Vendredi 29 mars 2024

Économie

Prix officiels de produits agricoles : les commerçants se rebellent

13/07/2021 3
Prix officiels de produits agricoles : les commerçants se rebellent
Déo guide Rurema : « Les commerçants qui achètent la production sur pied, une mauvaise pratique dite ‘’umurwazo’’, seront sévèrement punis.»

Le ministère en charge de l’Agriculture a fixé mercredi 30 juin les prix de certains produits agricoles. Une mesure loin d’être respectée par les commerçants et les agriculteurs qui la trouvent inappropriée.

Selon le communiqué ministériel, sont concernés les prix de graines de maïs, de pomme de terre, du riz, du haricot, et des oignons. Selon cette mesure, le prix des graines de maïs secs est de 680 BIF le kg. Celui de la pomme de terre est fixé à 700BIF le kg.

Le prix du riz varie en fonction de la variété et de la qualité. Pour le riz paddy grain court, le prix d’achat au producteur est de 830 BIF. Le prix du riz plat grain court a été fixé à 950 BIF alors que celui du riz paddy grain long est à 860 BIF. Quant au riz paddy blanc grain long, il s’achètera à 1000 BIF.

Cette mesure fixe le prix du haricot volubile catégorie 1 homogène à 1100 BIF le kg et à 950 BIF pour le haricot nain homogène catégorie deux. Le prix du haricot mélangé est fixé à 900 BIF. Pour les oignons rouges, le prix au producteur est de 1200 BIF tandis que le prix des oignons blancs est fixé à 750 BIF le kg.

Déo Guide Rurema, ministre en charge de l’Agriculture, explique que la production des principales cultures dont le maïs, la pomme de terre, le riz, le haricot et les oignons a sensiblement augmenté au cours des trois dernières années occasionnant par la suite la baisse des prix de ces produits. « Cela a poussé le gouvernement du Burundi à mettre en place le mécanisme de gestion du circuit de production depuis la deuxième saison culturale 2021. Ce mécanisme encourage les producteurs tout en leur garantissant le marché d’écoulement à un prix rémunérateur calculé sur base du coût de production et des efforts fournis par le producteur».

Des stocks stratégiques

M. Rurema fait savoir que cette mesure a été prise pour protéger les agriculteurs qui sont parfois victimes des spéculations des commerçants : « Des stocks stratégiques ont été constitués afin d’épargner le pays de la pénurie alimentaire au moment de la période critique où ces commerçants en profitent pour augmenter les prix.»

D’après le ministre Rurema, toute la production va bientôt être acheté afin d’encourager les producteurs d’éviter que la production soit un problème au niveau local comme cela été remarqué dans les saisons passées où les agriculteurs ont manqué de marché d’écoulement de leurs productions. Il donne l’exemple des grains de maïs secs dont le prix a été fixé à 680 BIF le kg alors que les commerçants s’en procuraient seulement à un prix variant entre 250 et 350 BIF.

Cette haute autorité met en garde, par ailleurs, tous les commerçants qui passeront outre cette mesure en achetant le surplus de la production à un prix inférieur au prix fixé par le gouvernement : « Les commerçants qui achètent la production sur pied, une mauvaise pratique dite ‘’umurwazo’’, seront sévèrement punis.»

Il demande aux agriculteurs de dénoncer tous les spéculateurs et aux administratifs, surtout ceux en charge de la sécurité, de prêter main forte à son ministère pour la mise en œuvre de cette mesure pour augmenter et valoriser la production agropastorale. « Le Burundi peut vivre grâce aux produits vivriers nationaux sans recourir aux importations. Cela montre que la production de ces produits agricoles a largement augmenté».

Cependant, malgré l’autosuffisance alimentaire avancée par le ministère en charge de l’Agriculture, le Burundi continue d’importer des quantités importantes de produits agricoles vivriers. Les statistiques de la Banque centrale montre que l’importation du riz au cours des trois dernières années est allée croissante, soit 15627 tonnes en 2018, 16960,9 tonnes en 2019 et 17935,3 tonnes en 2020. Les quantités de graines de maïs sec importées étaient de 33611,6 tonnes en 2018, 22693,2 en 2019 et 15999,6 tonnes en 2020.

Une mesure loin d’être respectée

Lundi 5 juillet, il est 11h au marché dit ‘’Cotebu’’. Il s’observe un grand écart entre les prix fixés par le ministère et les prix réels sur le marché. Le prix d’un kg de la pomme de terre fixé à 700 BIF par le ministère dirigé par Déo Guide Rurema varie en fonction de la variété. Il est de 1100BIF le kg pour la variété dite ‘’ndinamagara’’ et 1200 BIF le kg pour la variété dite ‘’Kijumbu’’.

Un kg d’oignon rouge varie entre 1500 et 1800 BIF en fonction de la qualité alors qu’il est fixé à 1200 BIF le kilo par le ministère en charge de l’Agriculture. Le prix de l’oignon blanc fixé à 750 BIF se vend entre 1200 et 1600 BIF le kilo. Le prix d’un kg de haricot de la variété dite ‘’Kirundo’’ qui était fixé à 900BIF s’achète à 1100 BIF tandis que celui de la variété dite jaune fixé à 1100 BIF coûte 1700 BIF.

Dédith Nimbona. « Les prix sont négociés entre l’agriculteur et l’acheteur.»

Dédith Nimbona, cultivateur d’oignons de la colline Kirama zone Bugarama de la province Muramvya, dit ne pas adhérer à la mesure prise par le ministère en charge de l’Agriculture : « Le prix fixé à 750 BIF pour l’oignon blanc par kg est trop bas. Le ministère ne tient pas compte des efforts fournis et du coût de la production pour avoir un kg d’oignon. Les semences coûtent très cher. Un paquet de 250 g s’achète à 45 000 mille BIF sans oublier les frais liés à l’achat d’engrais chimiques.»

M. Nimbona affirme que le prix de l’oignon blanc fixé à 750 BIF le kilo ne reflète pas la réalité sur le terrain où le prix varie entre 1200 et 1300 BIF à Muramvya.

Cet agriculteur estime que le ministère ne devrait pas s’ingérer dans la fixation des prix. Car, estime-t-il, les prix sont déterminés par la production.

La production reste toujours faible

Ce producteur agricole assure qu’il n’y a pas une augmentation de la production, contrairement à ce qu’avance le ministère : « Quand la production est meilleure, le prix des oignons baisse jusqu’à 500 BIF le kg. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Actuellement, les prix sont négociés entre l’agriculteur et l’acheteur.» Au lieu de fixer les prix, conclut-il, le gouvernement devrait d’abord procéder à l’augmentation de la production.

Josée Ndayisaba : « Cette mesure n’a aucune importance tant que la production sera toujours faible.»

Josée Ndayisaba, commerçante de pomme de terre au marché dit ‘’Cotebu’’, abonde dans le même sens : « L’offre de la pomme de terre sur le marché est très faible. Aucun producteur n’accepte de vendre sa production au prix fixé par le ministère. Le prix est déterminé en fonction de l’offre et de la demande.»

Cette commerçante affirme s’approvisionner à Kayanza, la province la plus réputée pour la production de la pomme de terre. « Le prix d’achat au producteur d’un kg de pomme de terre de variété dite ‘’Kijumbu’’ est de 920 BIF et celui de la variété dite ‘’Ndinamagara’’ s’achète à 850 BIF le kg ». Et de préciser que cette mesure n’a aucune importance tant que la production sera toujours faible.

Forum des lecteurs d'Iwacu

3 réactions
  1. arsène

    À la chaîne de télévision égyptienne Nile TV, le président a déclaré qu’il y a eu « surproduction agricole au Burundi en 2020.
    Cela n’a convaincu que peu de gens car la réalité contredisait la parole de Son Excellence.

    L’article ci-haut indique à juste titre:

    « … le Burundi continue d’importer des quantités importantes de produits agricoles vivriers. Les statistiques de la Banque centrale montre que l’importation du riz au cours des trois dernières années est allée croissante, soit 15627 tonnes en 2018, 16960,9 tonnes en 2019 et 17935,3 tonnes en 2020. Les quantités de graines de maïs sec importées étaient de 33611,6 tonnes en 2018, 22693,2 en 2019 et 15999,6 tonnes en 2020. »

    Curieusement, nous relevons régulièrement, dans le discours des dirigeants, le même genre de contradiction que la déclaration du Président en Égypte.

    Lors d’une conférence de presse tenue le 7 avril 2020, le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Élevage, Dr Déo Guide Rurema a indiqué que la production des denrées alimentaires n’a cessé de s’accroître ces dernières années. Il disait en substance qu’en 5 ans, soit de 2015 à 2020, la production du maïs a été multipliée par 6.4, celle du riz par 5.36, celle de pomme de terre par 2.4 et celle du haricot par 1.62.
    Dans son édition du 10 avril 2020, le journal Burundi Eco (n° 396) rapportait ceci :
    « La production du maïs est passée de 139.211 tonnes en 2015 à 890.162 tonnes en 2020, celle du riz de 55.952 tonnes en 2015 à plus de 300.000 tonnes en 2020, celle de la pomme de terre de 55.686 tonnes en 2015 à 134.340 tonnes en 2020 et celle des haricot de 90.218 tonnes à 146.903 tonnes pour la même période » [selon le ministre D. G. Rurema.]
    Source :
    http://burundi-eco.com/wp-content/uploads/2020/04/Journal-Burundi-Eco-nr-396-du-vendredi-10-Avril-2020-Mailling.pdf

    Ces chiffres étaient surprenants et que notre ministre les présente à la presse était ahurissant. Il savait très bien que ces chiffres ne correspondaient pas à la réalité. J’avais d’abord cru à une erreur mais, Iwacu Web TV – que je remercie au passage – avait filmé les images.
    https://www.iwacu-burundi.org/le-burundi-connait-actuellement-une-stabilite-alimentaire/
    À en croire le ministre, la situation s’est inversée en à peine une année.

  2. Jambo

    Je me demande si avec notre niveau de corruption et la vision de nos dirigeants, nous avons le pouvoir d’appliquer ces mesures

  3. James

    « (…)Au lieu de fixer les prix, conclut-il, le gouvernement devrait d’abord procéder à l’augmentation de la production.
    « … Et de préciser que cette mesure n’a aucune importance tant que la production sera toujours faible.

    Sans défendre les producteurs/commerçants qui désobéissent la mesure prise par le ministre, il est clair que ce dernier ne sait pas ce qui se passe dans la chaîne de production. Nous avons besoin de ministres de terrain et non de ministres élitistes qui qui mettent leurs cravates et prennent des décisions dans leurs bureaux à Bujumbura sans savoir ce qui se passe à l’intérieur du pays.

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