Vendredi 29 mars 2024

Économie

Une attente qui n’en finit pas

26/07/2016 Commentaires fermés sur Une attente qui n’en finit pas

Une année après la faillite de la CCI-ODAG, l’Archidiocèse de Gitega compte relancer cette microfinance. Les épargnants demandent que leur argent soit remboursé. Pendant ce temps, des polémiques enflent autour de ce dossier.

Siège de CCI-ODAG situé au quartier Mushasha
Siège de CCI-ODAG situé au quartier Mushasha

« Nous avions confiance en cette microfinance mais aujourd’hui nous constatons avec amertume qu’elle ne veut pas nous verser notre argent », peste D.K., rencontré à la paroisse Mushasha. Sur place, le guichet principal est fermé. Seule une correspondance de la BRB datant du 20 février 2007, preuve de l’agrément de cette microfinance, est affichée sur une fenêtre.

Une année après, la situation n’a pas bougé d’un iota, confie notre source. La plupart des clients n’ont pas encore vu la couleur de leur argent malgré les différentes promesses des responsables de cette caisse d’épargne. « Ils nous avaient promis un remboursement rapide, mais rien n’a été fait », regrette-t-elle.

Les faits remontent à mai 2015. Les sept guichets (Mushasha, Rukundo, Nyabiraba, Nyabikere, Bukirasazi, Mbogora et Mugera) de la caisse coopérative indépendante (CCI) de l’organisation pour le développement de l’Archidiocèse de Gitega (ODAG), avec plus de 300 millions de Fbu de capital, ferment leurs portes un à un. Certaines sources parlent de faillite de la microfinance pour des raisons de gouvernance. D’autres y voient la main du parti au pouvoir pour ternir l’image de Mgr Simon Ntamwana, évêque de Gitega, président du conseil d’administration de CCI-ODAG. Et pour cause, le Burundi est à la veille des élections et sa prise de position par rapport à la candidature du Président Pierre Nkurunziza gêne au plus haut sommet de la République.

A l’époque, Télesphore Ndayishimiye, alors gérant de la microfinance, réfute cette information qu’il qualifie de rumeur. Il explique que la plupart des clients tardent à rembourser leurs crédits, ce qui empêche de payer les épargnants en totalité. « Personne ne perdra son argent », martèle-t-il.

Bien plus, il fustige le comportement de certains clients susceptibles d’envenimer la situation : « Les clients se pointent au même moment et réclament tous leurs épargnes. Aucune institution bancaire ne peut se le permettre. »

Craintes et sit-in

Des centaines de clients craignant de perdre leurs cotisations, font des sit-in devant les bureaux de cette micro finance presque tous les jours. « Le personnel nous disait soit de revenir le lendemain, soit d’être patient car le gérant est allé chercher notre argent à la banque et ainsi de suite », confie, G.N., une cultivatrice de la commune Giheta qui avait déjà cotisé plus de 500 mille Fbu.

Dépités, ils se rendent à la direction provinciale. Gérard Nibigira, conseiller principal du gouverneur, se souvient que l’administration a transmis le dossier à la BRB : « l’Eglise étant financièrement indépendante, c’est ce que nous ne pouvions que faire. » Et d’ajouter avoir appris que l’Archidiocèse est en train de chercher des fonds pour relancer la microfinance. L’idéal, conclut-il, serait de rembourser d’abord les épargnants. « C’est ce que l’administration a recommandé à l’Archevêché. »

Une source à la BRB indique qu’une réunion s’est tenue, il y a trois semaines, avec les représentants de plus de 8 mille clients de CCI-ODAG pour analyser la possibilité de la relancer : « Nous nous sommes convenus de changer le nom en enlevant ODAG et de transformer les guichets en agence pour que la caisse soit réellement indépendante. » Et notre source d’expliquer : « Il y avait immixtion de l’Archidiocèse dans la gestion des crédits, l’achat des fournitures à tel point que les dépenses dépassaient souvent les cotisations. »

Une décision différemment comprise

Avec ces changements, espère notre source, la caisse sera réellement indépendante, les crédits seront remboursés car chaque agence aura sa propre gestion alors qu’avant tout était centralisé et dépendait du conseil d’administration dirigé par l’Archidiocèse.

Côté Archevêché, l’on reconnaît la tenue de ladite réunion, mais pas son objet. Pour l’Abbé Ignace Mboninyibuka, économe général de Gitega, cette assemblée générale visait à expliquer qu’il est question de revenir à la normale pour exercer les activités essentielles de toute microfinance, à savoir les dépôts, les retraits et les emprunts (crédits).

Concernant les retraits des épargnants, l’Abbé Mboninyibuka affirme que l’Archevêché a commencé à servir prioritairement les petits déposants à hauteur de 40 % de ce qu’ils voulaient retirer. « Il n’est pas question de vider leurs dépôts. » A la question du rôle qu’aurait joué le Cndd-fdd dans cette affaire, l’Abbé indique avoir eu vent de ces informations mais qu’il n’a pas assez d’éléments pour le prouver.

Quant aux raisons qui auraient conduit à la faillite de la microfinance CCI, l’économe général de Gitega confie que depuis mai 2015, le conseil d’administration a assisté à un phénomène inattendu de retrait massif des fonds déposés par les membres de la CCI-ODAG. « C’est par la suite que nous avons appris que l’inquiétude politique qui régnait à cette période aurait été le point de départ de ce comportement. Cela a fortement déstabilisé la trésorerie de la CCI-ODAG.» Surtout, conclut-il, que pendant cette même période ceux qui avaient bénéficié des crédits n’ont plus voulu les rembourser.

Contacté, le député Georges Nshimirimana, président du Cndd-fdd dans la province, parle de spéculations : « Il n’y a aucun lien entre notre parti et ce dossier. Notre parti ne peut pas mobiliser clandestinement des gens qui réclament leurs dus dans un dossier connu de tous. » Bien plus, fait remarquer le député, tous ces clients ne sont pas membres du parti Cndd-fdd, preuve qu’il ne s’agit que de spéculations. Et de lancer un conseil aux concernés : « Qu’ils payent les cotisations de ces gens. C’est la seule voie pour que ces spéculations disparaissent. »

BRB

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