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Un bébé de deux jours succombe à son enlèvement. La genèse de l’histoire, et ses conséquences

19/07/2011 Commentaires fermés sur Un bébé de deux jours succombe à son enlèvement. La genèse de l’histoire, et ses conséquences

Âgé de deux jours seulement, un petit garçon est enlevé à l’hôpital Roi Khaled, à Bujumbura. Une journée après avoir été retrouvé à Nyaza Lac, il décède. Le père accuse son épouse de négligence. Une thérapie familiale s’impose, selon un psychologue. Pour les défenseurs des droits de l’enfant, les décideurs doivent réagir face à ce phénomène d’enlèvement qui prend de l’ampleur.

« Que justice soit faite !». C’est la demande que formule, de son lit d’hôpital, Consolate Nduwarugira, mère du petit garçon décédé deux jours après avoir été enlevé. Un rapt survenu deux jours seulement après la naissance.
Vendredi le 24 juin à 19 heures, cette mère de deux enfants accouche, par césarienne, d’un garçon de 4 kilo. Une femme au surnom de Siwa, originaire de la commune urbaine de Bwiza se fait passer pour une bienfaitrice et apporte aux femmes démunies de la nourriture. D’après la mère, la visiteuse lui a donne de la bouillie où elle avait mis de la drogue : « Après avoir bu j’ai eu des vertiges. Quelques minutes après, je me suis endormie. » Et d’ajouter qu’elle a dormi pendant plus de 5 heures d’affilée. Quand elle reprend conscience, la police est déjà là, mais elle ne comprend pas tout de suite ce qui lui arrive.

Apprenant la disparition de son fils, le père accuse la mère de négligence et d’être de mèche avec la kidnappeuse. La mère se retrouve seule sans aucune assistance. Mis au courant par les médias, l’Association pour la Défense des droits de la Femme (ADDF) se charge de la faire nourrir durant les enquêtes.

Nourri avec du lait en poudre

Le 6 juillet, le petit garçon est retrouvé au chef-lieu de la commune Nyazalac dans un état critique, selon des sources policières. La femme aurait été dénoncée à la police par ses hôtes. Ces derniers s’inquiétaient de la présence du nourrisson qui n’était pas allaité par la prétendue mère: « Nous avons su qu’un bébé avait été enlevé et nous l’avons directement soupçonnée. » Les enquêtes commencent. Démasquée, la ravisseuse avoue. Le chef de poste de Nyazalac lui intime l’ordre de faire hospitaliser le bébé, le trouvant trop faible. Mais, c’est trop tard ;il décède dans la soirée du 10 juillet.
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L’article 244 du code pénal burundais stipule qu’est puni d’une servitude pénale […] a enlevé ou fait enlever une personne quelconque. Si ces actes ont causé la mort, le coupable est condamné à la servitude pénale à perpétuité.
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Prévenus, les parents partent, la mort dans l’âme, pour identifier le corps qu’ils reconnaissent facilement. Les autorités administratives de cette commune se chargent des funérailles en l’absence de la mère. Elle est, en effet, encore faible et doit, en plus, veiller sur le deuxième enfant qui est aussi hospitalisé à l’hôpital Roi Khaled où il est soigné du kwashiorkor.

Selon l’assistante sociale de l’ADDF, le bébé nourri au lait en poudre, non approprié aux nourrissons. Et pire, il n’avait pas été vacciné. « C’est une violation des droits de l’enfant », s’insurge Marie Goreth Girukwishaka, coordinatrice de l’Observatoire Ineza des Droits de l’Enfant au Burundi (OIDEB). Selon elle, le bébé n’était pas en état d’être exposé à l’air ambiant. De plus, ajoute-t-elle, le priver de lait maternel, c’est mettre en danger sa vie et c’est pourquoi il n’a pas survécu.

Pour la coordinatrice de l’OIDEB, tout comme un enfant doit être éduqué par ses parents, un nouveau-né doit être nourri au lait maternel. Elle trouve aussi que, par ce rapt en bas âge, l’enfant risquait d’avoir une fausse identité. La coordinatrice estime qu’il y a un non-dit dans cet enlèvement : « Peut-on aimer un enfant plus que ses parents ? Si elle voulait être une mère, elle aurait adopté. »

Marie Goreth Girukwishaka exhorte tous les décideurs à réagir tant qu’il est encore temps pour stopper ce phénomène de rapt d’enfants qui prend de plus en plus d’ampleur. Elle appelle également les parents à la vigilance et la population à la solidarité: « Ce n’est pas normal que ce petit garçon ait pu être enlevé alors que sa mère se trouvait dans une salle commune ! Les valeurs ancestrales de notre société ne constituent plus des modèles : {« umwana n’uw’ihihugu »}(« l’enfant appartient à la société »).

La mère devrait être assistée

Jean Marie Sindayigaya, psychologue clinicien parle quant à lui de la mère du petit garçon a connu un triple traumatisme. Premièrement, l’enfant est né et la mère n’a pas pu jouir de cette naissance alors qu’elle a subi une césarienne (souffrance physique) bien que ce soit un enfant désiré. Deuxièmement, du fait du manque d’empathie (la capacité de comprendre l’autre dans la souffrance) de la part du mari censé la soutenir et la comprendre le premier. Et enfin, la mort de son enfant qui laisse une angoisse de séparation. Selon le psychologue clinicien, cela va entraîner un dysfonctionnement du couple et une mésentente familiale. De plus, la mère traumatisée sera dans l’incapacité de témoigner de l’affection envers les autres enfants qui deviennent aussi des victimes.

Pour Jean Marie Sindayigaya, le comportement du mari peut s’expliquer par l’angoisse et la frustration. Et pour aider cette famille à surmonter ces traumatismes, le psychologue préconise une thérapie familiale en identifiant le vécu de chacun des membres par rapport au drame.

Concernant le cas de la kidnappeuse, le psychologue clinicien pense qu’elle est stérile et éprouverait un désir ardent de maternité. Elle aurait ainsi besoin de compensation au niveau psychologique : « Comme elle n’avait, jusqu’au décès du bébé, demandé de rançon, elle comptait sans doute le garder. » Tout comme cela pourrait être un moyen pour elle de chercher à être financée par pseudo-père pour la prise en charge de l’enfant ; surtout s’il n’est pas sur place.

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