Jeudi 28 mars 2024

Politique

Rétropédalage de l’ombudsman

20/09/2019 Commentaires fermés sur Rétropédalage de l’ombudsman
Rétropédalage de l’ombudsman
Selon l’opposition, l’ombudsman a été mandaté par le gouvernement.

Le bureau de l’ombudsman burundais a tenté de « recadrer » le débat sur la réunion de Nairobi. Dans un communiqué, M. Nduwimana tente de minimiser ce qui a été considéré comme un grand pas vers un accord pour un retour au pays des opposants en exil.

On dirait une réponse à une demande d’explication. Un justificatif. Le malaise est ressenti tout au long du communiqué.

Il faut dire que la toile s’était enflammée à l’annonce d’un imminent « retour négocié » de l’opposition en exil avec une délégation gouvernementale. L’annonce rendait publiques les tractations secrètes du 30 août au 2 septembre à Nairobi au Kenya où une délégation du Cnared a rencontré celle de Gitega. Au programme : organiser le retour de l’opposition en exil.

Une réunion qui aurait abouti à un « certain consensus sur les thématiques abordées. » Il s’agit notamment du rapatriement en un seul groupe de tous les opposants politiques, de la levée des mandats judicaires émis contre certains d’entre eux et d’une disposition d’une unité propre de sécurité.

Selon les révélations de certains participants, une rencontre a été prévue à Bujumbura 18 septembre 2019. Sous la demande de l’opposition externe, un membre du gouvernement aurait été présent pour la signature d’un accord.
« Alors que la délégation de l’opposition était en standby, elle reçoit un coup de fil vendredi 13 septembre de l’ONG finlandaise annonçant le report de la réunion de Bujumbura sine die, sans plus de précision,» apprend-t-on d’un participant.

En ce moment, le Cnared comprend qu’il se passe quelque chose à Bujumbura…

L’ombudsman assume….presque

En début de semaine, les tractations de Nairobi sont révélées, d’abord par Iwacu. Le bureau de l’ombudsman est assailli par des demandes de réactions. Finalement, il décide de sortir un communiqué pour ‘clarifier la situation’. Il dit avoir rencontré « les gentils ». Il décrit la délégation du Cnared comme étant « l’opposition pacifique vivant en exil ». Loin de lui l’idée de rencontrer « les parias de Gitega, ceux qui font l’objet de poursuite judiciaire ».

Nduwimana tient également à préciser que la rencontre de Nairobi n’était en aucun cas un « processus de dialogue » encore moins de « négociation ». Pourtant, le communiqué parle d’échanges de deux jours avec des protagonistes du pouvoir en place au cours de laquelle le bureau de l’ombudsman les a laissés poser leurs conditions au retour. Exiger des garanties.

L’ombudsman dit n’avoir pas été mandaté par Pierre Nkurunziza ni par son gouvernement. Il aurait agi seul dans le cadre de la loi qui l’autorise à faire ce genre de missions au quotidien.

L’ancien ministre de l’Intérieur affirme les avoir prévenus que cette séance était la dernière avant les élections de 2020. Il leur aurait indiqué que le gouvernement était occupé, notamment dans la préparation du prochain scrutin.

Analyse

Edouard Nduwimana n’évoque nulle part la rencontre ultime, cette espèce de dernier round signalé par le Cnared, qui avait été prévu le 18 septembre, à Bujumbura. Elle devrait durer deux jours pour vider toutes les questions techniques. Pourquoi a-t-il omis d’évoquer cet élément essentiel ? Par contre, il insiste pour dire qu’il a fait savoir à ses protagonistes que la rencontre de Nairobi était la dernière avant les élections.

Il transparaît clairement que l’ombudsman burundais n’a pas pu convaincre certains ténors du pouvoir. Difficile à dire sur quel point a porté leur divergence, même si les rumeurs évoquent la levée de mandat d’arrêt comme principal point de discorde. « Pourquoi se comportent-ils comme des vainqueurs à vouloir poser des conditions et des garanties, s’ils veulent rentrer qu’ils rentrent c’est tout, » s’est emporté un haut cadre du gouvernement.

Il est tout aussi improbable que la démarche de l’ombudsman ait été improvisée, sans l’aval du gouvernement quoi qu’en dise le communiqué. Contacté par Iwacu au lendemain de sa sortie médiatique, le directeur de la communication de l’ombudsman, Juma Rukumbi, dit clairement que leurs frais de mission sont débloqués par le ministère des Finances. Un circuit habituel qui informe le gouvernement de la nature et des objectifs de la mission.

Selon plusieurs observateurs, connaissant le « système », il semble tout aussi improbable que le président Nkurunziza n’ait pas été informé d’une démarche aussi sensible qu’une rencontre avec des opposants en exil. Le communiqué insinue de toute évidence que le chef de l’Etat et son gouvernement ne veulent pas être associés à ces tractations.

À l’heure des élections, les calculs politiques se font et se défont. Ceux qui se disent favorables au retour en masse de l’opposition en exil auraient une visée majeure : réussir à freiner la progression fulgurante du parti CNL, véritable opposition qui accapare toutes les voix contre le système « DD. »Des voix disent même que le Cnared viendrait en renfort pour affaiblir l’ascension du CNL…

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Réaction/ Le Cnared : « Ce n’est pas seulement un simple revirement, c’est une question de survie »

Selon le porte-parole du Cnared, Onésime Nduwimana, la réunion de Nairobi a bel et bien eu lieu. Et l’ombudsman a très bien prouvé qu’il a été mandaté par le pouvoir. La rencontre s'inscrivait dans le prolongement de bien d'autres rencontres qui ont eu lieu entre le CNARED et le pouvoir. Ces réunions avaient même vu la participation de généraux à l'instar du général Maurice, un dur parmi les durs du régime. Il était prévu une autre rencontre technique pour deux jours à Bujumbura qui devraient finaliser les aspects techniques d'un accord pour concrétiser leurs compromis. « Le communiqué de l'ombudsman ne peut pas être vu seulement comme un simple revirement. C'est aussi une question de survie, il a sûrement été menacé par les ennemis de la paix, », indique l’ancien porte-parole du parti Cndd-Fdd, aujourd’hui en exil. Il se veut optimiste. Le Cnared ne considère pas qu’il signifie l'arrêt des échanges. « C'est une étape parmi tant d'autres, mais aussi une preuve que l'équipe au pouvoir n'est plus cohérente, qu'elle a peur de la paix et des élections justes. Donc, en réalité, qu'elle n'a presque personne derrière elle. »

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