Vendredi 29 mars 2024

Société

Michelle, l’ange gardien

23/11/2021 1
Michelle, l’ange gardien
Complices, Michelle et Evodie (à droite) ne se quittent pas.

Grâce à une greffe de son rein, Michelle a « redonné » la vie à Evodie. Complices, désormais, elles sont devenues sœurs pour la vie. Une histoire qui rappelle que pour être épris d’Ubuntu ne requiert pas forcément l’âge.

Insouciante, le sourire qui ne quitte jamais son visage. Michelle Archelle Kikurize a 20 ans. A peine 1m65, teint quelque peu clair, elle a la chevelure des anciennes stars de rock’n’roll des années 1970. Mlle Kikurize n’a rien de ces héros hollywoodiens sauvant le monde grâce à leurs exceptionnelles vertus physiques ou mentales. Sa seule force : son cœur, ce souci d’aider l’autre dans le besoin. C’est cette abnégation qui la poussera à prendre son courage à deux mains et voler au secours d’une inconnue.

Pour rappel, en avril 2020, l’histoire fait le buzz sur les réseaux sociaux. Evodie Ishimwe, une jeune fille de 22 ans, est très mal en point. Suite à la complication de sa polykystose rénale, elle souffre d’une insuffisance rénale chronique. Selon les médecins, suite à son état de santé qui ne cesse de se dégrader, la dialyse ne répond plus. L’urgence est qu’elle soit vite évacuée à l’étranger pour une transplantation rénale. «  Le médecin a dit à mes parents que j’étais déjà en phase terminale », se souvient Evodie.
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Une course contre la montre s’engage. Dans l’attente d’un potentiel donneur, des concerts, des levées de fonds pour récolter l’argent nécessaire pour son opération sont organisées ici et là. Toutefois, une inconnue de taille persiste. Après même que les 20.000 $ nécessaires pour son opération aient été réunis, un donneur compatible ne s’est pas encore pointé. Le moment choisi par Michelle de voler à son secours.

Ayant eu vent de l’histoire par le biais des réseaux sociaux, Mlle Kikurize ne flanche pas. « Le plus grand commandement de Dieu est d’aimer son prochain comme soi-même. En bonne chrétienne, j’ai senti une voix intérieure me poussant à enclencher le pas », raconte-elle. Une chose loin d’être facile à cause des fausses idées préconçues comme quoi, le donneur d’organe perd certaines de ses facultés. Pour une fille, les risques de donner naissance s’amenuiseraient, etc.

Sauver Évodie à tout prix

Cadette d’une fratrie de six enfants, à 19 ans révolus en 2020, Arcelle décide de demander l’avis de sa famille face à l’enjeu. « Compte tenu des décharges que je devais signer, histoire de se rassurer, j’ai d’abord demandé l’avis de ma famille ». Une bénédiction que cette dernière ne tarde pas à lui donner. Néanmoins, confie-t-elle, au fur et à mesure qu’elle faisait les examens, des gens lui font peur en lui faisant part de fausses idées autour de la greffe. « Figurez-vous, que par moment, j’ai eu peur au point de laisser tomber un projet ». Et de poursuivre : « Mais, chaque fois, une voix intérieure, peut-être celle de Dieu, me disait d’aller au bout ». Face à cette guerre psychologique, elle décide de se mettre en retrait.

Chemin faisant, raconte-t-elle, lorsque je commence les tests de compatibilité, elle est déjà en contact avec Evodie.

Michelle indique qu’après deux jours passés à échanger des messages avec Evodie, elle découvre une fille pleine de vie. « Malgré ce que ses amis et proches racontaient à son égard, à travers nos conversations, je sentais en elle une foi, un esprit résilient sans égal ». Un courage qui, avoue-t-elle, va l’aider à mûrir ma décision. Avec Mme Véronique, sobriquet que Michelle avait donné à Evodie, une complicité s’installe. « D’un coup, elle est devenue ma confidente. J’ai appris à lui partager mes peines, mes angoisses, mes joies ».

Après des examens approfondis à Bujumbura, en août 2021, Mlle Kikurize rejoint Evodie au Kenya. Toutefois, une fois arrivée au Kenya, un petit moment de stupeur survient. « Contrairement aux précédents résultats des analyses faites à Bujumbura, les médecins m’ont dit que mon groupe sanguin est B. Un effondrement sans nom. Car, à travers nos échanges, bien qu’arrivant à peine à dissimuler sa peine, la santé d’Evodie ne cesse de se détériorer ». Heureusement, explique-t-elle, après un autre check-up médical, les médecins confirment que son groupe sanguin est o+.

Le temps de faire connaissance avec sa désormais sœur, Michelle fait savoir que le staff médical l’informe que l’opération devra se faire à Eldoret, une ville située à 260 km de Nairobi.
L’opération « survie »

Un hic : plus la transplantation approche, plus la santé d’Evodie ne cesse de se dégrader. Affaiblie par les dialyses, Michelle raconte qu’elle a fait des crises cardiaques sans arrêt. « Une semaine avant l’opération, sous observation, les médecins nous internent. Des procédures d’usage pour bien régler nos paramètres vitaux ».  Ce jour-là, poursuit Michelle, nous avons passé toute l’après-midi à papoter. Du coup, Evodie a commencé suffoquer au point d’être immédiatement transférée en réanimation.

Un moment pénible pour Michelle. « Durant toute la journée, j’ai pleuré à chaudes larmes.  Au fond de moi, je n’imagine plus vivre sans elle. Et plus que tout, je devais accomplir la mission qui m’avait emmenée là-bas », confie-t-elle.

La peur de perdre sa désormais sœur, le stress de l’hôpital…A son tour, à deux jours de la greffe, ce sont les paramètres vitaux de Michelle qui deviennent instables. « Du coup, ma tension s’est mise à chuter. Idem que mon poids. A 68kg, avant l’internement, lors de l’opération, j’en étais à 64 kg ». Grâce aux conseils des médecins qui lui conseillent de boire de l’eau, sa tension se stabilise.

La greffe durera 4h. « Au bout d’une heure, je m’étais déjà réveillée alors qu’en principe cela prend 5h pour un donneur de reprendre ses esprits ». Idem pour Evodie. Après 5 jours, elle est sortie de la réanimation, alors que les receveurs prennent en principe deux semaines pour récupérer. Un temps de réadaptation record qui laissera pantois le staff médical. « Après deux jours, je pouvais me lever », se rappelle Evodie.

En constante hausse, grâce à cette greffe, la tension d’Evodie est redevenue normale. En forme, elle soutient qu’elle a repris ses habitudes. « Certes, pour une bonne observance, les médecins m’ont recommandé de me reposer six mois au risque de rejet. Aussitôt ce délai terminé, je commencerais à manger de tout ».

Par rapport à son récent don du rein, Michelle fait savoir: « Aucune raison de s’en faire, la personne reste la même. L’important, c’est de connaître ton groupe sanguin. Du reste, il suffit juste de vaincre sa peur.»

Avec des médecins en mesure de faire les transplantations rénales, Evodie demande au gouvernement de faire feu de tout bois pour la mise en place d’une pareille unité au Burundi. « Si cela ne tient qu’aux analyses des laboratoires, qu’est-ce qui manque pour franchir le cap?», s’interroge-t-elle. Idem pour  les médicaments des personnes transplantées. « Leur disponibilité ne doit plus être un privilège ». Et aussitôt de plaider pour  la multiplication des centres pour dialyse. « A défaut de greffe, autant permettre aux patients dans le besoin de continuer à être soignés», conclut-elle.

Forum des lecteurs d'Iwacu

1 réaction
  1. Fabien NDK

    Témoigage saisisant! Exemple effectivement d’ubuntu à imiter

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