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Société

« Libérez Tony Germain Nkina»

27/08/2021 Commentaires fermés sur « Libérez Tony Germain Nkina»
« Libérez Tony Germain Nkina»
La prochaine audience en appel est prévue pour le 2 septembre prochain.

Plusieurs organisations de défense des droits humains appellent à la libération de l’avocat Tony Germain Nkina. Elles trouvent qu’il est poursuivi injustement pour son ancien activisme au sein de l’Aprodh.

Tony Germain Nkina serait le seul ancien membre d’une organisation des droits humains actuellement emprisonné au Burundi.

Cet avocat dans la province de Kayanza est arrêté le 13 octobre 2020 dans la commune de Kabarore. Il se trouve chez un client pour son expertise en matière de litige foncier.

Interpellé, il est détenu brièvement dans les cachots du service national de renseignement à Kayanza. Il est interrogé entre autres sur son « implication dans les attaques attribuées aux Red Tabara qui ont eu lieu au mois d’octobre 2020. » Red Tabara est considéré comme un groupe rebelle burundais qui a une base arrière dans l’Est de la République démocratique du Congo. Il sera, ensuite, transféré à la police avant d’atterrir à la prison de Ngozi, où il est actuellement détenu.

Très vite, le poste qui l’a occupé à l’Aprodh refait surface, tout particulièrement parce qu’il conduisait son ancienne moto de l’Aprodh le jour de son arrestation.

Le procureur l’accuse, entre autres, de s’être rendu au Rwanda pour « livrer des informations à l’ancien président de l’Aprodh ainsi qu’au mouvement rebelle RED-Tabara ». Toutefois aucune preuve n’est présentée devant le siège pour étayer ces allégations, selon la défense.

Le 15 juin 2021, le Tribunal de Grande Instance de Kayanza déclare Tony Germain Nkina coupable de « collaboration avec les rebelles qui ont attaqué le Burundi ». Il écope d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende d’un million de francs burundais (environ 500 dollars US).

Son client, Apollinaire Hitimana, interpellé également est déclaré coupable de complicité à la même infraction. Il prend deux ans et demi d’emprisonnement et une amende de 500 000 francs burundais.

Depuis, l’avocat Tony Germain Nkina a fait appel. Le 2 septembre aura lieu sa deuxième audience. Celle prévue le 12 août a été reportée à la demande de la défense et du détenu. A cette occasion, ils espèrent montrer des preuves que Tony Germain Nkina a été arrêté en plein exercice de ses fonctions d’avocat. Son travail requérait sa présence physique sur le terrain litigieux de Kabarore appartenant à son client. « Il était normal qu’il fasse le déplacement et cela n’avait rien à avoir avec l’attaque des Red Tabara dans cette région,» indique une personne proche du dossier.

« Il est innocent »

Pierre Claver Mbonimpa, ancien employeur de Tony Germain Nkina, estime qu’on lui reproche sa proximité avec l’APRODH, comme le laisse entendre les questions qui sont revenues lors de son interrogatoire que ce soit au parquet ou alors au service national de renseignement. « Je suis de très près ce dossier avec quelques organisations de défense des droits humains». Pour Pierre Claver Mbonimpa, Tony Germain Nkina est innocent et demande que la Cour d’appel statue sur sa libération.

Tony Germain Nkina était le représentant de l’Aprodh dans la région nord du Burundi jusqu’à la suspension de cette organisation par le gouvernement en 2015 dans le contexte de crise que tout le monde connaît. Pour rappel, la société civile de l’époque s’était engagée dans des manifestations contre un autre mandat de feu président Pierre Nkurunziza qu’elle considérait illégal.

L’avocat, membre du barreau de Gitega n’a pas travaillé pour l’Aprodh ni pour aucune autre organisation de la société civile burundaise depuis six ans.

Un ancien collègue de l’Aprodh dépeint Tony Germain Nkina comme un professionnel assidu, vouant un culte au travail bien fait et dans les délais : « Il a d’abord été représentant provincial de l’Aprodh à Kayanza. Et compte tenu de son talent et de son dynamisme, il a été propulsé au poste d’observateur régional. (Couvrant Kayanza, Ngozi, Kirundo et Muyinga).» Il indique qu’il était toujours à jour avec la situation carcérale dans les prisons et les cachots de sa région : « Les justiciables témoignent des visites régulières et ils en profitaient pour lui soumettre des doléances. Il alertait les autorités judiciaires sur des cas irréguliers qui trouvaient solution par la suite. »

Selon un document rendu public par six organisations internationales de défenses des droits humains, dont Defend Defenders et TRIAL International, Tony Germain Nkina serait le seul ancien membre d’une organisation des droits humains actuellement emprisonné au Burundi.
Deux autres défenseurs des droits humains ont été libérés plus tôt en 2021. Il s’agit du représentant de l’Aprodh dans la province Gitega, Nestor Nibitanga. Il a été arrêté en 2017 et condamné en 2018 à cinq ans d’emprisonnement pour des infractions similaires à celles formulées contre Tony Germain Nkina. Il a été libéré en avril 2021 dans le cadre d’une mesure de grâce par le président Évariste Ndayishimiye.

Un autre défenseur des droits humains, Germain Rukuki, a été arrêté en 2017 et condamné à 32 ans d’emprisonnement en 2018. Sa peine a été confirmée par la Cour d’appel en 2019. Elle a, par la suite, été annulée par la Cour suprême. En juin 2021, la Cour d’appel a réduit sa peine à un an d’emprisonnement. Il a été libéré le même mois.

Ces organisations rappellent que douze défenseurs des droits humains et journalistes sont parmi un groupe de trente-quatre personnes condamnées à l’emprisonnement à perpétuité, en l’absence des accusés, en juin 2020. Ils sont accusés d’implication dans une tentative de coup d’État en mai 2015.


>>Réactions

Amnesty International : « Le motif probable de sa condamnation est son ancienne affiliation à l’Aprodh»

« En attendant l’audience en appel le 2 septembre, Amnesty International demande la libération immédiate et sans condition de l’avocat Tony Germain Nkina, détenu depuis octobre 2020 », indique Rachel Nicholson, chercheuse sur le Burundi pour le compte d’Amnesty International. Bien qu’il n’ait pas travaillé avec les organisations de la société civile depuis 2015, Amnesty International reste convaincue que le motif probable de son arrestation et de sa condamnation est son ancienne affiliation à l’Aprodh.

Human Right Watch : « Les partenaires internationaux du Burundi devraient aussi appeler à sa libération immédiate et sans condition »

Pour Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale de Human Right Watch, les poursuites contre Tony Germain Nkina et son emprisonnement servent de rappel inquiétant des risques qui pèsent toujours sur ceux qui faisaient partie du mouvement des droits humains au Burundi, autrefois très dynamique. « Les autorités devraient immédiatement abandonner les poursuites et libérer Tony Germain Nkina ». Selon lui, les partenaires internationaux du Burundi devraient aussi appeler à sa libération immédiate et sans condition.

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