Dimanche 07 décembre 2025

Editorial

Pénurie de carburant : le symptôme d’une économie à bout de souffle

31/10/2025 5

23 octobre 2025, commune de Bugendana. Face aux administratifs locaux et aux caméras, le Chef de l’État tranche : « Le pays dispose de carburant en quantité suffisante. » Le problème ?: « Certaines stations-service refusent d’aller s’approvisionner. » La menace tombe, sèche : expropriation. Les mots résonnent. Les débats s’enflamment.

Mais sur le terrain, la réalité raconte une autre histoire. Les gérants haussent les épaules : « Du carburant ? Il n’y en a tout simplement pas. » Les informations publiques disponibles ne font pas état d’une amélioration soudaine et massive de la distribution de carburant. Aucun communiqué de la Sopebu, l’entité chargée de l’importation, ne vient confirmer cette disponibilité miraculeuse. Au contraire : un rationnement par plaque d’immatriculation est mis en place.
Dernier chiffre de votre plaque, jour de la semaine. Bienvenue dans la gestion de la pénurie.

La sortie présidentielle n’est pas anodine. Elle suit un schéma classique : désigner un coupable, détourner le regard. « En pointant du doigt les propriétaires de stations-service, le gouvernement tente de détourner la colère populaire de sa propre gestion de la crise », analyse un observateur politique. Le président adopte une posture de fermeté pour montrer qu’il est aux commandes. Qu’il agit. Qu’il contrôle.

Sauf que cette démonstration de force produit l’effet inverse. La menace d’expropriation, même brandie sans être exécutée, crée un climat toxique pour les affaires. Les investisseurs, nationaux comme étrangers, prennent note : au Burundi, on peut perdre ses biens du jour au lendemain. « Face au risque de tout perdre, certains propriétaires pourraient être tentés de cesser leurs activités ou de réduire leurs opérations au strict minimum », prévient un économiste. La paralysie préventive s’installe. La pénurie s’aggrave.

En réalité, la menace d’expropriation ne règle rien. Elle ne s’attaque pas à la racine du mal : le manque criant de devises étrangères. Sans dollars, pas d’importation de carburant. L’équation est simple, brutale. La corruption et la mauvaise gouvernance viennent achever le tableau.

Un haut responsable du ministère des Finances a dénoncé l’ incapacité du pays à absorber et à utiliser les fonds alloués.Un chiffre glaçant illustre l’ampleur du désastre : sur près de deux milliards de dollars américains alloués par la Banque Mondiale, seuls 21,4% ont été décaissés. Plus de 1,6 milliard de dollars dorment, inutilisés, alors qu’ils sont destinés à des projets de développement cruciaux. L’absurdité atteint des sommets.

La pénurie de carburant au Burundi n’est que la partie visible de l’iceberg. L’arbre qui cache la forêt. Le symptôme le plus douloureux d’une économie malade, rongée par des problèmes structurels. Les déclarations martiales et les menaces ne changeront rien. Pire, elles enfoncent le pays dans une spirale délétère : méfiance des investisseurs, repli économique, aggravation des pénuries.

La sortie de crise passe par un changement de cap radical : dialogue sincère, transparence des comptes publics, respect des engagements contractuels. Il faut traiter la maladie, pas seulement ses symptômes. Le temps presse. Les files d’attente risquent de s’allonger davantage.

Forum des lecteurs d'Iwacu

5 réactions
  1. Jean Pierre Hakizimana

    Vous rigorez à vos risques et peril. Le Burundi marche tête baissée et jeux fermés vers un système du type communistes ou seul le gouvernement et ses amis prospèrent. Souvenez vous de l’histoire de l’hospital Kira?

    Ils sont consistant ces DD: Chaque crise est utilisée pour récupérer les biens des autres !

  2. PCE

    Cher Léandre,
    Une économie à bout de souffle , ce n’est pas exagéré du tout. Nous sommes déjà dedans. Tant que le Burundi ne sera pas gouverné avec le cœur , nous n’arriverons nulle part car nous ne partirons point. Gouverner un pays avec le cœur c’est cela qu’il nous faut. Il ne faudrait pas ici opposer coeur et raison ni confondre la notion avec faiblesse ou naïveté. C’est remettre l’humain au centre des décisions, faire de la politique un service et non un privilège. Cela demande à la fois empathie, lucidité et courage. Il s’agit ici de:
    – Écouter avant de décider. On ne peut pas par exemple décider une nationalisation des stations d’essence avant d’y avoir réfléchi et sur les conséquences d’une telle politique. Cela fait des années que le carburant manque chez les propriétaires des stations d’essence , ou voulez vous qu’ils trouvent de l’argent? Une politique qui n’écoute pas finit toujours par gouverner dans le vide.
    – Servir plutôt que se servir : le cœur d’un dirigeant devrait battre au rythme de son peuple, pas de ses intérêts. C’est refuser la corruption , refuser de parler de ses plantations et parler plutôt de celles du peuple
    – Placer la dignité au centre: l’économie, la sécurité, l’éducation, la santé — tout cela n’a de sens que si la dignité humaine est préservée. Un pays se mesure à la façon dont il traite les plus faibles.
    Gouverner avec le cœur, c’est refuser que la misère devienne une habitude, et que l’injustice soit perçue comme une fatalité.
    – Avoir le courage de la vérité : Feu Bagaza disait un jour  » Gutwara n’ugutimba » . Il voulait parler du courage moral: affronter la vérité même lorsqu’elle fait mal.
    – Semer l’espérance : ca ne vaut pas la peine de continuer à faire la même chose lorsqu’on sait d’avance que demain ne sera pas mieux qu’aujourd’hui. C’est montrer, par l’exemple, qu’on peut faire autrement — qu’on peut diriger avec humanité, sans perdre l’efficacité.
    Je pense que ces qualités ont déserté notre esprit depuis bien longtemps . Mais tout n’est pas perdu on peut si on veut. La solidarité dans l’erreur ne paye pas , elle détruit tout le monde . Est ce vraiment cela que nous souhaitons?

  3. Michel Kariyo

    Il a pris les choses en mains. (rires)

  4. ruvyogo

    S il connait les coupables. qui l mempeche de les punir. Il est entre autres paye pour cela

  5. Sarambwe

    Mr Neva va prendre les burundais pour des cons jusque quand?? Cela fait des années qu’il cherche des boucs émissaires pour essayer d’expliquer la pénurie du carburant!! Chaque mois nous avons droit à un nouveau mensonge! Et les Burundais, résignés, ne bougent pas un seul doigt!! Vous avez vu ce qui se passe en TZ? Sortez de vos bistrots, déposez vos bouteilles de bière et aller manifester dans la rue, bordel!!

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