Samedi 20 avril 2024

Société

Ecole doctorale : quatre ans après, elle peine à se tenir debout

21/07/2021 4
Ecole doctorale : quatre ans après, elle peine à se tenir debout
Un doctorant en train de préparer sa thèse à l’école doctorale.

Insuffisance du budget, des professeurs inexpérimentés, des bibliothèques et laboratoires peu équipés… L’école doctorale fait encore face à de nombreux défis, quatre ans après sa création.

Lancée en juillet 2017, l’école doctorale du Burundi a accueilli la première cohorte de doctorants en mars 2018. Elle compte aujourd’hui 160 étudiants parmi lesquels six ont présenté leurs thèses.

Quatre ans après sa mise en place, l’école doctorale qui offre une formation en ligne rencontre encore plusieurs défis.

C.N. est doctorant depuis 2018. Pour lui, tous les problèmes tournent autour du budget très insuffisant alloué à l’école doctorale. Le défi important est le manque de connexion. « Elle est très faible, parfois, nous ratons des séances».

Selon lui, certains professeurs directeurs de thèses ne sont pas expérimentés. « Nous sommes obligés de nous chercher un co-directeur à l’étranger, d’ailleurs c’est l’une des conditions pour entrer à l’école doctorale».

Ce doctorant déplore aussi l’organisation financière de l’école doctorale qui est « très médiocre ». Il observe que certains étudiants sont soutenus financièrement, d’autres pas : « Cela crée un déséquilibre au niveau de l’avancement de la recherche, surtout pour des doctorants qui ont des sujets exigeant des analyses au laboratoire ou sur le terrain. » De surcroît, les laboratoires sont très peu équipés.

Des dirigeants de thèses insuffisants et inexpérimentés

Pacifique Batungwanayo est un autre doctorant en mathématiques de la première cohorte. Maître-assistant à l’Université du Burundi, il confie avoir du mal à se concentrer dans ses recherches : « J’ai un effectif élevé d’étudiants, je dois préparer les cours, corriger les copies… » Bien que le cursus doctoral soit de 3 ans, souvent ce délai est de loin dépassé. Pacifique affirme qu’il va entamer sa 4e année.

Il évoque également un problème d’accès aux données dans les différentes institutions.

Il déplore que les dirigeants de thèses soient peu nombreux au Burundi. Il fait savoir qu’il a manqué un promoteur expérimenté pour son sujet de thèse. Il a dû chercher deux directeurs étrangers, en Belgique et en Indonésie. Et de faire remarquer que ce n’est pas facile de travailler avec des étrangers : « Souvent, les directeurs sont très occupés et je suis en retard dans mon travail. Même ceux d’ici ne s’investissent pas assez dans notre encadrement. » Cela fait un mois qu’il a remis un article à son encadreur local. Il ne l’a pas encore lu.

Un autre doctorant dans le domaine de la gestion affirme que le principal problème est le fait que parfois ils font face à des directeurs de thèse qui ne comprennent pas le sujet ou n’ont pas assez de temps pour l’encadrement.
L’expérience des directeurs de thèse laisse à désirer, selon ce doctorant. L’école doctorale est nouvelle, explique-t-il, la plupart de professeurs burundais n’ont jamais dirigé de thèse.

Des professeurs démotivés

Pour Pr Théophile Ndikumana, chimiste et directeur de thèse depuis plus de 10 ans, le grand problème est l’appui insuffisant de l’UB en général et de l’école doctorale en particulier. Ce professeur qui a dirigé des thèses à l’étranger indique que les promoteurs de thèses devraient être appuyés financièrement. Et d’enfoncer le clou : « En Europe notamment, quand un professeur dirige une thèse, il reçoit d’office 5.000 euros. Mais ici, nous le faisons gratuitement, or un directeur de thèse, surtout en sciences, travaille d’arrache-pied autant que le doctorant. Il doit s’assurer que le travail aboutisse dans le délai de trois ans. »

Pr Ndikumana parle aussi de laboratoires maigres et de bibliothèques très peu fournies.

Le directeur de l’école doctorale, Juma Shabani, indique que son établissement est financé par le gouvernement à hauteur de 400 millions de BIF par an. « Un petit budget qui ne peut pas couvrir les recherches sur le terrain ou dans des laboratoires privés. Nous avons donc développé des stratégies pour mobiliser des fonds à l’extérieur». Il parle notamment du soutien de la Belgique qui offre une bourse à une vingtaine d’étudiants pour la recherche dans ce pays.

Un autre défi important. M.Shabani déplore que les étudiants ne paient pas régulièrement les frais de scolarité qui s’élèvent à 3 millions de BIF par an. Pour les étrangers, c’est 2.500 US dollars par an. « Si tous les étudiants payaient, l’école doctorale fonctionnerait très bien».

Le manque d’encadrement régulier des directeurs de thèses est un autre défi. Les professeurs nationaux ne consacrent pas assez de temps aux étudiants et leur cursus traîne.


A la découverte de l’école doctorale

Juma Shabani parle d’un budget insuffisant alloué à cette école.

L’école doctorale a recruté la première cohorte de 43 étudiants en mars 2018. L’année suivante, elle a reçu la deuxième cohorte de 45 étudiants. La 3e cohorte en 2020 était composée de 80 étudiants. L’école doctorale compte aujourd’hui autour de 160 doctorants.

Elle couvre tous les domaines d’études existant à l’UB. Les étudiants proviennent de l’UB, des universités privées, notamment l’Université Lumière, Hope, l’Université de Ngozi et des fonctionnaires. Mais aussi des étudiants étrangers presque tous Congolais qui représentent 15% de l’effectif total. Un étudiant du Ghana a terminé il y a deux mois, d’après le directeur de l’école doctorale, Juma Shabani.
Presque tous les doctorants travaillent. Il a été pratiquement impossible d’organiser la formation en présentiel, d’après lui.

Le doctorant doit avoir au moins deux co-promoteurs, un Burundais et un étranger. L’école collabore avec 80 universités dans le monde, selon Juma Shabani.

Les doctorants doivent être dirigés par les professeurs ordinaires et les professeurs associés nationaux qui se comptent en une cinquantaine sur un total de 250 docteurs de l’Université du Burundi.

Forum des lecteurs d'Iwacu

4 réactions
  1. Philippe

    Je confirme ce que Arsène a dit : « …diriger les thèses rentre dans les activités ordinaires des professeurs couvertes par le salaire. Il en est de même pour la direction de mémoire. » C’est bien le cas en Belgique!
    D’autre part, Arsène a dit : « Les doctorants ne devraient pas dispenser des cours à plein temps. » Si non, comment voulez-vous terminer une thèse en 3 ans?

  2. Claude Bitsure

    Cet article comporte malheureusement certaines informations erronées et des contradictions… Par exemple, pour le temoignage du doctorant Pacifique Batungwanayo, vous dites qu’il n’a pas trouvé de directeur de thèse locale, mais qu’il a deux directeurs tous étrangers (Belge et Indonésien)… Mais à la fin la journaliste lui prête le propos selon lequel « cela fait un mois qu’il a remis son travail à son encadreur local mais ne lui a pas encore remis… » (mais quel encadreur local ???? Encore que un mois est trop court lorsqu’il s’agit de corriger une thèse…)

    Aussi, là où vous mettez en cause la capacité des professeurs (Professeurs associés et ordinaires) à diriger une thèse, c’est faux ! Il y a beaucoup d’autres irrégularités dans cet article !

    • Richard

      Un encadreur n’est pas un Directeur de thèse. Il a remis un Article et non une thèse à lire, je pense que tu n’a jamais fait de thèse.

  3. arsène

    « Un autre doctorant dans le domaine de la gestion affirme que le principal problème est le fait que parfois ils font face à des directeurs de thèse qui ne comprennent pas le sujet ou n’ont pas assez de temps pour l’encadrement. »

    Si un directeur de thèse ne comprend pas le sujet, comment le doctorant peut-il le garder? Il faut dans ce cas, soit changer de sujet, soit de directeur. La thèse de doctorat doit apporter une
    contribution significative à l’avancement des connaissances dans le champ d’études concerné. C’est tout à fait logique que ce but ne peut pas être atteint si le directeur ne comprend pas le sujet.

    « En Europe notamment, quand un professeur dirige une thèse, il reçoit d’office 5.000 euros. »
    C’est peut-être vrai dans quelques pays (zone euro, puisque le professeur a indiqué la monnaie), mais si je prends le pays que je connais le mieux, la Suisse, diriger les thèses rentre dans les activités ordinaires des professeurs couvertes par le salaire. Il en est de même pour la direction de mémoire.

    « … les frais de scolarité qui s’élèvent à 3 millions de BIF par an. Pour les étrangers, c’est 2.500 US dollars par an. »
    C’est un coût exorbitant. Certes, les frais diffèrent selon les pays mais vu le pouvoir d’achat des Burundais, 3 mio de francs c’est cher payé surtout quand certains directeurs ne connaissent pas le sujet.

    À l’université de Genève par exemple, les doctorants bénéficient automatiquement d’une exonération de taxe. Les taxes universitaires s’élèvent pour les doctorants à 500 francs suisses (532 USD) pour le 1er et dernier semestre de leur recherche et 65.- (70 USD) pour les semestres intermédiaires. Par exemple, une thèse en 5 ans coûte au doctorant 1670 USD en termes de frais.

    Les doctorants ne devraient pas dispenser des cours à plein temps.

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