Ndayishimiye. Il leur a clairement signifié que le Sommet se tient bel et bien le 30 novembre à Arusha. Le même jour, le président tanzanien, John Magufuli, confirmait sa participation à son homologue ougandais.

Lundi 26 novembre 2018, c’est le tour du secrétaire de la CEA, Libérat Mpfumukeko, d’entrer dans la danse. Dans une lettre adressée au président du conseil des ministres de la CEA. Il se préoccupe de la demande du Burundi d’ajournement de la rencontre du conseil des ministres. M. Mpfumukeko appelle au respect du règlement intérieur. Sinon, il craint que le non-respect de la procédure ne se répercute sur les décisions issues de la réunion.

Analyse

Le refus du report, un signal ?

Avec cette demande de report, Bujumbura voulait encore une fois jouer aux maîtres des horloges. Sauf que cette fois ci, « Mzee M7 » semble vouloir freiner cette stratégie. Pourquoi le gouvernement tenait tant à ce report ? Est-ce lié au rapport du médiateur qui devra être présenté ? Difficile de savoir. Une chose est sûre.

Même au plus fort de la crise, le gouvernement n’a jamais formulé cette demande. Certes, depuis le putsch avorté de 2015, le président de la République n’a plus participé dans un quelconque Sommet. Mais, il se faisait quand même représenter par l’un des vice-présidents. Cela donne l’impression que quelque chose aurait changé pour Bujumbura. Cependant la stratégie du report semble savamment bien orchestrée.

En effet, ce n’est pas pour rien que le secrétaire a fait un clin d’œil sur le respect des règlements. La CEA est une institution qui fonctionne par consensus. Le quorum des réunions est la présence de tous les Etats membres. Ce qui fait qu’un seul membre peut paralyser le fonctionnement de l’organisation. Si le Burundi boycotte le Sommet, il est en droit de contester les décisions qui en sont issues. La balle serait alors dans le camp du président ougandais. Qui, par ailleurs, a affirmé que les règles de procédure ne devraient pas prendre l’organisation en otage.

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Réactions

Phénias Nigaba : « Un sommet décisif pour la crise burundaise.»

Le porte-parole du Frodebu pense que ce sommet peut être décisif sur la question de la crise burundaise. « Si le président ougandais a refusé de le reporter, c’est qu’il est important. Par ailleurs, le secrétaire des Nations unies attend les conclusions qui seront prises sur la crise burundaise ».Pour M .Nigaba, il faut que ce Sommet arrive à convaincre le gouvernement du Burundi de rejoindre le dialogue. Cela permettra de préparer un autre round de dialogue plus sérieux que le précédent qui a fait chou blanc. « Ça serait une humiliation si les présidents de la CEA échouaient à résoudre la question burundaise alors que le reste de la communauté internationale a placé son espoir en eux. »

Tatien Sibomana : « Ce sommet a promis d’aider à trouver des solutions. »

«Nous nous attendons à ce que ce sommet prenne des mesures allant dans le sens de forcer le pouvoir de Bujumbura à s’inscrire dans la voie de sortie de crise», fait savoir Tatien Sibomana, acteur politique. Il indique que la Communauté Est-africaine s’est engagée à vider la crise burundaise : «Ce sommet a promis aux Nations unies, à l’Union africaine et au peuple burundais d’aider de trouver des solutions». Tatien Sibomana espère que les chefs d’Etat de l’EAC se prononceront sur le dialogue qu’ils ont confié au facilitateur Benjamin Mkapa. «Il a été terminé en queue de poisson suite à la mauvaise volonté de Bujumbura qui ne veut pas avancer vers une solution durable». Autrement, cet opposant trouve que le sommet aura «proclamé» son incapacité à aider à sortir les Burundais de la crise.

Kefa Nibizi : « C’est un sommet ordinaire »

Pour le président du parti Sahwanya Frodebu Nyakuri, il n’y a pas de crise au Burundi. « Au regard de la situation politico-sécuritaire prévalant dans notre pays, nous pensons qu’ils vont décider de clôturer le dialogue par une dernière session ». Elle pourrait durer entre une et deux journées pour se conclure par un communiqué. M. Nibizi explique que les problèmes de 2015 ne sont plus d’actualité. Pour l’heure, ils ont fait place à la préparation des élections de 2020.Du reste, il trouve que c’est un sommet ordinaire.

  Abel Gashatsi : « On ne s’attend pas à grand-chose.»

Le président du parti Uprona n’y va pas par quatre chemins : « On ne s’attend pas à grand-chose du fait que la demande du report du Sommet de notre pays n’a pas été exaucée.» A la question de savoir si cette demande n’est pas une façon élégante de Bujumbura de ne pas y participer, il indique qu’il ne peut pas s’exprimer à la place du gouvernement. Cependant, M. Gashatsi estime que cette demande est une preuve que le gouvernement veut participer, mais après s’être bien préparé.

Editorial de la semaine

La fin du Phénix ?

Les dés sont jetés, les carottes sont cuites : le ministre de l’Intérieur a validé les conclusions issues du congrès extraordinaire tenu à Ngozi le 10 mars par des dissidents d’Agathon Rwasa. « Nous prenons acte du rapport et des décisions prises (…)

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