Mardi 19 mars 2024

Politique

“Un réfugié s’exprime par les pieds”

24/07/2017 20

Une délégation de la facilitation, de l’EAC et de l’UA a visité un camp de réfugiés de la Tanzanie. Objectif : explorer les possibilités de rapatriement burundais. Une décision contestée par certains.

Certains réfugiés se préparent au retour tandis que d’autres non

C’est un coup de pouce pour Bujumbura, qui peine à sensibiliser au rapatriement. Cette délégation a décroché une liste de 28 mille candidats au rapatriement volontaire, sur les 126 mille réfugiés burundais qui vivent dans ce camp tanzanien de Nduta, ce lundi. Cela dans un contexte d’impasse du dialogue.

Même si la facilitation demande d’éviter toute spéculation sur les raisons de cette visite, les sources sur place évoquent un périple avec objectif principal de tâter le terrain. Il s’agit d’envisager le rapatriement des Burundais qui ont fui la crise qui a éclaté en 2015. Et depuis, les chiffres du HCR ne cessent d’augmenter. L’organisation table sur 400 mille réfugiés disséminés essentiellement dans les pays voisins.

Après Nduta, direction Gisuru et Bumba

Dès le lendemain, ce mardi, le comité a décidé de faire un crochet, en direction de Muyinga et Cankuzo. Histoire de constater les conditions d’accueil et de sécurité des centres d’accueil des rapatriés de Gisuru et Bumba. « Et ainsi déboucher à un retour massif des réfugiés,» indique-t-on à Bujumbura.

Au final, la délégation a recommandé la mise en place immédiate de la commission tripartite composée par le Burundi, la Tanzanie et le HCR. Pour répondre au souhait émis par les réfugiés du camp de Nduta. Ces derniers avaient évoqué la nécessité d’un centre d’accueil qui leur permettrait d’arriver au pays. De ce point d’ancrage, ils trouveraient un paquet retour ainsi que les moyens de transport pour rentrer chez eux.

Ce projet de visite des camps qui abritent les réfugiés burundais n’est pas récent. Le bureau de la facilitation l’avait notamment défendu à Helsinki en Norvège devant les burundais en exil, au mois de mai. Un projet contesté par l’opposition. Il était perçu comme venant conforter Bujumbura dans sa rhétorique du ‘tout va bien’.

Cette visite a été boycottée par l’Union européenne, censée accompagner l’UA et l’EAC à Nduta. Elle a préféré rester à Dar es Salam. En garantissant tout de même qu’elle va prendre acte du rapport de la délégation. « Celui-ci sera acheminé directement à Bruxelles. »


>>Réactions

Charles Nditije : « Une propagande pour le pouvoir.»

La coalition de l’opposition en exil se dit contre cette démarche. Selon le président du Cnared, le rôle de la facilitation n’est pas d’inciter les réfugiés à rentrer. Il s’agit plutôt d’aider à créer les conditions favorables à leur retour. Charles Nditije affirme que cette visite est une propagande pour le pouvoir en place qui ne va pas manquer d’en faire une exploitation politicienne, arguant que la sécurité est rétablie. « Cette visite signe le manque de neutralité de la facilitation dans la crise burundaise. »

Sylvestre Ntibantunganya : « Pas une affaire politique. »

« Un réfugié s’exprime par les pieds. » Un proverbe que rappelle l’ancien président de la République. Selon lui, si les conditions objectives sont réunies, nous allons assister à un retour massif des réfugiés. « Souvenez-vous du retour des réfugiés après l’élection du président Ndadaye et de leur exil après son assassinat. » Selon Sylvestre Ntibantunganya, au lieu de polémiquer sur la fameuse visite et d’en faire une histoire politique, il faut plutôt gérer cette crise humanitaire. « Nous devons créer des conditions positives à leur retour. »

Léonce Ngendakumana : « Les conditions au rapatriement ne sont pas réunies. »

Pour le vice-président du parti Frodebu, aller voir les réfugiés est une bonne chose, les inciter à rentrer en est une autre. Selon Léonce Ngendakumana, il faut plutôt convaincre le gouvernement de dialoguer pour vider les questions qui ont conduit ces réfugiés à l’exil. « L’amendement de la Constitution, les tueries et des disparitions ici et là prouvent que les conditions au rapatriement ne sont pas réunies. » Et de conclure : « Que ceux qui rentrent s’attendent à s’exiler encore une fois »

Abel Gashatsi : « Pour le retour des réfugiés. »

Le président du parti Uprona indique que rien ne peut empêcher les Burundais de rentrer au pays. Selon lui, la situation politico- sécuritaire s’est améliorée au Burundi en 2017 par rapport à celle de 2015, avec la crise qui a poussé plusieurs personnes à l’exil. « Le parti Uprona encourage nos frères burundais en exil à rentrer pour bâtir le pays et préparer les élections de 2020.»


Analyse

Prouver que la situation s’est améliorée

Désengorger les camps de réfugiés, un objectif des pays de l’EAC qui accueillent des milliers de réfugiés. Ces derniers proviennent des pays des grands-lacs, de la Centrafrique, du Soudan et de la Somalie. Il est donc normal pour eux de stimuler le retour des réfugiés burundais dans leur pays. Normal aussi que Bujumbura exulte face à ce projet qu’il a par ailleurs susurré à l’oreille de la facilitation. Car que signifie cette campagne de visite des camps pour favoriser le rapatriement des réfugiés ? Si ce n’est que prouver au monde que la situation politico-sécuritaire s’est améliorée au pays des mille collines. Et que dorénavant le rapatriement est envisageable.

En même temps, la facilitation, a annoncé le prochain round pour ce mois de juillet. Mais on a du mal à envisager une suite favorable à ce processus. Et d’aucuns se demandent quelle suite va apporter la médiation au dialogue d’Arusha. Force est de constater que depuis plus d’un an, la facilitation peine à rassembler les parties prenantes au conflit.

Elle aura encore plus de mal à affirmer son impartialité. Cette visite, perçue comme une prise de position pour Bujumbura va refroidir l’opposition. N’est-ce pas la fin du processus ? Parce qu’en appelant les Burundais à rentrer chez eux, la facilitation indique que quelque part la crise est terminée. Que les planètes sont alignées pour permettre le retour d’exil de ces centaines de milliers de réfugiés.

Néanmoins, au-delà des calculs des uns c’est de la vie de ces personnes qui ont fui leur pays la peur au ventre dont on parle ici. Les conventions relatives aux droits des réfugiés doivent être respectées. Cela va de la protection de celui qui veut rentrer au pays à celui qui choisit de rester.

Forum des lecteurs d'Iwacu

20 réactions
  1. Mahoro

    Rentrer au pays pour un « Mwenegihugu » devrait être une joie pour tout le monde sans faire des polémiques ou des calculs politiques. Mais malheureusement avec le comportement de nos Imbonerakure qui échappe au contrôle même de leurs chefs sans parler des corps de défense et de sécurité (uwobihakana yoba ari ukwigirisha), l’accueil chaleureux qu’ils espèrent durera le temps d’un éclair car nos sages burundais disaient: » iyakariye ntigata ».

  2. Busorongo

    Que Léonce se réfugie d’abord avant d’encourager le bas peuple de rester en exil. Même son president, Bamvuga en exil ne peut pas affirmer ça.
    Chers journalistes approchez Nzomukunda & co pour savoir si oui ou non on peut rentrer au bercail.

    • juju

      Les dd & co n’ont pas quitte le pays et ne semblent pas inquites.
      Nzo c’est comme de l’eau qui va dans la riviere. Donc, inutile de lui demander comment elle se sens au pays apres son « exil ».
      Faut pas soutenir un regime aveuglement..surtout un regime qui fait ce qu’on voit. C’est honteux.

  3. Gashatsi et Gashatsi me rappellent la perdrix qui a transporté un serpent avant que celui-ci ne décide de mordre la dupe perdrix.

    • Gashatsi et Ayuhu, sorry!

  4. Ntakije Déo

    Uwishakira gutaha nibamureke yiyizire iwabo. Jewe ndi i Burundi nukuri mbona atacotuma umuntu aguma agorewe mu gahinga kandi igihu camwibarutse kiri mu mahoro.

  5. ls

    Ewe Leonce uri Cologate!
    Wewe utigeze uhunga ni we ubarira abandi ngo « Les conditions au rapatriement ne sont pas réunies. »?

    Aba Politiciens murasukana!

  6. Karundi

    – Léonce Ngendakumana : « Les conditions au rapatriement ne sont pas réunies. » None léonce ko agungaraye ngaha atari tanzanie, kuki abuza abandi kuza? Kuki adashaa ko baza, boshika bamusita?
    – Charles Nditije : « Une propagande pour le pouvoir.». Ehe uyu nawe, none yagira ico yanse ni imana iba icanse? Erega Bujumbura a des amis, n’en déplaises aux détracteurs. Mbega mwarafashe umlwanya ngo murabe ingene Leurs Excellences magufuli et Nkurunziza sont complices!! ibaze ingene yamworohereje akaza kumwakirira hafi y’i Muhira, ça ce vous donne aucun message? Bukeye sha aca aja kwiyakirira les britaniques de Rainbow Mining baje kwikorera akazi. Bobo nta munwa nk’Abafaransa muzobumvana, bazoreka muvuuuuze umunwa nabo bikorere akazi, inoti ya devise nayo yinjire murorera.

  7. Jereve

    L’histoire du Burundi indépendant est jalonnée de mouvements massifs et incessants de flux et reflux, va-et-vient des réfugiés et déplacés internes. Ceux qui ont cru que le pouvoir Cndd Fdd allait y mettre un terme doivent déchanter. Il faut encore s’habituer à cette idée qu’à chaque instant on doit être prêt à fuir…

  8. Fofo

    [Cela va de la protection de celui qui veut rentrer au pays à celui qui choisit de rester.], je suis d’accord avec vous à ce niveau.

    Le droit d’asile figure parmi les droits que les pays dits « démocratisés » appellent « Droit de l’homme ». Paradoxalement, ce sont ceux pays qui refusent d’accueillir sur leur sol les réfugiés! Que les pays d’accueil ne forcent pas ceux qui ne veulent pas rentrer et que l’opposition ne refuse pas ceux qui le désirent.
    Ce qui parlent de la politisation des réfugiés ce sont ceux-là même qui utilisent le nombre des réfugiés parfois gonflent le chiffre comme une carte pour faire pression au Gouvernement. Les réfugiés burundais ont toujours existaient plus nombreux que ceux d’aujourd’hui, la preuves en ait que même ces des années 1965, 1972, 1993 ne sont pas encours tous rentrés et jamais leur nombre n’était connu que par le HCR.

    Aujourd’hui les médias internationaux ne peuvent pas clôturer l’article sans répéter les chiffres pour montrer la gravité de la situation sécuritaire. De même pour l’opposition et les ASBL déclencheur de la crise. Pour eux, tous les réfugies sont les membres de l’opposition qui avaient contesté le 3ème mandat oubliant que parmi les réfugiés on a effectivement les contestateurs mais aussi des gens qui étaient pour la candidature de Nkurunziza qui auraient fui les violences des contestateurs. Il y a également les neutres qui n’ont aucune appartenance politique mais l’opposition et leurs ASBL (alliées) veulent prendre tous ces réfugiés en otage.

  9. Fofo

    [Ndlr: L’amendement de la Constitution, les tueries et des disparitions ici et là prouvent que les conditions au rapatriement ne sont pas réunies. » Et de conclure : « Que ceux qui rentrent s’attendent à s’exiler encore une fois »],
    mais lui il est là et ne veut pas que les autres y reviennent. Quelle malignité???

  10. Munyangeri

    Le parti Uprona encourage nos frères burundais en exil à rentrer pour bâtir le pays et préparer les élections de 2020.

    Merci Monsieur Gashatsi de dire que les réfugiés burundais n’ont qu’à revenir pour préparer les élections de 2020. La chose est bien connue car à l’approche de ces élections, les mémes causes produisant les mêmes effets, les imbonerakure vont de nouveau les menacer de les tuer et ils retourneront dans les camps tanzaniens.

  11. Jules M.

    Bazogaruka bongere bahunge kuko ico bahunze ataho kiraja.

  12. Hope

    Rien d’étrange que l’équipe de la facilitation visite les camps des réfugiés; même Nyerere et Mandela l’ont fait.

  13. Ayahu Jean Pierre

    « Le président du parti Uprona indique que rien ne peut empêcher les Burundais de rentrer au pays. Selon lui, la situation politico- sécuritaire s’est améliorée au Burundi en 2017 par rapport à celle de 2015, avec la crise qui a poussé plusieurs personnes à l’exil. « Le parti Uprona encourage nos frères burundais en exil à rentrer pour bâtir le pays et préparer les élections de 2020.» « . Voilà les propos d’un sage, un uproniste canal historique, de l’ère Rwagasore et Mirerekano, cet Uprona soucieux du bien être de sa population.

    • Yves

      @Ayahu : l’Uprona fait partie aujourd’hui de l’opposition alimentaire. Secret de polichinelle. Cette affirmation, au demeurant contredite par les faits et de nombreux autres rapports, est donc un non-évènement qui présente aussi peu d’intérêt que votre commentaire.

    • mayugi

      Mamamamawewwww!!!!Ayahu wariye iki kwa Gashtsi?

      • Ayahu Jean Pierre

        La nourriture saine, celle qui fortifie nos cœurs et nos âmes et qui rendent l’homme intelligent et clairvoyant, umushingantahe des temps passés, umugabo w’ijunja adahandwa ku rurimi, atari niryo, atari mpemuke ndare comme ces hommes et femmes, qui après avoir perdu les élections, cherchent à exploiter la détresse humaine en poussant ses semblables à vivre dans le dénuement pour pouvoir assouvir ses envies et intérêts..
        Wabonye?
        Gira amahoro n’umugambwe w’abadasigana wari wayaduhaye mu 1962, umwansi akayatwaka, hanyuma CNDD-fdd irayagarukana maze impuzi zari zaraboreye mu makambi inyuma y’igihugu, ziratahuka,,.

    • Muhima Mweru

      Mr. Ayuhu, vos reactions sont toujours les memes, soutenir les malhonnêtes , Gashatsi n’est qu’un petit marionnette du pouvoir CNDD rien de plus et pas un sage. Il ne fait que reprendre le refrin de la chanson entonnee par les DD. Mais sachez que les refugies ne sont pas dupes.

  14. KABADUGARITSE

    Tout ce tapage, beaucoup plus côté des opposants, ne couvre que le seul aspect politique et n’aborde pas le côté humain et social. Les autorités devraient pourtant y penser et y attacher plus d’importance.-

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